
Des jeunes en protection de l'enfance sur le chemin de Compostelle
Ils ont marché, discuté, médité... Une semaine durant, au début des vacances, un groupe de jeunes d'une Maison d'enfants d’Apprentis d’Auteuil ont marché sur la route de Compostelle, accompagnés de leur animatrice en pastorale et de trois éducateurs. Une aventure hors du temps.
Ils ont tous les trois adoré l’aventure. Ils, ce sont Samuel et Davina, 15 ans, lycéens en septembre et Sarah, 14 ans, collégienne. Trois adolescents de la Maison d’enfants Saint-Jacques, un lieu de vie qui accueille tout au long de l’année, dans le département du Nord, des jeunes retirés à leurs parents suite à une décision de justice.
La voie du Puy-en-Velay

Avec Marie Bernet, leur animatrice en pastorale, trois autres jeunes de leur foyer et trois éducateurs, Samuel, Davina et Sarah ont arpenté 5 jours durant, du 07 au 11 juillet, la voie du Puy-en-Velay, un des principaux itinéraires du chemin de Compostelle.
Et plus précisément son tronçon inaugural, de Saint-Christophe-sur-Dolaison, village situé à une dizaine de kilomètres de la ville du Puy, au hameau des Faux, en plein coeur de la Margeride, ce haut plateau du nord de la Lozère. Soit un périple d'une soixantaine de kilomètres environ.
Marie avait déjà vécu l’aventure avec des lycéens d’un autre établissement. Elle souhaitait la proposer aux jeunes de la Maison d’enfants, qui, pour la plupart, n'en n'avaient jamais entendu parler.
« Marcher sur la route de Compostelle est un défi, s’enthousiasme l’animatrice. Et un vrai chemin de guérison. J’y crois à fond. Quoi de plus libérateur que de passer une semaine dans la nature, sans moyen de transport, en se dépassant et en s’ouvrant aux autres. »
Pour entraîner sa troupe, l’ancienne prof de sport l’emmène en randos plusieurs samedis dans l’année. Et juste avant le départ, la confie à la prière de plusieurs communautés religieuses, dont les Petites Sœurs du Cœur de Jésus de Bangui, proches des religieux spiritains (Congrégation du Saint-Esprit), présentes sur le site et en service pour la fondation. « Pour qu’elles accompagnent les jeunes à leur manière », souligne-t-elle.

Un itinéraire programmé
L’itinéraire est programmé à l’avance et les nuitées en gîtes réservées, avec des étapes de quinze kilomètres quotidiens en moyenne, une journée de repos en milieu de séjour, et les sacs à dos acheminés dans les hébergements les deux premières journées, histoire de s’habituer à l’effort.
Chaque soir, pendant la veillée, un temps de relecture est proposé à tous autour de cinq points, le respect la confiance, l’entraide, la rencontre et la spiritualité. Un moment de prière suit pour ceux qui le souhaitent.
Ambiance chaleureuse
Si le départ, le premier matin, est un peu dépaysant, les adolescents se sentent rapidement portés, surpris de trouver en eux les ressources qui les font avancer. La bonne humeur s’installe.
« L'idée de ce chemin m'a tout de suite plu. Je voulais le faire pour moi, mais aussi pour mon père, qu’il soit fier de moi, souligne Sarah. Tout au long de la semaine, je me suis sentie dans la joie. »
Un ressenti partagé par Davina : « Ce qui m’a marquée, c’est l’entraide. Du début à la fin, on s’est tous soutenus », raconte la jeune fille.
Pauline, éducatrice, abonde : « Le Chemin décrasse, il ramène à l’essentiel, loin du superflu. »

Un pied devant l’autre
Pourtant tout n’est pas tous les jours facile. « Un matin, raconte Davina, jeune fille pourtant sportive, on a eu à grimper une côte interminable sous une chaleur torride. Je voulais tout lâcher et rentrer. »
Samuel s’attarde, quant à lui, sur sa première nuit en gîte, partagée avec des ronfleurs. « Même si j’avais décidé de partir marcher pour Dieu, confie-t-il, le sourire revenu, j’étais quand même bien énervé. J’ai eu un mal fou à trouver le sommeil. »
Écouter les vaches

Au compteur des souvenirs les plus marquants, jeunes et adultes confondus, la beauté des paysages, les rencontres inattendues dans les gîtes, la bénédiction des pèlerins dans la cathédrale du Puy au départ du chemin, les moments de contemplation...
Ou encore le beuglement inattendu d’un troupeau de vaches un matin, alors que les jeunes essaient tant bien que mal de se concentrer pour écouter les consignes des éducateurs. Davina raconte : « On a tous éclaté de rire ! »
Sarah s’enflamme : « Marcher dans la nature, ça donne du bonheur. Tu te vides la tête, tu fais silence, tu pries... Mais surtout, tu reprends confiance en toi. C’est ça que je retiens de la semaine, la confiance retrouvée ! »
Touchés par la joie de vivre et le sens de l’entraide découverts en chemin, la plupart des jeunes sont prêts à repartir l'an prochain.
En attendant, histoire de se souvenir, ils conservent précieusement la coquille en forme de médaille qu’on leur a offerte, le dernier soir, en récompense de leurs efforts.
À LIRE : Sur les chemins de Compostelle, itinéraires à pied et à vélo vers Saint-Jacques, éditions Gallimard
LE PÈLERINAGE DE SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE
- Le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle ou pèlerinage de Compostelle est un pèlerinage catholique dont le but est d'atteindre le tombeau attribué à l'apôtre saint Jacques le Majeur, situé dans la crypte de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice (Espagne). C'est le pèlerinage le plus fréquenté du monde chrétien.
- Créé et instauré après la découverte des supposées reliques de Jacques de Zébédée au début du IXe siècle, il devient à partir du XIe siècle un grand pèlerinage de la chrétienté médiévale.
- Le pape Alexandre VI le déclare officiellement comme l'un des « trois grands pèlerinages de la Chrétienté », avec ceux de Jérusalem et de Rome, après la prise de Grenade en 1492, sous le règne de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle la Catholique.
- Les chemins de Compostelle sont les itinéraires empruntés par les pèlerins pour se rendre à Saint-Jacques.
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