Caroline Glorion, réalisatrice du film "Comme une louve"
Société
15 septembre 2023, modifié le 24 octobre 2024

« J’espère que Comme une louve va toucher le coeur du grand public »

Apprentis d’Auteuil est partenaire du film Comme une louve, en salle le 20 septembre. Le film raconte le parcours d’une mère isolée qui se bat pour récupérer ses enfants placés et explore les difficiles relations entre les services sociaux et les familles. Interview croisée de Caroline Glorion, la réalisatrice du film et de Mathilde La Musse, qui joue le rôle de Lili, la mère de famille.

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Apprentis d'Auteuil est partenaire du film Comme une louve en salle le 20 septembre. Interview de la réalisatrice et de l'actrice principale.

Comment est né le film Comme une louve ?

Caroline Glorion : Je connais l’association ATD Quart Monde depuis quarante ans. J’ai passé beaucoup de temps dans leurs universités populaires, leurs maisons de vacances.... Je suis aussi devenue amie avec des femmes accompagnées par ATD. Comme une louve est très inspiré par leurs histoires. La question du placement des enfants est une question qui m’a toujours tordu les boyaux. Je trouve que c’est une véritable injustice ! C’est aussi l’une des plus profondes racines de la reproduction de la misère. Lorsqu’on vous enlève vos gosses, comment peut-on encore avoir envie de se battre ? C’est ce qu’explore le film. Lorsque j’ai sorti mon premier film sur la création d’ATD Quart Monde dans les années 50, j’ai été interpellé par une femme qui m’a dit : « Pourquoi vous ne parlez pas de la misère d’aujourd’hui ? Moi, on vient de m’enlever mon gosse parce qu’il avait une maladie de coeur. » J’ai pris donc ce sujet à coeur. Au-delà de la question du placement des enfants, je voulais parler de la pauvreté aujourd’hui. L’histoire d’amour de cette mère qui se bat pour récupérer ses enfants, c’était une bonne manière de regarder aussi sa fantaisie, son intelligence, son courage...

Vous vouliez aussi aborder la question des relations entre les familles et les services sociaux.

Caroline Glorion : Oui, j’avais envie de mettre en scène le malentendu tragique qui s’installe parfois entre les services sociaux et les familles pauvres. Je tiens à souligner que je ne souhaite pas attaquer les services sociaux avec mon film. Mais je tenais à montrer qu’il y a parfois, d’un côté, des sourds et de l’autre, des aveugles. Dans le film, le placement des enfants arrive parce qu’il n’y a eu ni écoute de Lili, jouée par Mathilde La Musse, qui mord la main qu’on lui tend. Ni de l’assistante sociale, jouée par Sandrine Bonnaire, qui a des aprioris sur cette mère de famille et va l’accuser de choses qu’elles n’a pas faites. Les événements font boule de neige et aboutissent à une situation tragique.

Caroline Glorion, réalisatrice du film "Comme une louve", et Mathilde La Musse, l'actrice principale
Caroline Glorion, réalisatrice du film "Comme une louve", et Mathilde La Musse, l'actrice principale (c) Igor Lubinetsky/Apprentis d'Auteuil

Comment êtes-vous entrée dans le personnage de Lili, la mère de famille ?

Mathilde La Musse : C’est un personnage qui est très éloigné de ma vie personnelle. J’ai grandi dans une famille où il y avait écoute et soutien. J’ai donc dû aller chercher des émotions que je ne connaissais pas dans mon quotidien. J’ai essayé de décortiquer son passé, ses relations avec ses parents, ses enfants, ses compagnons... J’ai rassemblé tout ça et j’ai essayé de créer la personnalité de Lili en m’imprégnant de ses qualités, de ses défauts, de ses codes sociaux qui sont très loin des miens. J’ai aussi découvert un monde, celui de l’Aide sociale à l’enfance, que je ne connaissais pas. J’ai beaucoup appris. J’ai découvert un vocabulaire, des visages, des histoires, des enjeux... Je me suis aussi immergée dans cet univers grâce à Caroline Glorion qui m’a partagé son expérience. Avec les enfants, nous avons aussi eu une relation assez magique. Nous avons très vite créé un lien très fort.

Vous avez été grand reporter, vous avez fait des documentaires. Pourquoi avez-vous eu envie de passer à la fiction ?

Caroline Glorion : D’abord parce que j’ai toujours eu envie de faire du cinéma. Et puis, parce que je ne voulais pas mettre en danger les hommes et les femmes du quart-monde qui ont trop honte de leur situation et ne veulent pas en parler. La fiction est très utile pour raconter ces histoires difficiles.

Image du film "Comme une louve" de Caroline Glorion
Image du film "Comme une louve" de Caroline Glorion (c) DR avec Mathilde La Musse, Sarah Suco.

Quel message souhaitez-vous faire passer avec ce film ?

Caroline Glorion : Je n’ai pas de leçon à donner car je ne suis pas du secteur social. Le cinéma est avant tout une expérience artistique. C’est un espace pour vivre des émotions qui permettent ensuite de réfléchir. Avec Comme une louve, j’avais envie de bousculer, de provoquer.... Mais pas de juger ou de dire « d’un côté il y a les méchants et de l’autre les gentils ». Je ne veux pas accuser qui que ce soit mais montrer à travers des histoires vraies de familles que j’ai rencontrées, comment cette incompréhension entre les institutions et les familles précaires, peut aboutir à une situation tragique : le placement. J’espère que ce film pourra inciter les uns et les autres à se poser des questions. Et provoquer le débat.

Le film sort le 20 septembre. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Caroline Glorion : J’appelle tous les lecteurs à aller voir le film dès les premiers jours car tout se joue là ! Si on ne fait pas des salles "conséquentes" entre le mercredi et le week-end suivant, il est fort possible que nous ne soyons plus à l’affiche la semaine suivante. Si la sortie pouvait être à l’image du film qui a été monté grâce à des rencontres et beaucoup de solidarité, de partage des partenaires financiers, des techniciens, des acteurs, ça serait ma plus belle récompense ! Cette générosité, j’espère que les spectateurs la ressentiront et qu’il y aura un bon bouche à oreille car nous sommes un "petit film" avec peu de moyens de promotion. Ce film peut toucher le coeur du grand public car c’est une histoire tragique mais belle. D’ailleurs, j’ai fait quelques projections test et les spectateurs étaient touchés par le côté solaire et combatif du film qui « casse les codes du film social » m’a-t-on dit. Je veux aussi tirer mon chapeau à Mathilde La Musse, même si elle va rougir, qui est magnétique dans le film. Et à Sarah Suco, qui joue l’avocate, qui est formidable également.

Mathilde La Musse : J’espère que le film pourra rencontrer le plus large public possible. Et que les spectateurs pourront découvrir cet univers de l’aide sociale à l’enfance et des familles en difficulté qui n’est pas encore connu du grand public.

 

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