Formation et insertion

L’insertion des jeunes, un défi à relever

Insérer les jeunes dans la société et le monde du travail est une des missions d’Apprentis d’Auteuil. Face à des problématiques très différentes, du jeune décrocheur à l’aspirant entrepreneur, les équipes accompagnent chacun au plus près de ses besoins.

Léa bénéficiaire du programme La beauté d'entreprendre de la Fondation L'Oréal. Photo : Besnard/Apprentis d'Auteuil
Léa bénéficiaire du programme La beauté d'entreprendre de la Fondation L'Oréal. Photo : Besnard/Apprentis d'Auteuil

Pascal, 24 ans, respire. Après plusieurs années d’errance dans son parcours scolaire et professionnel, il se remobilise au sein d’un dispositif d’Apprentis d’Auteuil. Reprenant les bases en mathématiques, il explore deux voies, la maçonnerie et les transports poids lourds, avant de se déterminer. Steve, lui, renoue avec les apprentissages et découvre des métiers à l’Ecole de la deuxième chance de Bordeaux. Alexandre, 16 ans, en 1re année CAP d’agent polyvalent en restauration par alternance à l’UFA Sainte-Barbe (62), apprécie d’être accompagné par un éducateur qui veille au grain, recadre et encourage. Et évite aux jeunes des ruptures de contrat d’apprentissage, par manque de savoir-être ou méconnaissance des codes de l’entreprise. Tous, adolescents ou jeunes adultes, ont en commun des difficultés à entrer dans un cadre scolaire classique, et des embûches dans leur parcours de vie, qu’elles soient sociales ou familiales. Pour eux, Apprentis d’Auteuil développe des programmes et des dispositifs, afin qu’ils s’insèrent dans la société, trouvent leur voie, s’épanouissent et donnent le meilleur d’eux-mêmes. « Les profils de jeunes sont très différents, explique Philippe Rose, directeur des Ressources éducatives à Apprentis d’Auteuil, c’est la raison pour laquelle les réponses doivent être personnalisées. Nous accueillons des jeunes sans diplôme, formation ou emploi, pour une remobilisation et la définition d’un projet personnel. Certains cherchent une formation assez courte et pratique pour trouver rapidement un emploi. D’autres veulent lancer leur propre activité. Sans réelle formation ni réseau, il leur faut un accompagnement bien ciblé. D’autres, enfin, sortant des dispositifs de la protection de l’enfance, ont besoin d’un accompagnement vers l’autonomie. »

Remobiliser les décrocheurs

A Réussir Angers, une jeune étudie le code pour passer son permis de conduire. Photo : JP Pouteau/Apprentis d'Auteuil
A Réussir Angers, une jeune étudie le code pour passer son permis de conduire. Photo : JP Pouteau/Apprentis d'Auteuil

Passé 16 ans, à la fin de l’obligation scolaire, nombre de jeunes en difficulté dans leurs apprentissages se retrouvent sans aucun diplôme ni perspective d’emploi. « Ces jeunes sont les plus éloignés de l’emploi, explique Philippe Rose. Il faut aller les chercher et leur proposer des solutions concrètes et rapides. »
C’est le cas des dispositifs Réussir Vendée (Montaigu, 85) et Réussir Angers (49) qui proposent à une quinzaine de jeunes (16-25 ans ou 18-30 ans) une session intensive de cinq mois, alternant cours, ateliers et stages de découverte en entreprise. Les deux dispositifs sont assortis d’un accompagnement individualisé sur les questions d’alimentation, d’hygiène, les démarches administratives et la recherche d’emploi. Comme la mobilité est un frein important à l’embauche, Réussir Angers propose de passer le permis de conduire, moyennant une participation financière modique de la part du candidat. « Mon objectif, résume Pascal, c’est d’être autonome et de préparer l’avenir. » « Et moi, enchaîne Océane, c’est le permis de conduire et l’approfondissement d’un métier. » Clés de ces dispositifs, l’adhésion de chefs d’entreprises. Réussir Vendée est né en 2011 du constat de l’entrepreneur Patrick Padiou, quant au besoin d’accompagnement spécifique de ces publics fragiles avant d’envisager un retour ou un accès à l’emploi. Il a fédéré autour de lui d’autres chefs d’entreprises sensibles à cette cause, qui financent le dispositif (Fondation Réussir Vendée sous l’égide d’Apprentis d’Auteuil). Réussir Angers, quant à lui, est financé par des partenaires privés et publics.

Autre exemple, Sup de pro, un dispositif de remobilisation pour les 16-25 ans du lycée professionnel Jean-Marie Vianney (La Côte-Saint-André, 38). Avec pour objectif une entrée dans la vie active ou la poursuite d’une formation, par la voie initiale en lycée professionnel ou celle de l’apprentissage en CFA.  Medhi, 18 ans, témoigne : « J’y ai passé 9 semaines en 2017. J’avais décroché scolairement et je voulais me remettre en selle avec un dispositif concret et hors normes scolaires. J’ai vécu une expérience très positive, avec en plus d’une remise à niveau en maths et en français, plusieurs stages en entreprise et des ateliers très motivants, comme l’art dramatique, les risques de l’addiction aux réseaux sociaux. Encouragé, j’ai regagné beaucoup de confiance en moi. »

Des formations construites avec les entreprises

Un groupe visite les entrepôts dans le cadre de la formation FM Logistic.
Un groupe visite les entrepôts dans le cadre de la formation FM Logistic.

