Société
14 mars 2022

Louis-Julien Petit : "Avec La Brigade, je lance un débat sur tous les possibles"

Dans La Brigade, son film (sortie nationale le 23 mars), Louis-Julien Petit met en scène une rencontre improbable entre une cheffe de cuisine qui trace sa route et de jeunes migrants qui cherchent leur chemin. Le spectateur est ainsi convié à une table de saveurs, de passions, de réflexions, ouverte à tous les possibles. Dans le respect de chacun.

La Brigade met en scène de jeunes mineurs non accompagnés. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à eux ?

Pour deux raisons. Je souhaitais approfondir la thématique de l’intégration en France, dans la continuité de mon deuxième film Les Invisibles. La réalisatrice Sophie Bensadoun m’a appris que Catherine Grosjean, professeure de cuisine au lycée hôtelier de Treignac en Corrèze, donnait des cours à des Mineurs non accompagnés (MNA). Ces jeunes trouvaient un emploi avant même de décrocher leur CAP cuisine et obtenaient leurs papiers. Soit 100% de réussite !
J’ai voulu rencontrer Catherine et ces migrants, me fondre dans leur quotidien pour traiter d’un problème : d’un côté, des secteurs d’activité comme la restauration manquent de personnel ; de l’autre, des jeunes ne demandent qu’à apprendre et exercer ces métiers... avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. À 18 ans, s’ils ne sont pas intégrés, ils peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine. 

Qui sont ces jeunes acteurs ? Comment les avez-vous choisis ?

De juin à décembre 2020, en plein confinement, Charlotte Pouch, documentaliste, et Raphaëlle Beck, directrice de casting, ont filmé 300 MNA à Paris à La Résidence, un restaurant d’insertion accueillant des cuisiniers réfugiés en France, dans des écoles pour élèves allophones primo-arrivants, dans le quartier de Stalingrad, etc. Ils leur ont raconté leur vie. J’en ai convié 100 à des ateliers de théâtre, en trio, en duo et en solo pour voir comment la mayonnaise pouvait prendre entre eux. Je n’oublierai jamais l’instant où j’ai annoncé à 50 d’entre eux qu’ils allaient jouer dans le film. Tous ont pleuré de joie et nous ont dit : « Merci de nous regarder comme des jeunes venus du Tchad, de Guinée, du Bengladesh, d’Afghanistan, de Georgie, etc., des jeunes normaux sans l’étiquette migrants collée sur le front, avec tout le poids et la pression de la réussite sur le dos ». Nous avons tourné entre janvier et février 2021 dans le Nord où mon grand-père et mon père sont nés. Pour moi, ce département, c’est l’amour, l’humour et l’humain. Trois mots qui résument mes films. 

Dans Discount et Les Invisibles, vos précédents longs métrages, vous dérouliez déjà cette fibre sociale. D’où vient-elle ?

De l’enfance, je crois. De ce que j’ai reçu de ma famille – mes petites madeleines de Proust – et de la société – la richesse des êtres humains, des cultures, des langues. Avec l’envie de transmettre des idées sur l’apprentissage, la confiance en soi, le respect de l’autre, la main tendue… De glisser aussi les mots, les expressions, les accents, tout ce qui fait la diversité de notre société. Je veux qu’ils s’invitent, s’inventent dans mes films. Sans occulter l’essentiel des propos. Tout doit sonner juste. Cette réflexion, par exemple, de Djibril dans La Brigade : « Je pensais, qu’ici en France, il y avait tout ! » 

Djibril, Hamadou, Gus Gus et les autres, que vous ont-ils appris de la société française ?

À être plus positif encore ! En cette période où le climat social est morose tant dans les idées que dans les faits, ils m’ont donné une force de vie incroyable ! En janvier, au Festival de l’Alpe d’Huez où La Brigade était en compétition, avant même la projection, Hamadou a pris le micro pour dire : « Je viens de Sierra Leone, je suis très fier du film car il parle de jeunes migrants comme moi. Nous avons vraiment envie de réussir. Cela peut être une opportunité pour nous comme pour vous. » Je n’avais rien à ajouter.

Vous ont-ils confié leurs rêves de la France et la réalité ?

Beaucoup viennent en France en rêvant de football ! Les autres veulent acquérir des connaissances, des compétences, pour, de retour dans leur pays, partager leur savoir, créer une entreprise, aider les autres, réussir leur vie. Ils voient la France comme un Eldorado. Elle se révèle parfois terre d’asile. Avec La Brigade, je ne veux pas être moralisateur : le film est une comédie. J’essaie de lancer un débat sur le lien positif, les belles rencontres, les expériences novatrices, tous les possibles. Ce sont des enfants, ne l’oublions pas ! 

L’enfance de Louis-Julien Petit

De mon enfance, je retiens le partage et la discussion autour de la table. Dans l’Aveyron, ma grand-mère maternelle nous « régalait » de boudins blancs grillés. Elle les brulait tout le temps car toute la famille arrivait en même temps. On en rigolait. Dans les Landes, du côté de mon grand-père paternel, les enfants ne pouvaient pas s’asseoir à la table des adultes. Alors que, très jeune, j’avais envie de parler et d’argumenter. Mais mon grand-père se levait à 6 heures pour préparer le déjeuner de 13h. À 16 heures, il s’attaquait au dîner. La cuisine, c’était sa vie. Sa passion. 

Les moments clés 

  • 1997 La vie est belle de Roberto Benigni me donne envie, à 14 ans, d’être réalisateur... mais je me demande pourquoi je ris autant sur un sujet aussi grave 
  • 2003-2004 J’effectue mon premier stage sur le film Paris, je t’aime. Le steadycamer (cameraman) se blesse. Je dois le remplacer le lendemain et pendant huit mois. Chance ou destin ? Je ne sais pas. Une chose est sûre : j’ai tout donné 
  • 2015 Discount, mon premier film, obtient le prix du public au Festival du film francophone d’Angoulême, une reconnaissance très prisée 
  • 23 mars 2022 Sortie nationale de La Brigade avec Audrey Lamy et François Cluzet