Angelina (à gauche) et Paulita (à droite) à l'accueil d'urgence Mont-Liban
International

Au Liban, des jeunes filles vulnérables à protéger

Au Liban, dans un contexte économique de plus en plus dégradé, la situation de nombreuses jeunes filles, confrontées à la violence et à la maltraitance, s’aggrave. Accueillies, soignées, écoutées, accompagnées, scolarisées, près de 800 d’entre elles se reconstruisent pas à pas dans trois centres soutenus par Apprentis d’Auteuil. Les besoins sont immenses.

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La situation économique du Liban est très difficile. De nombreuses familles sont en grande difficulté. Les jeunes filles sont particulièrement en danger. Apprentis d'Auteuil et son partenaire les sœurs de Notre-Dame de Charité du Bon accueil se mobilisent pour elles .

Au Liban, une femme sur deux est confrontée à des violences physiques, verbales ou psychologiques, infligées par un homme de son entourage. Dans ce contexte de violences sexistes ou sexuelles, de mariages précoces, la situation des petites filles et des jeunes filles est préoccupante. Depuis plusieurs années, la crise politique et économique majeure que vit le pays affecte particulièrement les classes moyennes et les plus pauvres. Les trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Les enfants ne sont pas épargnés, exposés au manque de nourriture, de soins de santé, livrés, dans les cas les plus extrêmes, aux abus et à l’exploitation. Soumis à l’inflation galopante, 90 % des ménages ne peuvent plus assurer les dépenses vitales du quotidien, 15 % ont interrompu la scolarité de leurs enfants. Le travail des enfants augmente de façon dramatique, en particulier dans le secteur agricole qui a vu la main d’œuvre enfantine bondir de 40 % à 60 %. En ces temps de crise, les femmes et les enfants sont les premières victimes.

Soeurs du Bon Pasteur au Liban - Petit collège à Hammana - moment de détente des enfants, qui font une ronde
Moment de détente pour les enfants du collège des sœurs du Bon Pasteur, situé à Hammana, en région montagneuse, à 25 km de Beyrouth (c) Ségolène Ragu/Apprentis d'Auteuil

Un partenariat au service des jeunes filles

Les foyers d’accueil pour jeunes filles et les centres sociaux assistent, impuissants, à une explosion des besoins. C’est dans ce contexte qu’agissent Apprentis d’Auteuil et son partenaire, la congrégation des sœurs du Bon Pasteur. « Nous avons rencontré pour la première fois Apprentis d’Auteuil il y a quinze ans grâce à un projet qui consistait à recevoir un de leurs éducateurs spécialisés venu former nos monitrices-éducatrices et nos bénévoles, explique sœur Antoinette, économe provinciale. Nous avons développé cette collaboration en trouvant beaucoup de similarités dans nos missions réciproques et dans l’approche. » La fondation soutient ainsi trois des centres des sœurs du Bon Pasteur à Beyrouth et dans le secteur du Mont-Liban, sous la forme de formations des professionnels, d’accompagnement à la gestion financière et à la conduite de projets, et de recherche de fonds. Un quart des jeunes accueillis dans ces centres sont des réfugiés venus de Syrie et de Jordanie. « Nous lançons également ensemble un programme sur trois ans pour réduire la vulnérabilité des jeunes filles (voir encadré) », poursuit sœur Antoinette.

Soeurs du Bon Pasteur au Liban - Accueil de jour à Dora - Thérésia, une ancienne résidente du centre aide des jeunes filles à faire leurs devoirs
A l'accueil de jour de Dora, à Beyrouth. Thérésia, une ancienne bénéficiaire du centre, aide des jeunes filles à faire leurs devoirs. (c) Ségolène Ragu/Apprentis d'Auteuil
Laeticia, 17 ans, est recueillie dans un des centres des soeurs de Notre-Dame du Bon Pasteur. Elle témoigne des besoins de protection et de sécurité des jeunes filles libanaises. (c) Ghina Abboud/Apprentis d'Auteuil
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Un accueil de jour

