Festival des Maisons des familles
Accompagnement des parents

Quand des Maisons des Familles se lancent dans un projet artistique ambitieux

Pendant plusieurs mois, des parents et membres d'équipe de six Maisons des Familles du sud-est ont créé, avec des artistes professionnels, un festival culturel. Retour, à Chambéry, sur une expérience artistique inédite pour ces familles, souvent en situation de précarité,  accompagnées par Apprentis d’Auteuil et le Secours Catholique. 

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Plusieurs mois durant, des parents fréquentant des Maisons des familles d'Apprentis d'Auteuil en région sud-est se sont lancés dans la création d'un festival artistique itinérant. Une expérience décapante, qui souligne le rôle essentiel de l'art comme levier d'émancipation.
L'équipe en pleine relecture, à la Maison des familles de Chambéry
Des parents et membres d'équipe de la Maison des Familles du Bassin Chambérien en pleine relecture de leur aventure (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

Une maison bourgeoise entourée d’un jardin, quelques marches en pierre, des poussettes pliées à l’entrée. Cet après-midi de début de printemps, à la Maison des Familles du Bassin Chambérien, c’est séance relecture.

Autour de Lucie Ramognino, responsable des lieux, et en prévision de l'Assemblée Générale annuelle, programmée en présence de partenaires invités, parents et membres d'équipe revisitent le temps fort qu’ils viennent de vivre. Un festival culturel monté par les parents de six Maisons des Familles de la région, accompagnés par un percussionniste et Les Inachevés, une compagnie théâtrale de Grenoble impliquée de longue date auprès de publics éloignés de la culture.

À l’origine de l'aventure, des journées d’études « Parentalités-Précarités », organisées avec les familles au printemps 2022, selon une démarche de co-construction semblable à celle qu'Apprentis d'Auteuil développe dans le cadre du « Penser et agir ensemble ». 

Rencontrer la création 

Maison des familles du Bassin Chambérien, Lucie Ramognino, directrice, avec des mamans et leurs enfants
Les enfants rhabillés, il est temps, pour certains parents, de rentrer. À droite, Lucie Ramognino, responsable (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

« Emportés par l’enthousiasme de nombreux parents, marqués par la découverte de capacités qu'ils ne pensaient pas avoir, nous souhaitions poursuivre sur la lancée, en vivant une vraie expérience artistique collective », explique Laurence Potié, coordinatrice des Maisons des Familles de la région, présente à la réunion. 

Ambitieux, le projet imaginé consiste à se produire sur de grandes scènes de plusieurs villes, dans lesquelles chaque Maison des Familles impliquée présenterait sa création artistique. Quatre dates sont retenues, de novembre à février, à Grenoble, Chambéry, Marseille, et la dernière, Lyon. Le festival culturel itinérant des Maisons des Familles en région sud-est était né.¹ 

Expression corporelle, travail rythmique et jeu scénique

Maison des familles du Bassin Chambérien, Sylvain Jasserand, travailleur social discute avec Lucie Ramognino, la directrice
Sylvain Jasserand, travailleur social et Lucie Ramognino, responsable de la Maison des Familles du Bassin chambérien (de dos) (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

À Chambéry, la Maison des Familles opte pour du conte, accompagné de percussions. 

Après quelques séances de découverte, des ateliers sont montés avec deux artistes, Bintou Sombié, comédienne conteuse, et Dédou Domboué, percussionniste. Au menu, expression corporelle, travail rythmique, exercices de diction, formation au jeu scénique, etc.

Le synopsis du spectacle prend forme en parallèle, sur le mode participatif. Au final, deux contes sont retenus, la célèbre « Soupe aux cailloux », autour du vivre ensemble, et un conte issu de la tradition orale africaine, apporté par une maman.

Guidés par les professionnels, les parents travaillent leur mémoire, leur trac et leur regard et affinent voix, tempo et gestuelle. Un vrai investissement !

Oser prendre des risques

Maison des familles du Bassin Chambérien, une maman, Klara, discute avec Marie-France Turpin bénévole
C'est l'heure du thé... (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

Temps du goûter. Assis sur des canapés autour d'une boisson chaude, parents, bénévoles et professionnels reviennent avec émotion sur l'expérience vécue. 

« Le djembé, raconte Sofia², c’était compliqué au débutMais au fur et à mesure, j’ai pris plaisir à en jouer. J’ai vibré, j’ai même pleuré. Il y a beaucoup de force dans la musique. En plus, on a participé ensemble, parents, salariés, bénévoles, tous solidaires. » 

Même ressenti chez Nadia². « Avec la conteuse, j’ai appris des choses qui vont me servir au quotidien. Demain, je vais aller à un entretien pour du travail en étant plus sûre de moi. » 

Ou Catherine², bénévole : « Une fois les relations tissées, c'est magique de se lancer, en toute sécurité, de rêver, d'élargir ses horizons. Pour chacun d'entre nous, si on ose, tout est possible. Une leçon de vie magnifique ! »

Sylvain Jasserand, travailleur social, souligne : « J’ai été touché par ce projet ambitieux. Pour moi, ce fut une vraie prise de risque. Je ne connais pas du tout le monde de la scène, découvert au même titre que de nombreux parents. Vivre cette aventure m’a permis de me retrouver dans d’autres liens avec chacun, chacune. »

