Expérience d'une collaboratrice, Géraldine Bidel, au Sénégal
International
30 janvier 2025, modifié le 03 février 2025

Des professionnels en protection de l'enfance s'ouvrent à l'international

Cette année, des collaborateurs d'Apprentis d'Auteuil ont pu vivre une expérience d'immersion dans des pays du sud auprès d'organismes partenaires, dans le cadre de son programme d'ouverture au monde. Objectif de ces échanges entre professionnels qui travaillent auprès de jeunes, dans le champ de la protection de l'enfance ? Dialoguer autour de ses pratiques, s'inspirer de ce qui est fait ailleurs et s’enrichir sur un plan humain et professionnel. 
Par Laure Naimski

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Des professionnels d'Apprentis d'Auteuil sont partis dans des associations partenaires dans des pays du sud pour échanger sur leur travail auprès des jeunes en difficultés et s'inspirer de leurs pratiques .

Géraldine Bidel, éducatrice spécialisée à la Maison d’enfants Saint-Jean-Eudes, à Lisieux, revient d’un séjour professionnel de dix jours au Sénégal passé chez Futur au présent, partenaire d'Apprentis d'Auteuil. Cette association lutte contre la pauvreté et les inégalités et intervient auprès de jeunes en difficulté, notamment en Casamance. C’est avec beaucoup d’enthousiasme et de curiosité que la jeune femme y a rencontré ses homologues. 
A  son retour, Géraldine Bidel a retrouvé trois collègues d’Apprentis d’Auteuil au siège de la fondation à Paris, pour une journée de retour d’expériences. « Mon objectif, en partant en immersion, était de rencontrer des personnes d’un autre pays travaillant dans mon secteur d’activité, d’échanger autour de nos pratiques et de nos outils pédagogiques respectifs. Il était aussi question de travailler sur un projet commun », témoigne-t-elle.

Réunion des retours d'expériences à l'international
Les collaborateurs d'Apprentis d'Auteuil, de retour d'une immersion chez un partenaire à l'international, échangent sur cette expérience. (c) Igor Lubinetsky/Apprentis d'Auteuil

Des expériences d’immersion uniques

Si la fondation développe des actions à l’international depuis une trentaine d’années et qu'elle organise régulièrement des immersions pour ses collaborateurs, c’est la première fois qu’elle en met sur pied dans le cadre de son programme d'ouverture au monde Occurrens, soutenu par l'Agence française de développement (AFD). « La fondation agit à l’international via un réseau de partenaires locaux qui travaillent au plus près des besoins des jeunes et des familles sur place et qui partagent les valeurs et le sens de notre projet éducatif, précise Émilie Guay, responsable du programme Occurrens à la direction International d'Apprentis d'Auteuil. Proposer des immersions de ce type est assez unique dans le secteur de la protection de l’enfance. Notre objectif est de forger une attitude réflexive sur sa propre culture, sur les enjeux du vivre-ensemble et les postures du travail éducatif en contexte interculturel. Ces immersions de dix à quinze jours permettent d'apprendre les uns des autres,  de s'inspirer mutuellement, d'échanger sur ses pratiques. Elles peuvent aussi donner envie de mettre en place des activités d'ouverture au monde au sein de son établissement. »
Pour les professionnels venus échanger sur leurs immersions, les retours sont positifs et témoignent de la pertinence de l’initiative. « Au Sénégal, j’ai fait de belles rencontres avec des professionnels très impliqués et très engagés auprès des jeunes, souligne Géraldine Bidel. Nous avons travaillé ensemble sur un projet de valorisation des déchets compostables pour réaliser des potagers dans nos pays respectifs. »

Découvrir d’autres manières de travailler

La découverte de pratiques professionnelles différentes est l’un des enjeux des immersions. Les échanges sont d’une grande richesse, à la fois pour les collaborateurs et pour les partenaires de la fondation à l'international, l’objectif étant d’apprendre les uns des autres. « Nos partenaires travaillent essentiellement avec et pour des enfants en situation de rue, poursuit Émilie Guay. Nous partageons certaines problématiques de protection de l’enfance, comme la rescolarisation. Observer ce qui est mis en place ailleurs permet d’ouvrir sa vision et d’enrichir ses pratiques. » 
Ainsi, Géraldine Bidel a découvert auprès de Futur au présent des pratiques professionnelles différentes, comme la responsabilité parentale partagée en dehors du seul cercle familial et étendue à la communauté villageoise, ou encore, la mise en place d’une mutuelle de santé.

