Formation et insertion
10 février 2015

Une auto-école qui prend son temps

À Lyon, une auto-école sociale reprise par Apprentis d’Auteuil permet à des 18-30 ans en difficulté d’accéder au permis de conduire selon une pédagogie adaptée. Reportage.

Lyon, un matin de décembre, abords de la gare de la Part-Dieu. À l’étage d’un immeuble imposant, un groupe d’une dizaine de jeunes adultes prépare l’épreuve du code de la route. Nous sommes à l'auto-école sociale AMEJ (Association pour la mobilité et l’emploi des jeunes), reprise depuis peu par Apprentis d'Auteuil. 

Un sésame pour l'emploi

Issus d’horizons variés (jeunes en formation par alternance, en recherche de projet professionnel, demandeurs d’emploi, etc.), les stagiaires présents ce matin là ont sortis du système scolaire depuis longtemps. Tous bénéficient d'un permis entièrement pris en charge par Arcelor Mittal, dans le cadre d’une convention de revitalisation.  Dans la salle, l'ambiance est studieuse. La leçon du jour porte sur les différences entre distance de réaction, distance de freinage et distance d’arrêt. Des notions délicates à saisir. Pour faire comprendre les subtilités de l’exercice à ses élèves, Samir Inhid, formateur, s'adapte à son public en utilisant tour à tour schémas, comparaisons ou répétitions... Les stagiaires ont en commun l’urgence d’obtenir leur permis pour pouvoir travailler. Comme Ambre, qui recherche un poste en pâtisserie et doit se lever tôt le matin, ou Julie, titulaire d’un CAP petite enfance... "L’absence de permis est un gros frein pour l’accès à l'emploi chez les 18-30 ans, précise d'emblée  Nadia Ghazzale, la directrice. Un de nos objectifs, c’est que nos candidats réussissent l’épreuve le plus rapidement possible pour rester mobilisés. Encore trop d’élèves lâchent en cours de route..."

Suivi individualisé

Pour accéder au permis proposé par l'AMEJ, les candidats, orientés pour la plupart par la Mission locale, doivent avoir un projet professionnel validé et passer une évaluation d’une vingtaine de minutes à bord d’un véhicule. Une deuxième série de tests détermine le nombre d’heures qui leur sera nécessaire pour obtenir l’examen : 80 heures au minimum pour le code et autant pour la conduite. Chacun verse une somme minimum non négociable (reste à charge en dehors des aides possibles) à l'ouverture de son dossier. Leur candidature acceptée, les stagiaires se retrouvent en sessions de 10 à 20 candidats de niveau homogène. Ils commencent leur apprentissage avec le code, qu'ils préparent en trois temps : cinq semaines de cours d’une durée de trois heures sur quatre demi-journées, deux semaines d’évaluations et de cours et pour finir, trois demi-journées par semaine jusqu’à l’obtention de l'examen...  Tous bénéficient d'un suivi individualisé. Ce qui renouvelle leurs motivations à chercher un emploi. "La démarche impulsée par la préparation du permis a un impact très positif sur nos apprenants", souligne encore la directrice.

Des outils adaptés

Assuré en groupe, l'apprentissage du code reste individualisé pour chaque élève, en fonction de son rythme d'apprentissage. Pour assurer au mieux la progression de tous, les moniteurs ont notamment recours à des schémas et à la reconstitution miniature de situations de conduite, voire à du découpage-collage pour les personnes les plus en difficulté avec l'écrit. Résultat ? Mis en confiance, les stagiaires se familiarisent peu à peu avec le vocabulaire spécifique du code et la structure des questions posées à l'examen.  

Une pédagogie payante

Étape suivante avant l'obtention du permis, la conduite. Elle s’apprend en tandem de deux élèves par véhicule, l’un conduisant l’autre regardant. Les moniteurs ont recours à la  technique pédagogique de la conduite commentée, qui aide les élèves  à devenir des conducteurs plus conscients. Pendant que leur moniteur conduit, ils racontent tout ce qu'ils remarquent. En parlant, ils prennent mieux conscience des difficultés qu'ils rencontrent et de la manière de les surmonter. De son côté, l'enseignant se rend mieux compte de là où ils en sont...

Pour progresser à cette étape de leur parcours, les stagiaires bénéficient également de "voyages-écoles" d'une journée avant les examens et d'ateliers de gestion du stress, qui les aident à lâcher prise et mieux assimiler les connaissances acquises...

Une pédagogie payante, comme l'atteste Ketsia Rechal, mère de deux jeunes enfants. "J’avais entendu parler de l’AMEJ par une amie, explique la lauréate. J’ai été suivie de près tout au long de la préparation. Inutile de vous dire qu'une telle formation motive pour se réorienter professionnellement. Sans ce sésame, je n'y aurais même pas songé !" conclut la jeune femme visiblement satisfaite. Pour l'année à venir, l’auto-école souhaite accueillir davantage d’élèves et améliorer à la fois ses conditions d’accueil et ses résultats, déjà très prometteurs.