Pour répondre aux besoins de suivi scolaire, psychologique et social des jeunes filles, un centre d’accueil de jour s’est ouvert à Dora, en banlieue nord-est de Beyrouth, un quartier proche du port ravagé la double explosion du 4 août 2020. Implanté depuis cette période dans ce secteur habité par de nombreuses familles démunies, c’est un havre de paix ouvert aux jeunes filles. « J’ai beaucoup de chance d’être là, avoue Nour. Le centre est plus important que ma demeure familiale et la tendresse et l’affection que j’y trouve valent tous les sacrifices et les efforts du monde. » Le centre de Dora peut accueillir jusqu’à 45 jeunes filles l’après-midi pour un temps d’étude encadré et un suivi psychologique, social et scolaire, grâce à l’intervention d’une assistante sociale et d‘une psychothérapeute. L’équipe agit en prévention pour éviter que des situations ne s’aggravent. « Nous renforçons les jeunes filles afin qu’elles puissent se positionner face au danger, à la violence, avec les armes nécessaires », précise sœur Marie, la responsable. « Outre l’accompagnement des jeunes, beaucoup de travail se fait avec les parents, ou au moins, l’un des deux », poursuit sœur Antoinette. L’équipe se réjouit des sourires retrouvés, des rêves formulés par ces jeunes particulièrement meurtries. « Leila vient d’entamer des études de médecine après un parcours des plus tragiques, raconte Nayri, l’assistante sociale. Quant à Mary, elle rêve de devenir astrophysicienne. Ces réussites nous poussent à augmenter nos efforts et à aller toujours plus loin ». 

Soeurs du Bon Pasteur au Liban - Collège à Hammana - Laure et Marise lors d'un cours de physique en classe de terminale
Au collège des sœurs du Bon Pasteur à Hammana. Laure et Marise, scolarisées en terminale, en cours de physique. (c) Ségolène Ragu/Apprentis d'Auteuil

Un collège en milieu rural

La situation des jeunes en milieu rural et la montée des violences intrafamiliales sont sources de préoccupation pour Apprentis d’Auteuil et les équipes de Notre-Dame du Bon Pasteur. À plus de 25 kilomètres de la capitale, dans le gouvernorat du Mont-Liban, le collège de Hammana scolarise 340 filles et garçons des villages de montagne alentour, de la maternelle à la terminale. La situation économique du pays s’étant considérablement dégradée depuis 2019, le contrecoup a été immense sur le revenu des familles du secteur, fragilisant les équilibres familiaux. L’équipe est vigilante quant aux risques de maltraitance touchant les enfants, les filles en particulier. L’établissement prend en charge la scolarité des jeunes filles en situation de vulnérabilité, organise des activités les après-midis, assure le soutien scolaire, le suivi psychologique et orthophonique, tout en épaulant les parents pour renforcer leurs capacités éducatives.  

Le témoignage de Hala, monitrice auprès des jeunes filles en danger accueillies dans un des centres de Notre-Dame du Bon Pasteur du Liban. (c) Ghina Abboud/Apprentis d'Auteuil
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Soeurs du Bon Pasteur au Liban - Accueil d’urgence à Ain Saadeh - Judy, la psychologue du centre, en séance avec une jeune fille
Les sœurs du Bon Pasteur gèrent également un centre d'urgence pour l'accueil des jeunes fille en danger. Ici, Judy, la psychologue du centre, en séance avec une jeune fille (c) Ségolène Ragu/Apprentis d'Auteuil

Des besoins croissants 

Enfin, un centre d’accueil d’urgence pour jeunes filles en danger s’est également ouvert à Beyrouth, au fond d’une allée bordée d’arbres. Un lieu calme pour se reconstruire en toute sécurité, entourée de bienveillance. Les trois centres sont dotés d’un dispensaire pour les soins médicaux et paramédicaux des jeunes filles. Chaque jour, les équipes déploient des trésors d’ingéniosité pour mener à bien leurs missions, trouver de nouveaux fonds, aidée par les partenaires, dont Apprentis d’Auteuil, mais face aux besoins croissants, les budgets ne sont pas suffisants.  « Notre fondatrice a toujours dit qu’une personne en souffrance n’a ni couleur, ni nationalité, ni religion, précise sœur Antoinette. Quand la détresse est grande, il faut engager tous les efforts possibles pour lui venir en aide et faire en sorte qu’elle devienne autonome. » 

Le programme déployé avec Apprentis d’Auteuil au Liban

Le programme d’autonomisation, de protection, de prévention et d’insertion soutenu par Apprentis d’Auteuil est destiné à plus de 800 jeunes filles âgées de 9 à 18 ans, 900 membres de leurs familles et 65 professionnels des trois centres de Dora, de Hammana et de Beyrouth. Il vise à prévenir les risques liés à un contexte familial et social précaire, à contribuer à la protection des jeunes filles, et à les accompagner dans leur insertion professionnelle.

Les actions menées sont :

-la prévention au travers de sensibilisations et de formations

-la protection via un suivi psychosocial adapté

-le soutien à la scolarité et la lutte contre le décrochage scolaire

-l’orientation professionnelle afin de découvrir un panel de métiers et de suivre des formations

-le travail avec les familles afin de contribuer à la création d’un cadre familial sain.

-le renforcement des capacités des professionnels.