Protection de l'enfance
17 mars 2022

Protection de l'enfance : une nouvelle loi en demi-teinte

Retour sur la nouvelle loi relative à la protection de l'enfance, dite "loi Taquet", promulguée le 7 février avec Baptiste Cohen, directeur de projets au pôle Protection de l’enfance d’Apprentis d’Auteuil. Entre vigilance et espérance.

Quel rôle la fondation a-t-elle joué dans l’élaboration de la loi sur la protection de l'enfance promulguée le 7 février  ?

Baptiste Cohen, directeur de projets au pôle Protection de l’enfance. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

Apprentis d’Auteuil a été consulté au titre de son expertise par le secrétariat d’État à l’enfance et aux familles, à l’initiative du projet de loi. Nous avons témoigné des problématiques rencontrées au sein de nos établissements et pris une part active à la discussion avec le gouvernement, comme nous le faisons habituellement avec les pouvoirs publics dans le cadre de notre plaidoyer en faveur des jeunes et des familles.

Pour quel résultat ?

Un résultat en demi-teinte. En dépit de ses 42 articles, le texte de loi finalement voté et à la rédaction duquel Apprentis d’Auteuil n’a pas contribué, ignore certains sujets essentiels comme l'accompagnement des familles par exemple . Quant à ses avancées, elles manquent selon moi d’une vision structurante, qui embrasse l’ensemble des enjeux propres à la protection de l’enfance.

Ces avancées, quelles sont-elles ?

Reconnaissons-le : cette nouvelle loi a le mérite d’humaniser la protection de l’enfance. De fait, la multiplication des acteurs du secteur (justice, services sociaux, Éducation nationale, intervenants médico-sociaux…) et leur manque de coordination est souvent, malheureusement, source d’une forme de délaissement des enfants. L’ambition affichée est désormais de mieux tenir compte des situations particulières et d’aller chercher des ressources dans l’environnement proche des jeunes.

Concrètement, comment cela se traduit-il ?

Dorian, 20 ans, accompagné par la Touline de Lyon (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

Par un préalable obligatoire : rechercher une solution de placement pour les enfants concernés d’abord dans l’environnement familial. Dans cette logique, c’en est fini du recours systématique à l’hébergement de certains jeunes en hôtel, à la fois source d’insécurité et incompatible avec une prise en charge de qualité. Dans le même esprit, la loi souhaite développer le parrainage de proximité avec des adultes référents bénévoles, qui ne soient plus seulement des professionnels de la protection de l’enfance. Quant aux fratries, leur accueil devra être renforcé de façon à préserver le lien familial qui les unit.

Et vos points vigilance ?

Rappelons d’abord que nous sommes en attente des 21 décrets qui doivent préciser les modalités d’application de la loi. Dit autrement, nous en sommes aujourd’hui seulement au stade de l’intention législative, dont la traduction pratique reste encore très floue… Plus importante, cependant, est la question des jeunes majeurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) à la sortie de leur placement. La nouvelle loi oblige désormais les Départements à proposer une solution à ceux d’entre eux qui seraient sans ressources familiales ou sociales. C’est un progrès, mais cela reste une simple invitation à faire une proposition. Sans autre impératif, on sait que toutes les collectivités ne joueront malheureusement pas le jeu…

Et les familles, dans tout ça ?

Elles sont les grandes absentes de la loi ! Alors que le texte prévoit, en matière de gouvernance, l’intégration d’un collège d’enfants, actuels ou anciens de la protection de l’enfance, rien n’est dit sur ce qu’on peut faire de mieux avec les parents. Ce refus de les associer à la réflexion participe d’un débat idéologique typiquement français, qui disqualifie d’emblée les parents concernés en tant que parents défaillants sur lesquels on ne pourrait définitivement pas compter. Pourtant, les mesures de protection de l’enfance prises au titre de l’assistance éducative ont vocation aussi à aider le maximum d’entre eux à retrouver leurs capacités parentales, quand bien même cette restauration n’est pas toujours possible. Apprentis d’Auteuil se bat pour que leur expression soit enfin reconnue, afin que nous sachions comment mieux les accompagner.