La puissance du djembé

Festival des Maisons des familles
Très fiers d'eux, les parents de la Maison des Familles de Grenoble s'applaudissent à l'issue de la représentation du 12 décembre 2023 au Totem - MJC de Chambéry. (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

De quoi ravir la conteuse Bintou Sombié, professionnelle de l'oralité, comme elle aime à se définir. 
« Même si rien n'était gagné au départ, confie-t-elle, j’ai senti au fil du temps une énergie nouvelle poindre chez pas mal de parents, un plaisir, une manière de prendre soin d'eux. » 

Dédou Domboué, percussionniste, abonde : « J’ai eu plusieurs retours de parents me disant qu’ils dormaient mieuxLe djembé soigne. Avec les mains sur la peau tendue du tambour, la vibration entre dans ton corps, le rythme monte, tu te détends. C'est envoûtant. Et très puissant ! » 

Pour Moïse Touré, créateur et directeur de la compagnie Les Inachevés, «  il y a un droit à la santé, un droit au logement, un droit à manger. La culture est aussi un droit, sinon il manque quelque chose à l'humanité. » 

L’art, levier d’émancipation

Maison des familles du Bassin Chambérien,  atelier cuisine avec Klara et Rima, deux mamans et Martine Damevin, bénévole
Incontournable du quotidien en Maison des Familles, le goûter est traditionnellement préparé en commun (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

Cet événement aura permis à des parents vivant des situations de précarité et d’insécurité profondes de s'impliquer dans un projet créatif valorisant, au milieu d'un quotidien parfois très compliqué. 

Il leur aura aussi donné la possibilité d’avancer sur les enjeux majeurs que sont la reprise de confiance en soi, dans les autres, dans l'avenir ou le travail sur la séparation avec son enfant, pour avancer de son côté, comme l'explique Lucie Ramognino, reconnaissante. 

« Initiés ou non, les participants ont tous pu explorer leurs talents créatifs et se dépasser, renforçant ainsi leur estime d'eux-mêmes, glisse la responsable. « Au sein de nos Maisons des Familles, nous sommes convaincus qu'un adulte plus confiant et sécurisé en lui-même le sera davantage dans sa posture de parent. Le pari est gagné. »

 

¹ Le festival a été rendu possible grâce au soutien de la Fondation Foujita, Musée des Confluences, Orféo, Fondation Sainte-Foy.
² Les prénoms ont été changés.

Transcript

TÉMOIGNAGE : KLARA, UNE MAMAN TRANSFORMÉE

Maison des familles du Bassin Chambérien,  portrait de Klara, une maman
Klara, très fière d'elle ! (c) Sandrine Beaud/Apprentis d'Auteuil

« Originaire d’Albanie, je vis en France depuis cinq ans avec mon mari et ma fille, Mélodie, âgée de deux ans et demi. J’ai adhéré au projet parmi les dernières, prise, au début, par des préoccupations qui m’empêchaient de me rendre disponible. Quand Lucie m'a invité à rejoindre le groupe, je me suis dit que la préparation de ce spectacle de qualité me permettrait de me changer les idées et surtout d’acquérir de nouvelles compétences. 
Je me suis jetée à l’eau et étonnamment, j’ai été rapidement séduite par la proposition, qui m‘a ramenée à mes années d’enfance où j’aimais tant jouer des petites pièces ou chanter devant ma famille. J’ai constaté aussi que j’étais capable de me lancer de nouveaux défis, j’ai osé me montrer et briller sous les projecteurs, j'ai adoré jouer et m'exprimer sur scène. 
Ce projet m'a aussi aidée en tant que maman. Pendant les ateliers, ma fille était prise en charge par les bénévoles (de la Maison des Familles). Avant, je ne me séparais pas d'elle. J'ai pu expérimenter que c'est possible de laisser son enfant à quelqu'un d'autre, en confiance. Ma fille a grandi en autonomie et dans son contact avec les autres enfants. Grâce à ça, son adaptation à la crèche a été plus facile. Et je suis confiante pour l'école. 
Bref, je suis très fière de cette aventure. Elle m'a permis de mieux me connaître, d'avancer en tant que femme et maman et de m'engager avec d'autres à créer du beau. »

LES MAISONS DES FAMILLES : UN RÉSEAU NATIONAL

  • Un réseau créé en 2009 par Apprentis d’Auteuil, le Secours Catholique et d’autres fondateurs.
  • Un espace de vie dédié aux familles confrontées à des défis ou des contextes de vie difficiles.
  • Un même cadre de référence, une même raison d’être, avec des convictions fortes et des modalités d’actions communes. 
  • Un mode d'intervention et de fonctionnement singulier, basé sur une souplesse adaptée aux spécificités du public accueilli.
  • Un champ d’action sociale large, qui s’inscrit en relais et médiation avec les structures et dispositifs de droit commun, en prévention d’éventuels conflits et ruptures.
  • Un réseau qui compte aujourd’hui 22 Maisons des Familles dans 17 départements en métropole et outremer dont cinq en AuRA ( Vaulx-en-Velin, Villeurbanne, Grenoble, Chambéry, Annecy) et deux en PACA (Marseille).