Education et scolarité
02 janvier 2019

L'art-thérapie : quand la créativité soigne les maux des enfants

Et si à travers un modelage, une poésie, une danse, un enfant en souffrance trouvait un moyen d’expression et de communication ? Afin de prendre confiance en lui, de goûter à la vie, de s’ouvrir au monde ? C’est ce que propose l’art-thérapie.

Certains professionnels définissent l’art-thérapie, qu’elle soit destinée aux adultes ou aux enfants, comme "l’exploitation des richesses et du potentiel artistiques d’une personne en souffrance, à visée thérapeutique". D’autres comme "un outil spécifique de soin et de transformation, qui développe le langage des sens et l’apprentissage de l’émotion". Tous s’accordent à dire que la portée de l’art-thérapie va bien au-delà du cours artistique et des objets ou des spectacles qui en résultent.
À Paris, Les Petits Lutins de l’art (1) s’adressent en particulier aux enfants âgés de 3 à 12 ans. "Nous aidons garçons et filles à surmonter des difficultés généralement psychologiques : troubles de l’attachement, du comportement, de l’attention, de l’humeur, hyperactivité, déprime, précise Marie-Aude Götz, directrice du centre. Autant de problèmes qui inquiètent les parents, pas nécessairement les enfants qui viennent avec beaucoup d'enthousiasme, en sachant qu’ils doivent résoudre un problème parfois différent de celui énoncé au départ." 

Un nouveau mode d’expression

Dans des ateliers collectifs et des groupes constitués par tranches d’âge et en fonction des besoins de chacun, les enfants s’initient à la musicothérapie, à la danse-mouvement-thérapie, à la "dramathérapie", au modelage ou aux arts plastiques. "Le langage artistique devient un élément d’expression lorsque le langage verbal bloque, précise Grégory Renault, dramathérapeute. Il permet à chaque enfant d’avancer à son rythme, sur son propre chemin, de s’épanouir personnellement, familialement, scolairement et socialement. Notre rôle d’art-thérapeutes est de lui donner un cadre pour qu’il invente en s’amusant et se raconte, de telle sorte qu’à un moment donné, il se dise : Ça va mieux !"
Le professionnel se souvient ainsi d’un enfant qui, plusieurs séances de suite, utilisait sans prononcer un mot la même marionnette censée être un père, et de sa maman qui, lors d’un dernier rendez-vous, évoquait ce père pour la première fois. "Nous avons peut-être désamorcé une situation compliquée entre une mère et son enfant autour d’un non-dit, et amorcé une relation plus sereine." 

La création en toute liberté

"En art-thérapie, nous sommes plus du côté de l’écoute, de l’intime, de l'expression de la part d'ombre que du côté de la performance, du "donner à voir" et de la comparaison" résume Jean-Pierre Royol, psychologue clinicien et art-thérapeute.
Pour lui, la méthode consiste à créer les conditions favorables au dépassement des difficultés d’expression d’un enfant, en stimulant ses capacités créatrices. "Chez l’enfant, ces difficultés sont essentiellement liées au contexte psychologique dans lequel il évolue, souligne-t-il. Plus ce contexte est anxieux, tendu, moins l’enfant peut s’exprimer et agir librement. L'art-thérapeute doit redonner à l’enfant le goût de s’exprimer sans lui imposer de critères esthétiques, et le valoriser tel qu'il." Par différentes formes d’art, l’enfant ose, produit, rencontre l’autre, enrichit son imaginaire, élargit ses horizons, (re)découvre sa vie, la vie.
En travaillant en famille avec d’un côté, les enfants, et de l’autre, les parents, les art-thérapeutes constatent les évolutions, les régressions parfois, et les progrès de chacun. "Ce sont souvent les enfants qui amènent les parents à se remettre en question, à évoluer, reconnaît Marie-Aude Götz. Car eux-mêmes accueillent et acceptent la difficulté dans l’activité artistique. Cette difficulté est généralement identique à celle qu’ils rencontrent au quotidien : timidité excessive, élocution hésitante, positionnement inexistant ou envahissant dans un groupe... À nous, art-thérapeutes, de leur faire comprendre que tout ce qu’ils font, ils le font pour eux, et non pour faire plaisir à leurs parents ni pour obtenir une bonne note comme à l’école. Libre à eux d’en parler ou non à leurs parents ou à leurs amis." 

"Fais pour toi ce que tu veux !"

Cette liberté incite certains à utiliser, dans un premier temps, un langage imaginaire, des borborygmes par exemple, d’autres à inventer des histoires poétiques qui cachent un autre sens. "Ce moment où l’enfant en souffrance se découvre beaucoup plus créatif et poétique que ce que pensait ou disait son entourage, et retrouve le goût de vivre, de sourire et de s’exprimer, malgré des blessures parfois profondes, reste magique", confie Jean-Pierre Royol.
"L’art-thérapie, comme l’a parfaitement résumé Anne-Marie Dubois, médecin-psychiatre, c’est tout l’inverse de : "Dessine-moi un mouton" du Petit Prince de Saint-Exupéry, conclut Grégory Renault. Ce n’est pas "Dessine", car je ne te donne pas d’ordre ; ce n’est pas "moi", car tu ne dessines pas pour moi et ce n’est pas "un mouton", car je ne te dis pas ce que tu dois faire. Fais pour toi ce que tu veux !"  (1) Le fonds de dotation Les Petits Lutins de l’Art a été créé en 2011 dans un premier centre pilote à Bourg-la-Reine et à Paris depuis novembre 2018.
À LIRE
Art-thérapie et enfance, contextes, principes et dispositifs
Anne-Marie Dubois et Corinne Montchanin
Éd. Elsevier Masson