Accompagnement des parents
27 mars 2018

Relations garçons-filles à l'adolescence, comment éduquer nos jeunes ?

CONSEILS D'ÉDUCATION. Alors que la question préoccupe de plus en plus de parents et de professionnels à l'ère du mouvement #MeToo, quelle éducation donner à ses enfants en matière de respect de l'autre sexe ? Comment les aider à mieux entrer en relation à l'adolescence ? Conseils avec l'aide de deux spécialistes. Par Agnès Perrot.

Afficher le résumé facile à lire et à comprendre
Les comportements sexistes et la violence dans les relations garçons-filles à l'adolescence font aujourd’hui davantage réagir la société. Repères pour que les parents sachent parler de ces questions avec leurs jeunes.

1. Parler dès le plus jeune âge

L’onde de choc provoquée par le mouvement #MeToo n’en finit pas de faire des vagues. Une prise de conscience sociétale qui renvoie les parents à la manière dont les relations garçons-filles sont parlées à la maison. Une question pas toujours simple à aborder. 

« Apprendre à se faire respecter et à mieux connaître l'autre sexe se prépare dès l’enfance, explique le docteur Thierry Delcourt, pédopsychiatre à Reims. Il faut mettre des mots sur ces questions dès le plus jeune âge à ses enfants, donner des explications de base sur la découverte de son corps, la sexualité, le consentement, le respect du corps de l’autre… »

Bref, introduire assez tôt, par petites touches, des paroles sur la pudeur et l'intimité, les évolutions liées à la puberté, etc. Ce qui va permettre aux jeunes de se faire respecter face à l'autre sexe. Et le moment venu, d'avoir intégré qu’un rapport sexuel doit être désiré des deux côtés en sachant dire non s'ils ne sont pas consentants. 

Les conduites déviantes, comme le cyberharcèlement ou le sexting, qui se développent chez les adolescents, notamment via les réseaux sociaux, sont « une autre violence dont nos jeunes doivent être prévenus par leurs parents. Nous sommes tous concernés. » poursuit le professionnel.

Des ouvrages de plus en plus nombreux existent, même pour les tout petits sur ces questions. Si besoin, les parents peuvent également renvoyer leurs jeunes vers des personnes ressources : il est parfois gênant d'aborder ces questions avec son père et/ou sa mère quand on est collégien...

Parents et enfants peuvent également suivre ensemble des formations parents-ados proposées par plusieurs associations au moment de la puberté des jeunes. Vrais temps de complicité mère-fille ou père-fils, ces ateliers permettent aux adultes d'apprendre à communiquer plus naturellement avec leurs enfants sur ces thèmes. Et leur font comprendre de l'intérieur que parler sexualité avec ses enfants n'est pas (seulement) parler rapports sexuels avec eux, mais englobe un ensemble de thématiques beaucoup plus large, passionnantes à explorer en famille !  

2. Une histoire de différence

« Quand j’aborde les relations garçon-fille au collège, les questions des adolescents tournent souvent autour du respect, plus que directement du consentement ou du harcèlement sexuel », souligne Edith Berlizot, éducatrice à la vie et conseillère conjugale et familiale au CLER Amour et famille, une association qui accompagne couples, familles et éducateurs et intervient en collège et lycée. « Un certain nombre de jeunes ont déjà fait l'expérience malheureuse de ne pas avoir été reconnus pour eux-mêmes dans des relations et ils en souffrent. »

« Lors de mes interventions, continue-t-elle, je les fais réfléchir sur les notions de différence homme-femme et je m’efforce de relever ce qu’il y a de positif en chacun, fille ou garçon. Le but est de les aider à avoir une assurance suffisante pour développer une juste estime d’eux-mêmes, qui leur permettra de se positionner et/ou de faire des choix. »

« Pour accompagner les jeunes à cet âge, il est important de rester attentif à leurs paroles et de dialoguer », précise de son côté le docteur Delcourt. « Si les comportements sexistes et la violence dans les relations chez les jeunes (amoureuses ou pas) font aujourd’hui davantage réagir la société, le dialogue est d'autant plus indispensable pour qu’ils puissent s’approprier des repères, des normes, des valeurs. Quand on échange de manière régulière sur ces sujets en famille, on est mieux armé pour affronter les problèmes lorsqu'ils surgissent. » 

