Moustapha du SAU de Meudon
Témoignages
03 avril 2025, modifié le 15 juin 2025

Moustapha, 15 ans : « Je siège au Conseil national de la protection de l'enfance »

Moustapha, 15 ans, est membre du collège des enfants du Conseil national de la protection de l'enfance, une instance placée auprès du Premier ministre, chargée d'émettre des avis et des propositions au gouvernement sur la prévention et la protection des enfants. L'adolescent, accueilli dans une Maison d'enfants d'Apprentis d'Auteuil, raconte en quoi cet engagement le fait grandir.  

Afficher le résumé facile à lire et à comprendre
Moustapha, 15 ans, fait partie depuis quelques mois d'un groupe d'enfants qui s'appelle le Conseil national de la protection de l'enfance. Ce Conseil aide le Premier ministre à protéger les enfants. Moustapha explique ce qu'il fait dans ce groupe.

« J’ai 15 ans et je vis à la MECS Maximilien-Kolbe, une Maison d’enfants d’Apprentis d’Auteuil à Boulogne-Billancourt, pas loin de Paris. Je suis arrivé tout seul en France il y a un an et demi. J’ai passé pas mal de nuits dehors avant d'être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance en tant que mineur non accompagné. 

Moustapha en pleine discussion avec Xavier Marcelin, un de ses éducateurs
Moustapha en pleine discussion avec Xavier Marcelin, un de ses éducateurs au service d'accueil d'urgence (SAU) de Meudon, dans lequel il a passé quelques mois à son arrivée à Apprentis d'Auteuil (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

Au service d’autres jeunes

Hébergé quelque temps dans un hôtel social du 18e arrondissement de Paris, puis assez rapidement scolarisé dans un collège à Clichy, en classe de troisième, j'ai ensuite été accueilli dans un service d’accueil d’urgence d’Apprentis d’Auteuil à Meudon, où j'ai retrouvé des jeunes dans la même situation que moi. 

Le temps de prendre mes marques et de me poser, je vis depuis un peu plus d’un mois dans un autre lieu d'accueil de la fondation, une Maison d'enfants située à Boulogne-Billancourt. J’y ai déménagé avec plusieurs jeunes de Meudon que je connais bien. 

Cette année, je suis en classe de seconde, toujours à Clichy. J'aime étudier, je me suis vite intégré, j'ai eu les félicitations aux deux derniers conseils de classe, mais ce qui me motive depuis mon entrée au lycée, c'est mon engagement au service des jeunes de la Protection de l’enfance.

Donner son avis 

Depuis le mois d’octobre, j'ai la chance de participer aux réunions d’un groupe d'enfants et d'adolescents qui s’appelle le collège des enfants du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), une instance créée en 2024 qui donne des conseils au gouvernement sur comment mieux protéger les enfants, en proposant des idées - qu'on appelle aussi recommandations - pour améliorer leurs conditions de vie.

On se réunit environ tous les deux mois et on est douze jeunes, âgés de 10 à 21 ans à faire partie du groupe. 

Il y a à peu près un an, j'avais participé à un projet en lien, pendant les vacances de printemps, avec d’autres jeunes de la fondation. C’était pour les Défenseurs des Droits d’Europe, qui voulaient donner la parole aux jeunes de  la Protection de l’enfance en rassemblant leurs idées et leurs expériences pour améliorer les systèmes de protection d l’enfance. 

La session se déroulait en deux temps : chacun dans son pays d’abord, puis en Slovaquie en juillet (où je n’ai pas pu me rendre). En France, le Défenseur des droits a sollicité les jeunes d'Apprentis d’Auteuil. 

Moustapha - moment de détente avec un jeu vidéo
Moment de détente avant le repas (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

Des exemples concrets

Durant cette session, pendant une semaine, on a réfléchi aux moments d’injustices vécus dans nos parcours de protection de l’enfance à travers du  théâtre forum avant de proposer des solutions aux problèmes auxquels on était confrontés. 

Personnellement, j’ai donné l’exemple d’une fois où j’avais eu mal au ventre alors que j’étais hébergé en hôtel social à mon arrivée. J'étais venu dire plusieurs fois aux éducateurs que je n'allais pas bien et que je souhaitais voir un médecin. Ils ne m’avaient pas cru et j’avais fini à l’hôpital... 