Un saut dans l’inconnu

L’un des défis est aussi de savoir s’adapter et de faire face aux aléas. Virginie Caudmont, maîtresse de maison à la Maison d’enfants La Valbourdine, à Toulon, en a fait l’expérience lors de son immersion à Cusco, au Pérou, en juillet dernier, dans l’association Qosqo Maki qui s’occupe d’enfants en situation de rue. Ne parlant pas assez bien l'espagnol, elle s’est par exemple parfois retrouvée confrontée à la barrière de la langue. « Mais je me suis débrouillée avec des logiciels de traduction », confie-t-elle. « Partir seul (e) représente un saut dans l’inconnu. Ça nécessite de savoir s’adapter aux situations qui se présentent. C’est aussi un enrichissement personnel », rebondit Émilie Guay.
 

Expérience d'une collaboratrice, Virginie Caudmont, au Pérou
Virginie Caudmont, lors de son immersion au Pérou auprès de l'association Qosqo Maki qui œuvre auprès des jeunes en situation de rue. (c) Apprentis d'Auteuil

Mieux comprendre les parcours des jeunes

Pour Romain Vincent, éducateur spécialisé au centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Rosalie-Rendu à Combs-la-Ville (77), l’immersion à la Chaîne des foyers Saint-Nicodème pour les enfants en situation de rue, à Douala, au Cameroun, a été, plus qu’une découverte, une véritable prise de conscience. « Comme la fondation, cette structure travaille avec une logique de parcours pour chaque jeune accueilli. Mais le lien avec la famille et la famille élargie, par exemple, les voisins, m’a paru plus performant que ce que nous connaissons en France. » Il se dit aussi marqué par le désespoir d’une jeunesse désabusée. « Ce séjour m’a permis de mieux comprendre leur désir de venir en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Les mineurs non accompagnés devraient être mieux traités en France », souligne-t-il. Les participants le soulignent, l’expérience chez un partenaire remet en question les certitudes, permet de poser un autre regard sur ses pratiques et de faire bouger sa posture. 

Expérience d'un collaborateur, Romain Vincent, au Sénégal au Cameroun
Romain Vincent, éducateur spécialisé au CHRS Rosalie-Rendu de Combs-la-Ville (77), en immersion au Cameroun (c) Apprentis d'Auteuil

Rester humble et à l’écoute

David Lale Gérard, psychologue sur le campus Saint-Philippe à Meudon, est parti à Madagascar en avril, pays qu’il connaissait déjà. Il y a travaillé auprès d’associations pour les enfants en situation de rue, comme le Centre NRJ, Manda ou encore Graines de bitume qui organise des ateliers d’éducation affective, relationnelle et sexuelle (EARS) pour les adolescentes souvent confrontées à des grossesses précoces. « J’ai animé certains des ateliers et j’ai supervisé deux étudiants en psychologie, un métier très peu présent dans ce pays », confie-t-il. 
Lors des maraudes menées avec l’association, il a aussi rencontré des enfants en situation de rue, dont la prise en charge dépend du milieu associatif en l'absence de structure étatique dédiée, ce qu'il déplore. Le jeune homme a néanmoins été marqué par l’espérance des personnes rencontrées. « C’est très inspirant. De ce séjour, je retiens les rencontres avec des personnes qui vivent une réalité que je ne connaissais pas. Ça m’a obligé à rester humble et à me montrer à l’écoute, ce qui constitue le cœur de mon activité, qui est d’accompagner l’autre », conclut-il.

Le projet d'ouverture au monde d'Apprentis d'Auteuil

Le projet Occurrens, soutenu par l'AFD, est porté par la direction International d'Apprentis d'Auteuil, en lien avec les référents internationaux et ouverture au monde dans les établissements en région. Il permet aux jeunes, aux familles et aux professionnels de la fondation de s’ouvrir aux grands enjeux du développement durable, de la citoyenneté et de la solidarité internationale à travers des actions solidaires, des ateliers de sensibilisation, des projets de mobilité, des formations et des échanges avec nos partenaires internationaux.