Société
13 novembre 2019

Geneviève Avenard : « Donnons la parole aux enfants ! »

Défenseure des enfants, Geneviève Avenard se bat pour les faire (re)connaître comme des personnes à part entière avec des droits. Plus attentionnée que jamais en cette année, 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Comment définissez-vous votre mission ?

Depuis 2014, adjointe du Défenseur des droits (Jacques Toubon, ndlr), je dois m’assurer que les enfants sont reconnus comme des personnes à part entière et respectés dans leur dignité, leur intégrité physique et morale. M’assurer aussi que leur intérêt supérieur est bien pris en compte dans toutes les décisions qui les concernent. Et que leurs droits, proclamés dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), sont effectivement respectés. Ma mission concerne tous les enfants entre 0 et 18 ans, et en particulier, les plus vulnérables. J’ai le sentiment de pouvoir faire bouger les lignes et de leur être utile. C’est une mission extraordinaire !

Comment la menez-vous au quotidien ?

En étant la plus proche possible de la réalité de la vie des enfants, de leur famille, de leur environnement et des professionnels qui s’en occupent. À leur écoute, en ayant la certitude que j’ai toujours à apprendre d’eux.
Plus précisément, nous pouvons être saisis par toute personne qui estime que tel ou tel droit d’un enfant n’est pas respecté : parents, professionnels ou associations… Les enfants peuvent aussi nous saisir : sur les 3 000 réclamations reçues en 2018, 300 émanaient de moins de 18 ans. C’est encore trop peu, mais je me console en observant que ce chiffre est en augmentation. Tous les droits peuvent être concernés et tous les  enfants, quelle que soit leur situation : protection de l’enfance, scolarisation, santé, justice pénale, adoption. Nous constatons que les enfants les plus vulnérables – porteurs de handicap, en situation de pauvreté, mineurs non accompagnés, roms, etc. – sont aussi ceux qui méconnaissent le plus leurs droits. Pour faire cesser ces atteintes, nous disposons de plusieurs leviers, dont la médiation avec les services publics, mise en œuvre par nos 500 délégués sur l’ensemble du territoire. Nous pouvons formuler des recommandations générales auprès des autorités concernées afin d’améliorer le cadre juridique et les pratiques.

Quels sont, à vos yeux, les situations intolérables ?

Sans hésitation, les violences faites aux enfants, verbales, physiques, sexuelles, psychologiques, ainsi que les négligences, y compris celles commises au sein d’institutions comme l’école, les foyers de la protection de l’enfance etc. Sans oublier les violences entre enfants, le harcèlement scolaire ou sur les réseaux sociaux. Elles touchent tous les enfants, de tout âge et de tout milieu. Et l’on sait aujourd’hui combien elles sont néfastes et préjudiciables, avec des répercussions tout au long de la vie d’adulte. Nous nous saisissons d’office des situations les plus dramatiques ayant conduit à des décès d’enfant, et nous élaborons des recommandations pour les éviter et mieux les traiter.

2019 marque le 30e anniversaire de la CIDE. En quoi a-t-elle fait avancer leur cause ?

Elle a fait faire un bond prodigieux à l’humanité ! Avec la reconnaissance de l’enfant comme une personne à part entière, un sujet de droits qui lui sont propres, membre actif d’une famille, d’une communauté, de la société. L’enfant n’est ni un adulte en miniature ni un être humain négligeable.
Par ailleurs, la Convention s’appuie sur deux notions fondamentales : la protection et l’émancipation de l’enfant. Nous devons l’aider à se développer dans les meilleures conditions possibles et faire en sorte qu’il acquière des connaissances et des compétences pour devenir un adulte autonome, responsable et libre.
Mais beaucoup reste à faire, partout dans le monde et en France, pour que les droits et l’intérêt supérieur de chaque enfant soient pleinement respectés. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies chargé de surveiller la mise en œuvre de la CIDE, a souligné début 2016 les avancées accomplies par notre pays, mais soulève des situations de déni de droit, en métropole et en outre-mer. Je note cependant une évolution positive dans le discours public. Le sujet des droits de l’enfant est devenu un enjeu d’ordre politique et de stratégie publique. La société civile, les médias s’en emparent. Je veux croire que notre travail a porté ses fruits dans cette prise de conscience.
Une question demeure : comment faire en sorte que les droits proclamés deviennent effectifs le plus rapidement possible ? Il y a urgence : les enfants ne peuvent plus attendre. Il en va du contrat social et de la cohésion de la société.

Pourquoi avez-vous lancé la consultation "J’ai des droits, entends-moi" auprès des moins de 18 ans ?

Il est essentiel pour nous de recueillir la parole des enfants pour savoir comment ils vivent, ressentent et espèrent leur vie. D’autant plus, comme l’indique l’article 12, un des quatre piliers de la Convention, que « l’enfant capable de discernement a le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant ».
En cette année anniversaire, nous avons l'ambition de rappeler leurs droits à tous les enfants, notamment aux plus fragiles. Et de donner la parole à celles et ceux qui n’ont pas la chance de la prendre, pour connaître leurs avis et leurs idées. Une quarantaine d’associations, dont Apprentis d’Auteuil, nous ont accompagnés. 2 200 enfants ont participé à notre consultation. Une petite fille a confié : « On ne me demande jamais mon avis… alors, pour une fois, j’en profite ! ». Un adolescent a souligné : « Nous aimerions que nos voix portent autant que celles des adultes ». Nous avons reçu plus de 200 propositions et de nombreux témoignages qui seront partagés le 20 novembre, pour la célébration des 30 ans de la Convention.

Quel rêve faites-vous pour les enfants d’aujourd’hui ?

Qu'aucun enfant ne soit empêché de réaliser ses rêves !

Pour en savoir plus www.defenseurdesdroits.fr