Société

Catherine Gueguen : "L'enfance est un temps précieux"

Dans Lettre à un jeune parent, Catherine Gueguen, pédiatre, partage les découvertes des neurosciences liées aux émotions et aux relations affectives. Afin de tisser des liens parent-enfant profonds, avec confiance et patience.

Pourquoi publiez-vous Lettre à un jeune parent ?

Au XXe siècle, quand des parents me demandaient conseil sur le lien parent-enfant, je répondais « Je pense que... », sans aucune certitude. Les enfants me faisaient comprendre qu’ils ne se sentaient pas écoutés dans leurs besoins les plus profonds (attention, affection... ). Au XXIe siècle, j’ai étudié les découvertes des neurosciences affectives et sociales sur le développement de l’enfant. J’ai été éblouie ! J’ai voulu partager ces connaissances dans mes livres. 

Qu’avez-vous découvert d’essentiel ?

Les neurosciences disent qu’il nous faut – nous, adultes – accroître nos compétences émotionnelles avant de pouvoir développer nos compétences sociales. Autrement dit, pour aller bien et pour avoir des relations satisfaisantes, nous devons être connectés à nos émotions agréables (plaisir, joie, motivation...) comme à nos émotions désagréables (tristesse, désarroi, découragement...). Nous devons pouvoir les identifier, comprendre ce qui les a déclenchées, les exprimer sans culpabilité. Pour savoir y faire face sans qu’elles ne nous submergent et deviennent nocives pour les autres.
Ce travail sur la connaissance et la conscience de soi apaise, fait du bien et se révèle indispensable dans la construction de l’être humain. Cette auto-empathie se transforme en empathie pour l’enfant. Dès sa vie in utero, il a besoin de recevoir cette empathie pour développer ses possibilités affectives et intellectuelles. 

Comment aider les parents en difficulté à prendre soin de leur tout-petit ?

En rappelant qu’élever un enfant procure des moments de pur bonheur et crée des instants d’inquiétude, d’épuisement où l’enfant pleure, hurle, se roule par terre... Car, de sa naissance à 6-7 ans, l’enfant a d’énormes difficultés à faire face à ses émotions. Son cerveau est immature, malléable et fragile. En grande insécurité, il a besoin d’être rassuré par un adulte chaleureux, empathique, « soutenant », qui, même s’il sait qu’il n’obtiendra pas de réponse, lui demande : « Es-tu content, es-tu triste ? As-tu faim, as-tu peur? » 
Dès qu’un parent est submergé par les émotions de son enfant, il doit pouvoir dire : « J’ai dépassé mes propres limites. Je vais aller me calmer ». Mais surtout ne pas culpabiliser l’enfant en lui lançant : « Tu n’es pas gentil ! Tu m’énerves ! ». S’il entend cela, l’enfant perd confiance en lui, se dévalorise, ne progresse plus. Pour un parent, le grand défi est de rester, autant qu’il le peut, calme et serein. Pourquoi ? Une personne tressée sécrète du cortisol, l’hormone du stress. Éponge émotionnelle, l’enfant l’absorbe, en produit, augmente sa souffrance, sa détresse. Si un parent n’en peut plus, il doit aussi demander de l’aide à son entourage, aux professionnels de la petite enfance, à son médecin... 

Qui plus est en cette année de crise sanitaire...

Dès la naissance, l’enfant est un livre ouvert. Il révèle ce qu’il ressent par son regard, ses sourires, ses pleurs, par tout son corps. Dès la naissance, l’enfant a besoin d’être rassuré, apaisé, câliné par sa mère, par son père ou tout autre adulte affectueux, pour se sentir en sécurité et désirer une seule chose : explorer le monde. Comment le faire avec des professionnels de la petite enfance masqués, dans les crèches notamment ? L’enfant s’adapte bien sûr, mais à quel prix ? 

Créer les conditions d'un développement harmonieux est donc primordial ?

Notre société doit comprendre combien l’enfance est un temps précieux et fondamental. Oui, un enfant élevé avec empathie et bienveillance deviendra un adulte confiant, entreprenant et créatif. Oui, être parent est à la fois formidable et extraordinairement difficile. Cet autre regard sur l’enfant, cet accompagnement indispensable du parent et du professionnel sont une vraie révolution.  

LES MOMENTS CLÉS DE CATHERINE GUEGUEN

Mon enfance heureuse

Ma rencontre avec mon mari, la naissance de nos enfants et de nos petits-enfants

Ma découverte de l’importance du toucher affectif, via l’haptonomie. Cette méthode permet de nouer, dès la grossesse, des liens parents-enfant profonds. 

Mes livres, dont le plus récent, Lettre à un jeune parent,
 ce que mon métier de pédiatre et les neurosciences affectives m’ont appris et Entre toi et moi, avec Reza Dalvand pour les illustrations, tous deux aux éditions Les Arènes.