Vie de la fondation

Des femmes victimes de violence prennent la parole

À la veille de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l’égard des femmes organisée par les Nations Unies, le 25 novembre, 9 femmes accueillies dans deux établissements d’Apprentis d’Auteuil à Chartres témoignent dans "Paroles de femmes libres". Une exposition de photos-portraits, paroles et chants sur leurs souffrances, leur courage et leur espoir. À l’aube d’une vie nouvelle.

Elles s’appellent Emmanuelle, Ghizlaine, Teresa, Sonia, Séverine, Carmel, Saida, Anne-Gaëlle, Christine. À 20, 30 ou 40 ans, elles ont connu l’humiliation, le mépris, l’emprise d’un homme, d’un compagnon ou d’un mari. La peur pour elles-mêmes et leurs enfants. Elles se sont retrouvées seules, isolées jusqu’au jour où elles ont dit "Stop !" et trouvé, en elles, la force, le courage, l’envie de partir pour se relever, se reconstruire. Envisager un autre avenir.
Accueillies à La Source - un accueil de jour pour les femmes victimes de violences - et au Bercail, une résidence sociale mère-enfants d'urgence d'Apprentis d'Auteuil à Chartres, elles ont été accompagnées, pas à pas, par la directrice des établissements, des éducatrices, des psychologues, des conseillères conjugales et des bénévoles. Chacune à son rythme, avec ou sans enfants, a cheminé vers une nouvelle vie. Avant de pouvoir s’exprimer, faire entendre sa voix, retrouver sa dignité, confiance et estime de soi, dans des groupes de paroles et des ateliers d’écriture musicale.

Exposition

Certaines femmes et mamans se sont inspirées de chansons connues, d’autres en ont créé pour partager leur vécu, leurs souffrances, leurs émotions et leurs espoirs. Une esthéticienne leur a redonné l’envie de se faire belles pour elles et les autres. Le photographe, Patrick Pierre, les a initiées à la photographie avant de réaliser de très jolis portraits-souvenirs. Toutes se sont retrouvées au Centre œcuménique et artistique de Chartres pour donner leur concert "Paroles de femmes libres" en 2016.
En 2017, elles ont eu envie de poursuivre l'aventure à travers l’exposition "Paroles de femmes libres" montée avec leurs portraits, leurs témoignages et leurs chants. Teresa, Anne-Gaëlle, Séverine et les autres se révèlent ainsi et brisent le silence pour toutes les femmes ou mamans victimes de violence.

Témoignages

Teresa, 42 ans, décide, aujourd'hui, de sa vie © Patrick Pierre

"J’ai été humiliée, rabaissée par un homme. J’ai subi des violences, du mépris jusqu’au jour où il a menacé de me tuer. Je suis partie pour nous protéger, mon fils et moi. Les professionnels et les bénévoles du Bercail m’ont soutenue, accompagnée, conseillée. Moi qui n’avais pas confiance en moi, qui ne parlais pas le français, je croyais que c’était sans espoir. Ils m’ont donné une force incroyable.
Aujourd’hui, à 16 ans, mon fils est en première au  lycée. Il veut étudier la gestion administrative. Moi, je travaille comme couturière dans une association et je sais qui je suis : une femme libre qui décide de sa vie. Je veux témoigner pour donner du courage à d’autres femmes et leur dire qu’elles ont des droits et de la valeur comme toutes les femmes."
Teresa

Ingrid Barthe, directrice du Bercail et de La Source
"Cette exposition "Paroles de femmes libres" est le fruit d’une année de travail et de rencontres, orchestrée avec douceur et patience par Aurélie Sadio, intervenante sociale à La Source, mise en images par Patrick Pierre et Émilie Boutoil. La ville de Chartres et de nombreux partenaires l’ont rendue possible. Mais tout le mérite en revient à Saida, Emmanuelle, Ghizlaine, Christine, Maëlys, Teresa, Sonia, Carmel et Séverine accueillies dans nos établissements. C’est un cadeau qu’elles nous font ! Elles ont puisé en elles la force de se relever, de se reconstruire et d’offrir leurs paroles et leurs chants non pas comme une révolte ou de la haine mais comme une espérance." 