3. Que dire aux jeunes filles ?

De plus en plus de jeunes filles, encore très vulnérables à cet âge de leur vie, doivent également faire face au harcèlement parfois très lourd de la rue (harcèlement de rue)  : propos déplacés de la part d'hommes seuls ou en groupes sur le physique, regards, sifflements, gestes suggestifs, etc. Un haecèlement qui peut se déplacer sur les réseaux sociaux. Pour les aider à gérer ces situations d’irrespect avéré, les parents se doivent d'être vigilants. Et apprendre à leurs filles à réagir. D'autant plus qu'elles entrent dans la puberté un ou deux ans plus tôt que les garçons.

«  Il faut absolument informer - et former -  les adolescentes en amont sur ces questions, leur apprendre à prendre leur place et à dire non. Une jeune fille avertie saura comment faire face à un gêneur ou harceleur potentiel, demander de l’aide, appeler la police si besoin, etc », souligne encore Thierry Delcourt, de plus en plus consulté par des adolescentes victimes de cyber harcèlement, qui viennent désormais le trouver d'elles-mêmes, sans passer par leurs parents. 

Internet et les téléphones portables ont bouleversé la donne. Face à la violence, un trop grand nombre de jeunes filles sont encore dans une attitude trop passive, malheureusement trop souvent véhiculée par la société. Les jeunes générations ne sont pas toujours les mieux placées pour défendre les droits des femmes, malgré les apparences... 

4. Et aux garçons ?

À l’adolescence, les garçons, maladroits, sont attirés par les filles dont ils ont en même temps peur. Un certain discours ambiant féminin, mal compris et trop réducteur, peut les faire s'interroger sur la conduite à tenir avec les filles de leur âge et impacter leur estime de soi, voire les inhiber. Ils disent régulièrement ressentir une pression qui n'est pas toujours facile à assumer dans une société ou le combat pour l'égalité des sexes a fait bouger les lignes. 

« Les garçons manquent souvent de mode d’emploi pour savoir comment aborder les filles », explique Edith Berlizot. « Il faut que les pères, ou des hommes adultes, sans être didactiques ni moralisateurs, leur donnent des repères en leur parlant clairement de tact, de notion de consentement et de respect à avoir avec les filles, de tendresse et de patience, de manières courtoises, tout en leur apprenant à apprivoiser leur part d’impulsivité. » renchérit Thierry Delcourt.

5. Pour tous

« Peu d'adultes sont à l'écoute de ce que les jeunes ressentent à cette période de leur vie. Pour tous, garçons et filles, concluent les deux professionnels, la meilleure éducation reste celle de l’écoute. » Sans être trop figé, en mettant de côté ses préoccupations et en évitant les jugements, mais en leur donnant en même temps les repères dont ils ont besoin. 

« Les adolescents sont jeunes, sensibles, en pleine construction. Ils ont à gérer les transformations de leur corps et ont besoin d'apprendre. » précisent-ils encoreD'autant plus que le schéma familial type a beaucoup évolué, et ce, dans tous les milieux. Ne pas hésiter à parler également avec eux de la pornographie et de l'égalité entre les sexes, en abordant les questions du partage des tâches domestiques. 

Sans oublier l’amitié entre garçons et filles, de l’importance de se parler, la relation garçons-filles n’étant pas qu’un "terrain de chasse sexuelle". Cette amitié particulière est un lien fait de respect et de confiance, une acceptation de la différence, une découverte de l’autre pour se découvrir soi-même. Ceci tout en rappelant aux adolescents qu'il s'agit d'un équilibre délicat (du fait de la pulsion qui fait qu’on est attiré vers l’autre de sexe différent). 

À LIRE :

  • Je suis ado et j’appelle mon psy 
    de Thierry Delcourt, Éd. Max Milo
  • Premiers émois, premières amours. Quelle place pour les parents ?
    de Béatrice Copper-Royer, Éd. Albin Michel 
  • Respecte mon corps
    de Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée, Éd. Gallimard Jeunesse
     
  • L'amour est une belle histoire - Et le sexe aussi !
    En collaboration avec Teeenstar
    de Marie Beaussant, Éd. Mame