Atelier de concertation avec des jeunes du lycée Saint-Philippe sur le thème : droits aux loisirs, sport, culture
Plaidoyer

Droit aux loisirs, au sport et à la culture - Les jeunes d’Apprentis d’Auteuil font entendre leurs voix

Une centaine de jeunes d’Apprentis d’Auteuil a été consultée par la Défenseure des droits sur l’accès des enfants aux loisirs, au sport et à la culture, thématique du rapport 2023. Retour sur cette expérience qui a permis aux jeunes de porter leur voix et de mettre en lumière leurs difficultés à exercer pleinement un droit essentiel à leur développement, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant fêtée le 20 novembre.

« Certains adultes disent que la musique, ça excite, alors que moi, ça m’apaise. » ; « Les loisirs parfois, ce n’est pas toujours ce qu’on aime. » ; « Je voulais faire du foot, mais maman a dit « non » parce que je n’arrêtais pas de tomber. » ; « Parfois, les parents, ils n’ont pas le temps et parfois, ils ont peur que leur enfant se blesse. C’est pour ça que les enfants sont devant les écrans. » ; « Y’a un problème avec la danse pour les garçons : les hommes, ça ne fait pas de danse ! » ; « Le foot, on nous dit que c’est pas pour les filles » ... Ce florilège de paroles recueillies auprès d’une centaine de jeunes accueillis dans huit établissements d’Apprentis d’Auteuil (Maisons d’enfants à caractère social, collèges et lycées) en dit long sur leur vision et leurs attentes en matière de loisirs et de culture. Ces jeunes étaient consultés, comme 900 autres venus d’organisations impliquées auprès de la jeunesse, à l’instar d’Apprentis d’Auteuil, pour la préparation du rapport annuel 2023 de la Défenseure des droits sur les droits de l’enfant.

Les enjeux multiples du droit aux loisirs

Après s’être penché en 2022 sur le droit à la vie privée, pour lequel, déjà, 107 jeunes accueillis à la fondation avaient été consultés, le rapport de la Défenseure des droits, Claire Hédon, et du Défenseur des enfants, Éric Delemar, met l’accent sur le droit aux loisirs, au sport et à la culture, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant fêtée le 20 novembre.
Un choix qui ne doit rien au hasard, à moins d’un an des Jeux olympiques, alors que les indicateurs notent la hausse de la sédentarité chez les plus jeunes, la baisse inquiétante de leur pratique sportive depuis la crise du Covid-19, et l’augmentation du temps passé devant les écrans.
Mais la thématique du droit aux loisirs ne se pose pas seulement en termes d’enjeu sanitaire. Ce droit est largement méconnu et négligé, comme l’a rappelé Claire Hédon. Or, « il est essentiel pour grandir harmonieusement, se développer, être bien dans son corps, dans sa tête, s’ouvrir aux autres et au monde », souligne Virginie Hoarau, chargée du Plaidoyer et des relations institutionnelles à la fondation.

Jeunes jouant au basket dans un gymnase
La sédentarité chez les enfants et les ados et la baisse de leur pratique sportive depuis la sortie de la crise du Covid-19 inquiètent les spécialistes pour ses effets sur la santé et le bien-être des jeunes (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

Coût, accès, mobilité : les freins aux loisirs

Pour les enfants interrogés, les termes « loisirs » ou « culture » sont difficiles à cerner, et souvent bornés à la définition des adultes qui peuvent imposer leur choix. Le coût demeure le frein principal pour accéder aux loisirs. Le manque de temps des encadrants (éducateurs, parents), mais aussi des enfants eux-mêmes (emploi du temps chargé) est aussi préoccupant. De grandes disparités entre les territoires ont été observées, et des problèmes d’offres d’infrastructures, d’accès et de mobilité, ce qui accroît le clivage urbain-rural au détriment des zones rurales. L’accès aux loisirs est également différent, que l’enfant vive en structure collective ou non, avec parfois des restrictions pour ceux qui vivent en Maisons d’enfants. Des jeunes soulignent aussi leur manque de motivation pour sortir de leurs chambres, et préfèrent la compagnie de leur smartphone et des réseaux sociaux.

Exercer sa responsabilité citoyenne

Une centaine d’enfants et les jeunes accompagnés par Apprentis d’Auteuil ont donc été consultés toute l’année pour établir ces constats et des recommandations, dans une dynamique du « Penser et agir ensemble » développée par la fondation pour que les jeunes prennent la parole, s’impliquent dans les décisions qui les concernent et expérimentent leur responsabilité citoyenne.

