International

Au nom des enfants en situation de rue

Ce 12 avril, Journée internationale des enfants en situation de rue (1), Apprentis d’Auteuil et ses partenaires internationaux soulignent la nécessité de protéger ces enfants, de leur garantir l’accès aux services essentiels pour satisfaire leurs besoins fondamentaux et de les accompagner vers une insertion réussie. Pour faire entendre leurs voix, André Altmeyer, directeur général adjoint d’Apprentis d’Auteuil, témoigne.

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Ce 12 avril, Journée internationale des enfants en situation de rue, André Altmeyer, directeur général adjoint d’Apprentis d’Auteuil, souligne, au nom d'Apprentis d’Auteuil et de ses partenaires internationaux, la nécessité de protéger ces enfants et de les accompagner au mieux vers une insertion réussie.

Pourquoi Apprentis d'Auteuil se mobilise-t-il pour les enfants en situation de rue ?

En 1866, il y a 155 ans, l’abbé Louis Roussel, fondateur d’Apprentis d’Auteuil, allait lui-même chercher les jeunes qui vivaient dans les rues de Paris. Des Auvergnats, des Berrichons, des Bretons, des Kanaks, des jeunes qui venaient des terres lointaines, disait-il, d’une certaine manière des étrangers pour Paris. Sans distinction d’origine, de culture, de religion. Il accueillait des enfants prématurément cabossés par la vie, victimes collatérales du développement économique et de l’industrialisation de la France, des enfants en danger, qui avaient besoin de protection et de soins élémentaires.

En 2021, par fidélité à cet accueil inconditionnel et parce que la détresse des enfants livrés à la violence de la rue est encore, hélas, une réalité, nous poursuivons l’engagement de l’abbé Roussel, en France et à l’international avec nos partenaires. Animés par cette même volonté d’apporter, à chaque jeune, une protection et un accompagnement socio-éducatif, en reconnaissant en lui une personne dont la dignité est sacrée. Qui plus est, en cette année où la pandémie a privé des milliers d’enfants en situation de rue de l’accès aux services essentiels - nourriture, soins médicaux, abris… - dont ils ont besoin pour survivre. La pandémie a précipité des milliers d’enfants à la rue : les familles ne pouvaient plus les nourrir, la violence y était trop grande. Des familles pauvres sont, par milliers, tombées dans l’extrême pauvreté jusqu’à ne plus disposer d’un logement. Elles ont tout perdu.

Faites-vous le même constat en France et dans le monde ?

Apporter à chaque enfant en situation de rue, une protection et un accompagnement socio-éducatif. 
© OrecMedia

Nous constatons, depuis la fin des années 90, que le sujet des enfants en situation de rue n’est plus porté, avec un niveau de priorité et de détermination suffisant, par la communauté internationale. Il est même largement délaissé par nombre de gouvernements.
 Or, le phénomène se développe ! On estime le nombre d’enfants en situation de rue entre 100 et 150 millions dans le monde. Nombre d’entre eux le sont depuis deux voire trois générations. Leurs parents et grands-parents ont vécu et grandi dans la rue. Certains y sont nés. Ils font partie des invisibles de nos sociétés, y compris en France, dans nos grandes métropoles. 



Que fait Apprentis d’Auteuil pour leur venir en aide ?

En France, Apprentis d’Auteuil accueille des jeunes, Mineurs non accompagnés (MNA), originaires de pays en situation de guerre ou de crise économique sans aucun filet social, de zones où la misère est telle qu’ils sont prêts à affronter les dangers d’un voyage, au péril de leur vie avec l’espoir d’un avenir possible et digne.
Avant d’être pris en charge au titre de la protection de l’enfance - une obligation pour la France, pays signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant -, un nombre non négligeable d’entre eux connait une période d’errance et de rue, parfois en France. Dans notre pays, ils ont l’espoir de trouver un cadre sécurisant, la possibilité de se former et de s’insérer en mettant leurs compétences et leurs talents à notre service. Au sein de nos établissements, ces jeunes souvent extrêmement motivés, travailleurs ont généralement une influence très positive sur leurs camarades.

À Mayotte, département français de l’océan Indien, nous accompagnons des jeunes livrés à la violence de la rue. Leurs parents originaires des îles voisines des Comores et en situation irrégulière à Mayotte, ayant été reconduits dans leur pays.