À partir de cet exemple, on a fait une recommandation invitant les éducateurs à intervenir rapidement en cas de maladie d’un enfant en l’amenant voir un médecin. Et une autre sur l'attitude qu'ils devaient avoir avec les jeunes dont ils avaient la charge, en gardant leur humanité et leur bienveillance dans toutes les situations. 

On a ensuite présenté ces propositions, avec d'autres, à la Défenseure des Droits, Claire Hédon, et au Défenseur des Enfants, Eric Delemar. Puis mes camarades sont partis les porter à Bratislava, en Slovaquie, en juillet. Une partie  d'entre elles ont été adoptées à Heslsinki en septembre par les  Défenseurs des Droits des pays européens. 

Je suis ressorti de cette expérience très touché par le fait que ma parole comptait. J'étais aussi heureux d'avoir pu faire connaissance avec d'autres jeunes et échanger en profondeur avec eux.

Motivation sans faille

Au vu de mon investissement, on m'a demandé si j'étais partant pour poursuivre en candidatant au collège des enfants du CNPE qui se créait et recherchait des volontaires motivés.

J’ai tout de suite accepté, sachant que j’allais être accompagné et me disant que ce serait l'occasion d'approfondir ce que j'avais commencé à découvrir. J'ai préparé ma candidature avec un éducateur et j'ai été pris. La réponse est arrivée à mon retour d'un temps de vacances, au début de l'été dernier. J'étais très ému.

 Moustapha - devoirs du soir dans sa chambre
Devoirs du soir dans la chambre do foyer, service d'accueil d'urgence Saint-Philippe, Meudon (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

Assemblée plénière

Avec le collège des enfants, on s'est déjà réuni trois fois. La première fois, c’était pour faire connaissance et mieux comprendre de l'intérieur en quoi allait consister notre mission. On a un peu visité Paris, fait connaissance entre nous et assisté à notre première assemblée plénière avec tous les autres collèges du CNPE. C’était impressionnant !

Les fois suivantes on a commencé à travailler sur des recommandations. Plusieurs jeunes ont parlé de l’école, du fait que c’est parfois difficile à vivre quand les autres élèves savent que tu viens d’un foyer, que tu peux te sentir jugé par les profs. Cela nous a donné l’envie de travailler sur la sensibilisation à faire dans les écoles sur nos situations, auprès des professeurs et des parents d’élèves. Et sur la possibilité qu’elles soient, pourquoi pas, tenues secrètes. 

On a aussi parlé des problèmes des signatures et des autorisations à obtenir pour l’école quand on est placé. Parfois le retour de nos référents se fait attendre et on ne peut pas aller aux sorties prévues.

Une mission qui fait grandir

Même si elle ne fait que commencer, cette mission me plaît énormément, j'aime apporter mes idées et je prends ma tâche très au sérieux. Avec les autres membres du collège des enfants, le courant passe bien et je mesure la chance que j'ai de vivre une expérience qui parfois me dépasse mais dont j'aime beaucoup parler. 

J'ai l'impression que cet engagement me pousse vers le haut et me fait grandir. Je me sens plus ouvert aux autres et de plus en plus sûr de moi car on m’a fait confiance. Jamais, je n'aurais pensé pouvoir vivre une telle aventure ! »

LE POINT DE VUE DE Claire-Marie Braguier, chargée du "Penser et agir ensemble" à Apprentis d'Auteuil

« Chargée du développement de la participation des jeunes et des familles, que l'on appelle  à Apprentis d'Auteuil le "Penser et agir ensemble", j’ai eu la joie d’accompagner Moustapha dès le début de son engagement avec le Défenseur des Droits. Avec les collègues éducateurs et éducatrices, nous avons rapidement détecté son potentiel à porter la voix des jeunes protégés dans une instance nationale. Arrivé à la fondation dans des conditions difficiles, Moustapha est d’une grande maturité, il est posé, constructif et possède de belles valeurs de respect et d’écoute. Fin et pertinent, il a également beaucoup de choses à dire et va, de toute évidence, énormément s’épanouir dans cet engagement. Notre enjeu aujourd’hui, est que Moustapha puisse porter une voix collective, sa voix et celle d‘autres jeunes de la Fondation. »