Leurs recommandations portent, en résumé, sur l’accès aux loisirs, la baisse des coûts, voire la gratuité, l’information pour connaître toutes les possibilités, le temps disponible pour en bénéficier. Parmi celles-ci : un pass culture pour chaque âge, étendu aux plus de 15 ans, ouvert à tous les loisirs comme la piscine ; un pass loisir qui ouvrirait à des activités moins chères, voire gratuites ; plus de temps pour les loisirs (par exemple, en terminant l’école plus tôt dans l’après-midi) ; la gratuité systématique de l’accès aux musées ; un portail Internet qui listerait tous les loisirs gratuits ; un accompagnement au cinéma ou dans des lieux culturels inconnus ; des journées de transports gratuits pour aller à Paris ; davantage de sorties pour les jeunes en Maisons d’enfants ; l’inscription des jeunes en Maison d’enfants dès la rentrée aux activités de leurs choix, pour éviter le manque de place.

Jeune fille, de dos, jouant du piano
Une jeune fille pratiquant le piano aux établissements Sainte-Claire d'Apprentis d'Auteuil. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

Des loisirs pour l’insertion des mineurs non accompagnés

Porteurs de tous ces constats et des recommandations, trois jeunes des établissements Notre-Dame d’Apprentis d’Auteuil, près de Chartres – Cynthia, Alpha et Ibrahima - étaient présents lors de l’événement organisé pour la remise officielle du rapport au Gouvernement le 15 novembre. Cynthia, jeune MNA originaire de la République démocratique du Congo, est montée à la tribune. Elle a plaidé pour l’accès libre et gratuit aux structures sportives et culturelles. « Je suis vraiment heureuse de participer à des actions citoyennes comme celle-ci, s’enthousiasme-t-elle. J’espère que des solutions vont être trouvées pour améliorer l’accès aux loisirs. » Après sa sortie du dispositif Mosaïque dédié à l’insertion des MNA, (dépendant du lycée horticole et professionnel Notre-Dame), Cynthia a intégré un lycée à Chartres et aimerait devenir infirmière. Logée en foyer, elle se détend en pratiquant le handball, le basket et la musique, sa vraie passion. « J’écris mes propres chansons, je compose la musique et je chante. J’ai appris seule. J’aimerais intégrer une école de musique et jouer du piano. Mais c’est trop cher... »

Les bienfaits de la consultation

Pour les MNA que le dispositif Mosaïque accueille, l’accès aux loisirs relève souvent du parcours d’obstacles, faute de moyens financiers pour s’inscrire dans des clubs sportifs, dans des écoles de musique, ou de papiers d’identité. Grâce à l’achat de matériel par la fondation, Khalid, 17 ans, originaire d’Afghanistan, peut pratiquer le cricket, sport national de son pays natal, sur le site des établissements Notre-Dame. Mais Ibrahima, 17 ans, originaire de la République de Guinée, se désole de ne pouvoir pratiquer la boxe, son sport favori. « Il n’y a pas de club là où je vis et je n’ai pas de moyens de transport pour aller à Chartres où se trouve une salle. Alors je fais de la course à pied, du cross. » L’absence de connaissance des codes culturels est aussi un frein, par exemple pour accéder au cinéma. « Il faudrait nous apprendre à y aller », souligne Alpha, même âge et même pays d’origine qu’Ibrahima qui, avec ses camarades, apprécie de participer aux sorties collectives organisées par le lycée dans les musées parisiens, les parcs de loisirs et en bord de mer. Sandrine Noé, responsable du dispositif Mosaïque et enseignante en lettres modernes, reconduit pour la deuxième année consécutive sa participation à la consultation nationale. « L’accès aux loisirs, à la culture et au sport représente un enrichissement personnel très important pour les jeunes et notamment, les jeunes MNA, explique-t-elle. Cela leur offre une meilleure insertion dans la société française. En participant à la consultation, ces jeunes, pour lesquels les loisirs ne constituent pas de prime abord la priorité, ont pu s’exprimer, rencontrer des personnes issues de différents milieux et échanger. Et ainsi s’imprégner des habitudes et des codes culturels de la France » Un des nombreux effets positifs de la consultation dans le cadre du rapport annuel sur les droits des enfants. A suivre.

Le Défenseur des droits, un acteur de la protection des enfants

Les droits des enfants sont reconnus par la loi et sont inscrits dans la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), notamment ceux qui concernent le droit aux loisirs, au sport et à la culture (article 31).

Autorité administrative indépendante créée en 2011 et inscrite dans la Constitution française, le Défenseur des droits aide les citoyens présents sur le sol français à défendre leurs droits et leurs libertés. Il a deux missions : défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et permettre l’égalité de tous. Or, chaque enfant possède des droits en matière de santé, d'éducation, de justice, de protection sociale... En France, le Défenseur des droits est l'organisation désignée pour veiller au respect de ces droits. Reconnu par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, il s'assure du respect de « l'intérêt supérieur de l'enfant », c'est-à-dire que l'intérêt de l'enfant soit considéré comme primordial et prioritaire sur tout autre. Depuis 2019, il donne la parole aux enfants et aux jeunes en menant une consultation nationale auprès des moins de 18 ans. Celle-ci est mise sur pied dans le cadre de l’élaboration des rapports annuels consacrés aux droits de l’enfant, publiés le 20 novembre, Journée internationale des droits de l’enfant.