Portrait de Cynthia Blanc, ancienne de la fondation
Témoignages

Cynthia Blanc : "Il faut changer de regard sur les enfants placés."

Cynthia Blanc a connu une enfance et une adolescence difficiles, marquées par des conditions de vie précaires et une relation toxique avec sa mère. À 29 ans, cette ancienne de la Maison d’enfants Saint-Joseph se bat pour cicatriser ses plaies et souhaite tordre le cou aux idées reçues sur les enfants placés.

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Cynthia Blanc a eu une enfance difficile. Elle vivait dans une caravane et elle ne s'entendait pas avec sa mère. A l'âge de 16 ans, elle a été accueillie dans une Maison d'enfants d'Apprentis d'Auteuil. Aujourd'hui, elle va mieux. Elle est devenue animatrice pour enfants dans un centre de loisirs.

« J’ai eu un parcours un peu compliqué. », prévient d’emblée Cynthia Blanc, comme pour s’excuser du récit à venir. Entre deux bouchées du sandwich qui fait office de pause déjeuner, la jeune femme revient sur son enfance. « Avec ma mère, nous habitions dans une caravane, dans des conditions très précaires. Sans eau courante, sans douche, au milieu de vingt chats et de l’odeur d’urine. Les rats proliféraient dehors. » La jeune femme, qui est aujourd’hui devenue animatrice en centre de loisirs, explique sobrement : « C’était le choix de vie de ma mère. » Sa mère, qui, raconte Cynthia, monopolise sa vie et la conversation. « Ma mère était très instable. Elle pouvait être violente psychologiquement et physiquement. Elle était stricte et en même temps, elle me laissait souvent livrée à moi-même. Nous étions très fusionnelles, mais elle me détruisait. Nous avions une relation toxique. »

Portrait de Cynthia Blanc, ancienne de la fondation, avec son chien
Cynthia Blanc en promenade avec son chien Speedy. (c) Astrid Lagougine/Apprentis d'Auteuil

Á l’école, les choses se passent mal aussi. Cynthia est en échec. Les autres élèves la rejettent et se moquent souvent de l’odeur de ses vêtements. À l’adolescence, la jeune Cynthia multiplie les fugues pour fuir le domicile familial. Le week-end et les vacances scolaires, elle trouve refuge chez sa sœur de vingt ans son aînée qui joue le rôle d’une seconde mère. Au fil des années, la situation ne fait qu’empirer. Cynthia enchaîne drogue, alcool et tentatives de suicide. « Je ne savais plus si ce que je faisais était bien ou mal. J’étais mal dans ma peau et je me fichais de ce qui pouvait m’arriver. »

Á 16 ans, Cynthia est placée à Apprentis d'Auteuil

Suite à un signalement, Cynthia fait d’abord l’objet d’un suivi éducatif à domicile. Les années passent, mais la situation ne s’améliore pas. Au collège, l’éducatrice et l’assistante sociale qui la suivent se démènent pour qu’elle intègre un internat la semaine. Puis en 2009, à l’âge de 16 ans, Cynthia est finalement placée à la Maison d’enfants Saint-Joseph d’Apprentis d’Auteuil à Cenon, en Gironde. « Je n’étais pas contente d’être là. J’avais le sentiment d’être abandonnée par ma mère dans un environnement que je ne connaissais pas. »

Progressivement, l’adolescente s’habitue à cette nouvelle vie. « Je n’en revenais pas d’avoir une douche, un vrai lit, une vraie chambre. Mes vêtements sentaient bons. » Elle fait connaissance avec les éducatrices et les huit filles avec qui elle vit désormais. « Au début, elle était un peu triste, se souvient Laetitia Fredon-Sard, son éducatrice référente de l’époque. Puis rapidement, elle a créé des liens avec toute l’équipe : la maîtresse de maison, la surveillante de nuit, les éducatrices… Elle est même devenue leader du groupe, toujours prête à aider les autres. »

Cynthia poursuit ses études dans un lycée hôtelier et finit par décrocher son CAP. À 17 ans, elle emménage dans les appartements de semi-autonomie attenants à la Maison d’enfants et bénéficie l’année suivante d’un contrat jeune majeur (1). « On apprenait à gérer notre budget, à faire les courses. On nous préparait à quitter le nid. Mais ça été difficile pour moi. J’avais trouvé une nouvelle famille que je ne voulais pas quitter. Je faisais des angoisses nocturnes. J’avais développé des tocs autour de la propreté. »

Cynthia découvre sa vocation

En 2012, Cynthia emménage dans un appartement à Bordeaux. Elle enchaîne les petits boulots pour payer son loyer. Elle fait des ménages dans les bureaux, puis dans un centre de colonies de vacances. C’est là qu’elle découvre sa vocation. « En côtoyant les enfants, j’ai eu une révélation. J’avais envie de leur donner ce que je n’avais pas eu pendant mon enfance : de la bienveillance, de la joie, un cadre sécurisant... » Elle passe et obtient son BAFA (Brevet d’aptitude à la fonction d’animateur) en 2016. Puis, travaille comme animatrice pour plusieurs municipalités autour de Bordeaux. « Je travaille avec des enfants sur le temps périscolaire et pendant les vacances scolaires. Je partage énormément de choses avec eux. Je fais beaucoup d’activités manuelles. Je me sens à ma place. »

À 29 ans, la jeune femme, qui prépare désormais son diplôme pour devenir directrice, a pris du recul. « Le placement, c’est ce qui m’a sauvée. Je ne sais pas ce que je serais devenue autrement. » Pour venir en aide aux jeunes qui ont suivi le même parcours qu’elle, Cynthia est devenue bénévole à la Touline d’Apprentis d’Auteuil à Bordeaux (2). « Je dis aux jeunes que je rencontre qu’on n’est pas voués à être des cassos’ toute notre vie. On nous voit trop souvent comme des délinquants, alors que nous sommes des victimes ! Je ne sais pas si je serai un jour totalement guérie de ce j’ai vécu dans mon enfance. Mais j’apprends à vivre avec. Je suis une battante. »

 

(1) Aide financière qui peut être octroyée par les Départements aux jeunes majeurs de l’Aide sociale à l’enfance âgés de 18 à 21 ans, sous conditions.

(2) La Touline est un dispositif dédié à l’accompagnement des jeunes sortants de l’Aide sociale à l’enfance

  • 1993 Naissance
  • 2009 Placée à la Maison d’enfants Saint-Joseph
  • 2016 Obtient son BAFA
  • 2021 Bénévole à La Touline d’Apprentis d’Auteuil