Et avec les partenaires, à l’étranger ?

À l’étranger, en République Démocratique du Congo notamment où l’on estime à 200 000 les enfants en situation de rue, 20 000 à Kinshasa, la capitale, l’OSEPER, une structure membre du REEJER notre partenaire historique, va, à la nuit tombée, à la rencontre de ces jeunes dans les lieux où ils sont, sans aucune protection, exposés à tous les dangers. Dans une camionnette équipée, une infirmière prodigue les premiers soins et deux éducateurs nouent une conversation avec les enfants. Ils les invitent à venir, le lendemain, au centre d’accueil de jour. Où ils bénéficient d’un repas et d’eau propre pour se laver. Petit à petit, le lien de confiance avec les adultes se renforce. Les enfants commencent à croire en eux et sortent, peu à peu, de l’emprise de la rue. 

Au cours de l’une de ces maraudes, j’ai pu voir l’engagement des équipes éducatives, leur savoir-faire, leur détermination à ne pas baisser les bras, alors que pour un enfant sorti de la rue, il leur en arrive dix de plus !

Quels sont vos objectifs ?

Sortir, un à un, les enfants en situation de rue et leur offrir un cadre sécurisant et l'espoir d'un avenir possible et digne. © Centre NRJ

Sortir, un à un, les enfants de la rue jusqu’à leur retour en famille, chaque fois que cela est possible, ce qui demande un travail d’accompagnement des familles.
 Mais, lorsqu'une crise politique survient dans un pays avec son lot de violences, lorsqu’une pandémie frappe, notamment des pays déjà sans ressources et sans système de soins solide, lorsqu’un confinement est décrété alors que la majorité des habitants vivent d’une économie de débrouille, les structures d’accueil de jour et d’hébergement de nos partenaires sont totalement submergées. Car ces filles et ces garçons qui survivent de petits boulots, de petites choses qu’ils vendent dans la rue, en échange d’une pièce, de quelque nourriture distribuée ou chapardée, ne trouvent plus de moyens de subsistance. Pour faire face à cet afflux, ces centres adaptent leurs capacités d’accueil, démultiplient leur présence, leur énergie.
De notre côté, nous renforçons nos liens avec nos partenaires, à distance les frontières étant aujourd’hui fermées. « Pouvoir rester en lien avec vous, pouvoir partager ce que nous vivons avec vous, pouvoir écouter ce que vous vivez est tellement important pour nous ! Nous appartenons bien à la même communauté humaine. Nous ne sommes pas abandonnés, oubliés. » me confiait l’un de nos partenaires. Ils comptent sur nous pour agir à leurs côtés et pour être des porte-voix de la cause des enfants en situation de rue.

Un message « d’une même communauté humaine » plus que jamais d’actualité ? 

Nous ne devons pas relâcher nos efforts ! Nous ne pouvons pas nous désintéresser de ces enfants et de ceux qui les accompagnent, au motif que nous aurions suffisamment de problèmes à gérer. Ces enfants sont nos enfants. Nous devons parler, témoigner, donner la parole à ces enfants et adolescents blessés, victimes directes et indirectes des lâchetés et des égoïsmes de nos sociétés. Nous devons interpeller les gouvernants, les leaders d’opinion, les décideurs de nos pays, faire pression auprès de la communauté internationale, pour que l’accès des jeunes en situation de rue aux services essentiels auxquels ils ont droit, soit à l’ordre du jour des politiques publiques. Continuons à nous soutenir les uns les autres 
et plus que jamais agissons ensemble !

(1) Apprentis d'Auteuil préfère à l'expression "enfants des rues" utilisée par Consortium for Street Children, l’alliance mondiale à l’initiative de cette journée, l’expression "enfants en situation de rue". Dans le respect de la définition donnée par les Nations Unies. Pour tenir compte de toutes les réalités des enfants qui vivent, travaillent ou passent beaucoup de temps dans la rue. Et pour poser un autre regard sur eux. Un enfant ne vient pas "de la rue" mais d’une famille et un avenir est possible pour lui hors de la rue. Apprentis d'Auteuil en a la conviction.

Retrouvez, ici, les témoignages de Fany, 16 ans, et de Julio, 18 ans. Après avoir vécu dans les rues de Tananarive à Madagascar, ils reprennent vie et espoir au Centre NRJ, un partenaire d’Apprentis d’Auteuil.