Anne-Gaëlle, 32 ans, prend un nouveau départ © Patrick Pierre

"Un jour, j’ai osé quitter, avec ma fille, un homme qui m’infligeait des violences physiques et verbales. Il me mettait plus bas que terre, me coupait du monde extérieur et menaçait de tuer ma fille si je partais. Une fois à l’abri, j’ai ouvert les yeux, j’ai pris du recul et j’ai compris que j’avais pris la bonne décision. Le plus dur a été de reprendre confiance en soi. L’atelier d’écriture musicale m’a permis de m’évader et de m’exprimer comme femme et comme maman.
Aujourd’hui, je vais m’installer dans un petit appartement et suivre une formation d’infographiste pour rester créative. Je tourne une page et prends un nouveau départ.
Avec cette exposition, je veux adresser un seul message : si vous apprenez que quelqu’un subit de la violence, ne le laissez pas tomber. Une personne seule ne peut rien faire. Elle a besoin d’être soutenue moralement et dirigée par la famille, les amis, les collègues, les associations, les services médicaux, vers les personnes ou les organismes compétents. Ne faites pas comme si vous ne voyiez rien, vous n’entendiez rien, vous ne saviez rien."
Anne-Gaëlle

Séverine, 27 ans, plus libre, plus apaisée aussi © Patrick Pierre

"La Résidence sociale Le Bercail m’a accueillie, en urgence, avec mes deux enfants, un soir où je pensais que tout était fini pour moi, qu’on allait me priver de ma liberté, de ma vie de maman car je m’étais défendue contre un petit ami qui était venu chez moi, en pleine nuit, pour m’agresser. Le juge pour enfants a accepté que je ne sois pas séparée de ma petite fille et de mon petit garçon pour continuer notre vie ensemble.
Les éducatrices ont toujours été là pour m’écouter et me réconforter. Petit à petit, je me suis libérée. Pour mes enfants, cela a été plus compliqué car ils avaient subi des événements graves : la séparation du papa, la mort de la mamie, la mort du tonton et ce drame en pleine nuit. Nous avons appris à vivre avec notre passé et à avancer ensemble. Mon nouveau compagnon fait le maximum pour pouvoir nous aider à nous reconstruire.
Participer à l’atelier d’écriture musicale a été, pour moi qui ai toujours aimé chanter, un vrai bonheur. J’ai écrit en très peu de temps les paroles de L’hymne à la liberté sur l’air de L’hymne à l’amour d’Edith Piaf : "La liberté n’est pas gagnée, Il faut la mériter, Chaque jour est une bataille." Je voulais me soulager et aider d’autres femmes qui pouvaient en avoir besoin. Quel que soit le drame qui peut survenir dans une vie, il faut trouver la force de le surmonter.
Aujourd’hui, je me sens plus apaisée, plus libre aussi. J’ai moins peur pour mes enfants qui ont retrouvé la joie de vivre et se serrent les coudes… en attendant un petit frère."
Séverine

Aurélie Sadio, intervenante sociale à La Source

"En créant l’atelier d’écriture musicale, en 2015, nous voulions aider des femmes et des mamans à retrouver confiance en elles et estime de soi. Par une présence, une respiration, un bien-être. Leur permettre aussi de se connaître, de découvrir leurs différentes cultures. Un jour, une maman a dit : "Ce serait bien d’écrire des chansons !" Une bénévole et moi-même, musicienne de formation, les avons accompagnées dans leurs écrits, leurs compositions sur le fait d’être une femme, une maman... dans des moments de grande intensité et de fous rires. L’idée d’un concert est venue. Toutes, nous avons partagé nos compétences (chants, musiques, danses, décoration florale...) jusqu’à notre concert de juin 2016 au Centre œcuménique et artistique de Chartres. D’autres femmes et mamans nous ont rejoints pour poser des mots très forts, des émotions vives, mener un combat pour elles-mêmes et les autres femmes victimes de violence. Nous nous sommes retrouvées, en juin 2017, pour notre deuxième concert dans le jardin de La Source. Avant de monter l’exposition "Paroles de femmes libres" et de nous lancer dans l’enregistrement d’un CD."

Pour en savoir plus

L’exposition "Paroles de femmes libres" est présentée le samedi 25 novembre à l’École supérieure du professorat et de l’éducation de Chartres. Elle tournera, dès le début du mois de décembre, dans les quartiers prioritaires de la ville et de l’agglomération, à la préfecture et dans un centre d’hébergement d’urgence à Dreux. Pour en savoir plus : 06 30 82 90 16 - residencelebercail@apprentis-auteuil.org