Il est urgent de permettre à la jeunesse de bâtir son avenir !
Dans l’étude « (Re) donner et faire confiance à la jeunesse », menée en partenariat avec Apprentis d’Auteuil, La Fabrique Spinoza lance un vibrant plaidoyer pour mieux comprendre la jeunesse, ses inquiétudes, ses aspirations et reconnaître son potentiel et sa capacité d’agir. Rencontre avec Alexandre Jost, directeur de La Fabrique Spinoza.
Par Laure Naimski.
Que nous révèle l’étude « (Re) donner et faire confiance à la jeunesse » ?
Les 15-25 ans, qui vivent des bouleversements physiologiques et émotionnels insuffisamment connus et pris en compte, ont le sentiment que leur situation est pire que celle des jeunes des générations précédentes. Même si les conditions de vie de la jeunesse sont meilleures qu’auparavant, notamment en ce qui concerne la santé et la qualité de la démocratie, les sociologues évoquent une rupture du progrès générationnel ressenti par les jeunes.
D’où vient ce sentiment de fracture ?
Il est lié à une sorte de bizutage générationnel : la société affuble la jeunesse de stéréotypes négatifs : bêtise, flemmardise, etc. Ce sentiment est aussi lié au fait que, paradoxalement, la société attend des jeunes qu’ils changent le monde en surmontant de multiples crises : géopolitique, climatique, économique, sanitaire, etc., et leur ajoute ainsi de l’anxiété. La pression sur la jeunesse devient trop forte.
L’étude montre également que le système éducatif, notamment l’école, peut engendrer une perte de confiance en soi…
En effet. La France est le pays de l’OCDE1 dans lequel la hiérarchie est la plus forte, due en partie à un enseignement très magistral, entraînant une perte de confiance en soi. Le jeune se retrouve jugé, non pas en fonction de ses souhaits, mais de ses capacités. Il ne sait plus vraiment ce qu’il a envie de faire, ce qu’il a déjà des difficultés à définir. Notre système éducatif a aussi du mal à valoriser les succès. Pour cette raison, des initiatives comme celles d’Apprentis d’Auteuil et de la Semaine de la réussite, qui célèbre les petites et les grandes réalisations de chacun, nous paraissent vraiment très importantes. Cela permet de redonner confiance aux jeunes en leur rappelant leur valeur.
Une autre piste explorée par l’étude est de repenser l’école comme une aide à la construction de soi...
L’enseignant doit en priorité apporter et apprendre la confiance aux jeunes, en faire un point d’appui pour tout le reste, à savoir l’apprentissage et l’orientation, plutôt que d’être simplement celui ou celle qui transmet la connaissance. Il faut aussi casser le caractère hermétique de l’école pour y faire entrer des intervenants extérieurs comme par exemple des chefs d’entreprise. L’orientation doit aussi devenir un cours à part entière tout au long de la scolarité afin de permettre à chaque jeune de bâtir son projet professionnel dans le temps.
Repenser l’orientation est aussi l’une des voies privilégiées…
D’autant plus que 61 % des jeunes disent s’orienter par défaut ! Il faut transformer cette étape en un moment de construction de soi et de son projet de vie qui soit positif, imaginatif, exploratoire, voire aventureux. En classe de troisième, un jeune connaît en moyenne seulement vingt métiers ! Le programme Oriane de la Région Île-de-France, qui permet aux jeunes d’être mis en contact avec des centaines de milliers de professionnels capables de leur donner un avant-goût des métiers, est un exemple inspirant. Il faudrait aussi inverser le paradigme du stage en développant les plateformes où les stagiaires choisissent leurs entreprises. Rappelons que le stage est souvent pour les jeunes, notamment ceux en difficulté, la première découverte du monde de l’entreprise.
Enfin, l’étude montre que le rapport au travail doit également être transformé. En quel sens ?
Les entreprises doivent mettre sur pied une coconstruction du travail entre les générations, des espaces de dialogue, des espaces pour interroger la place de la vie privée, de l’épanouissement personnel, de l’engagement professionnel... Il est indispensable de confronter les points de vue entre les générations. Il faut aussi répondre à la quête de sens, d’utilité, de responsabilité et d’horizontalité à laquelle aspirent les jeunes. Pour cela, il faut renforcer les entreprises à mission qui garantissent le respect d’engagements sociétaux et environnementaux.
Vous sentez-vous confiant pour l’avenir de la jeunesse ?
J’ai le sentiment qu’il manque un petit coup de pouce, un élan, une aide symbolique des autres générations pour que cette confiance se matérialise. Il suffirait d’une parole politique qui dirait à la jeunesse qu’elle est l’avenir, que nous croyons en elle et que nous allons la soutenir. Les jeunes ont en effet besoin d’être soutenus pour façonner un monde qui soit meilleur que celui d’aujourd’hui. Pour aboutir à cela, il est nécessaire de mettre en œuvre une fraternité intergénérationnelle.
1 L’Organisation de coopération et de développement économiques
La méthodologie
Alexandre Jost : Pour bâtir cette étude, nous nous sommes appuyés sur une recherche documentaire et scientifique, des interviews d’experts et de spécialistes des neurosciences, des entretiens qualitatifs, ainsi que des sondages. Nous avons également interrogé des jeunes individuellement, ainsi que dans des focus groupes. L’un d’entre eux était constitué d’une dizaine de jeunes issus des établissements d’Apprentis d’Auteuil.
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