Société
02 février 2022

Le Défenseur des enfants alerte sur la santé mentale des plus jeunes

Les Défenseurs des droits et des enfants consacrent leur rapport annuel 2021 à la santé mentale des enfants. Un sujet de préoccupation, identifié en France depuis plusieurs années, devenu encore plus prégnant avec la crise sanitaire. Éric Delemar, Défenseur des enfants, détaille le contenu de son rapport et formule des recommandations notamment pour améliorer la prise en charge psychologique des enfants, lutter contre le harcèlement à l'école ou l'exposition aux écrans des plus jeunes.

Pourquoi avez-vous choisi de consacrer votre rapport annuel à la santé mentale des enfants ?

Eric Delemar, Défenseur des enfants. Photo : © DR

À travers les 3000 saisines adressées au Défenseur des enfants, nous avons constaté que les enfants éprouvaient du mal-être à chaque fois que leurs droits n’étaient pas respectés (droit à l’éducation, à la protection, à la santé). L’Organisation mondiale de la santé indique d’ailleurs que cette absence de bien-être est la première cause de difficultés de santé mentale. Pour éclairer le sujet, nous avons consulté 40 experts (pédiatres, pédopsychiatres, médecins scolaires, associations de protection de l’enfance) et 600 enfants.

La crise sanitaire a-t-elle également joué un rôle ?

Pendant le premier confinement, il a été beaucoup question des violences intrafamiliales, des difficultés liées à l’école à distance, des retards d’apprentissages, mais très peu des impacts psychologiques de la crise sanitaire sur les enfants : dépression, troubles alimentaires, du sommeil, exposition aux écrans... Or, nous avons pu constater la réalité de ces troubles via les saisines reçues.

Quelles sont vos recommandations ?

Nous recommandons d’agir à la fois sur la prévention et sur la protection. Sur le premier volet, nous demandons de permettre l’accès aux crèches aux enfants dont les parents ne travaillent pas afin qu’ils bénéficient de ce dispositif d’éveil pour notamment prévenir cette première exposition des enfants aux écrans et favoriser l’interaction sociale. 
L’augmentation du nombre de CMP (centres médico-psycho-pédagogiques) fait aussi partie de nos propositions. Car aujourd’hui, il faut attendre entre 6 et 18 mois pour avoir un rendez-vous ! Il faut également reconnaître les équipes mobiles comme un dispositif hospitalier à part entière de prévention qui évite les hospitalisations. Nous recommandons aussi de consolider le financement des Maisons des adolescents où les jeunes peuvent se rendre de manière anonyme et gratuite, de réaliser une véritable étude sur les conséquences de l’exposition des enfants aux écrans, ainsi qu’une grande campagne de prévention sur les risques des excès d’exposition aux écrans du fait de l’enseignement en distanciel pendant les confinements. Sur le volet protection, nous recommandons que tous les établissements de protection de l’enfance puissent ouvrir des postes d’infirmiers. Les départements et les Agences régionales de santé devraient s’accorder sur ces financements. À l’école, les équipes médicales (infirmiers, médecins, psychologues, assistantes sociales) doivent être absolument renforcées pour mieux soutenir les enseignants dans la lutte contre le harcèlement. Il existe aujourd’hui une très grande disparité territoriale et un manque de moyens criant en matière de santé. Nous réclamons également une étude sur les anciens adolescents incarcérés pour évaluer l’impact de l’incarcération, et ainsi évaluer les risques de récidive. Que deviennent-ils après leur sortie ? Nous n’en savons rien.

Pourquoi les structures de santé mentale pour enfant sont-elles aussi sous-développées en France ?

Car nous ne sommes pas dans une culture de la prévention. Dans notre pays, le secteur de l’enfance est aussi très compartimenté. Un exemple : lorsqu’il a été décidé de fermer des lits d’hôpitaux il y a 15 ans, nous avons perdu 50 % des pédopsychiatres... sans qu’il y ait d’études d’impact de cette décision pour en évaluer les conséquences que l’on voit aujourd’hui. Idem, lorsqu’il a été décidé de fermer des Maisons d’enfants à caractère sociale pour faire plus d’intervention en milieu ouvert (à domicile, ndlr). La psychiatrie, et pire encore, la pédopsychiatrie, n’ont pas la place qu’elles méritent dans notre pays. Si l’on considérait mieux les enfants, on aurait plus d’égard pour ceux qui s’en occupent. Ce n’est pas un hasard si tous les métiers liés à l’enfance ont du mal à recruter.