Pour d’autres jeunes accueillis à Apprentis d’Auteuil, l’urgence est de trouver la formation adéquate, plutôt courte, puis un emploi. Un travail que mènent les équipes pédagogiques et éducatives dans les lycées professionnels. Depuis quelques années, la fondation a également lancé, en partenariat avec des entreprises, des formations coconstruites qui correspondent à leurs besoins et aux profils des jeunes. Ainsi, depuis 2014, une formation aux métiers de la mécanique industrielle a été créée avec le groupe Monnoyeur. Après une préformation de trois mois, les jeunes préparent un titre de technicien en mécanique d’engins de chantier et de manutention. Atout majeur du dispositif, ils sont encadrés par un tuteur de l’entreprise pour l’aspect technique du métier et soutenus par un parrain du Groupe, qui les épaule dans leur vie sociale.
Pour les 18-25 ans, une autre formation qualifiante de 14 mois aux métiers de la logistique a été montée en 2016 avec FM Logistic et Adecco Training. Les jeunes se préparent à être préparateur de commande (agent polyvalent d’entrepôt). Autre exemple d’innovation, Skola, pour des jeunes intéressés par la vente : ils apprennent en magasin, les techniques du métier. « Ce qui me plait dans la formation, souligne Vincent, étudiant à Skola Marseille, c’est que ce n’est pas trop scolaire, on applique directement ce qu’on apprend. » Autant de dispositifs qui mettent rapidement le pied à l’étrier à des jeunes peu qualifiés au départ.

Soutenir les jeunes entrepreneurs

Abdoulaye Fassassi, dans un de ses véhicules connectés.
Abdoulaye Fassassi, dans un de ses véhicules connectés. Photo : DR

Certains jeunes, confrontés à des difficultés familiales et/ou sociales, souhaitent créer leur propre entreprise. Sans réseau, diplôme ou formation adéquate, leur envie peine à se concrétiser. « Même s’ils sont entrepreneurs dans l’âme ou veulent monter une entreprise pour créer leur emploi, ces jeunes sont très démunis en termes de savoirs, de codes, de langage, de contacts », souligne Jean-Marie Hugues, responsable du programme Emploi-Entrepreneuriat à Apprentis d’Auteuil. C’est pour eux qu’Apprentis d’Auteuil promeut des dispositifs d’aide à l’entrepreneuriat. Comme La Beauté d’entreprendre, une formation mise en œuvre en 2017 par La Fondation L’Oréal et Apprentis d’Auteuil. Ou encore L’Ouvre-Boîte, un incubateur destiné aux 18-30 ans, ouvert à Marseille en 2015, et qui essaime maintenant à Nantes (sous le nom Le Lab), Paris, Lyon et Nice. Trois phases sont prévues pour accompagner ces jeunes entrepreneurs dans leur projet : accélérer, tester et développer. Des professionnels s’engagent à leur côté, du mentorat est mis en place afin de prévenir toute rupture dans le parcours. Abdoulaye Fassassi, 34 ans, a ainsi fondé Massilia Car, société de location de véhicules de tourisme connectés. Il explique : « Je pensais que ce n’était pas à ma portée, car "étiqueté" quartiers Nord de Marseille. Aujourd’hui, je peux témoigner que, grâce à L’Ouvre-Boîte, l’entrepreneuriat est possible pour des jeunes qui ne l’auraient jamais imaginé, pourvu qu’ils soient très motivés ! »
 

Deux questions à Philippe Lerouvillois, économiste et directeur du groupe Valo’

Que remarquez-vous chez les jeunes sans expérience ni qualification que vous embauchez ?
Des difficultés à intégrer le cadre et les règles de l’entreprise : arriver à l’heure de façon régulière et constante, respecter les consignes, travailler pour satisfaire le client. Nous remarquons chez certains du stress, un manque de confiance, une vision défaitiste, de l’inhibition.

Comment y remédier ?
Par un parcours adapté, flexible, accompagné. Nous travaillons sur la question du coaching pour lever les freins par rapport à un environnement de travail avec ses exigences : une visite de l’entreprise, une explication détaillée du poste, un accompagnement individualisé, la possibilité d’appeler un responsable sur son portable si quelque chose ne va pas. Nous constatons depuis que le taux d’échec des missions baisse de façon significative. Un environnement bienveillant est primordial. Il s’agit de trouver à ces jeunes le poste qui leur convient, de les mettre en confiance, d’être attentif aux potentiels pour les emmener sur un parcours qualifiant avec des montées en compétences.

Cependant, nous constatons souvent qu’ils ont une vision « fun et sexy » du monde du travail, et un besoin de récompense immédiate. Notre but est de les remettre dans une dynamique de projet, qu’ils puissent intégrer un certain principe de réalité et trouver de la satisfaction dans la difficulté surmontée. Il ne faut pas négliger non plus la question de la camaraderie, de l’entraide, des relations interpersonnelles au travail. Elles contribuent à renforcer l’estime de soi et la confiance.