Placement familial, 3 enfants avec leur mère
Protection de l'enfance

Le placement à domicile pour maintenir le lien familial

Apprentis d’Auteuil expérimente le placement avec hébergement à domicile (PAHD) des jeunes dans le but de maintenir au maximum le lien familial et de préserver les fratries. Reportage à Montauban où 26 jeunes sont suivis à domicile par quatre éducateurs.

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Apprentis d'Auteuil expérimente le placement des jeunes à domicile pour maintenir le lien familial.

« J’avais une phobie scolaire. Je pleurais et je vomissais avant d’aller à l’école. J’insultais mes profs. Je ne faisais pas mes devoirs. J’ai fini par me faire renvoyer de mon collège pour des actes de violence. J’étais en dépression », se souvient Kaïla, 16 ans. L’adolescente fait partie des 26 jeunes qui bénéficient d’un placement avec hébergement à domicile (PAHD). Proposé par la Maison d’enfants Saint-Roch (82), ce dispositif, financé par le Département, offre la possibilité aux jeunes suivis par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de continuer de résider au domicile familial tout en étant suivi par un éducateur deux à trois fois par semaine.

Placement familial - visite de l'éducateur
Karim Benali, éducateur spécialisé (en rouge) accompagne Sabrina, la maman (à droite) et ses enfants dans le cadre du placement avec hébergement à domicile (PAHD). Photo (c) Yann Castanier/Apprentis d'Auteuil

Préserver le lien familial

« Le placement à domicile permet de préserver le lien familial et les fratries, explique Karim Benali, éducateur de la Maison d'enfants. Mon objectif est de permettre aux jeunes de demeurer au sein de leur famille. Je les accompagne notamment sur leur scolarité, leur insertion, leur santé, les relations avec leurs parents. » En cas d’urgence, le jeune dispose d’un lit en Mecs, le temps pour les éducateurs d’aider à apaiser les tensions ou de résoudre une difficulté au sein du foyer. En binôme avec Vincent Mazel, l’éducateur a également suivi Rachel, 17 ans et Noam, 10 ans, la sœur et le frère de Kaïla. « Petit à petit, explique Kaïla, Karim, qui m’accompagnait au collège et aux audiences avec la juge, m’a redonné confiance en moi. » Aujourd’hui, l’adolescente a le projet de s’engager dans l’armée et remercie pour son aide celui qu’elle appelle affectueusement « tonton Karim ».

Apaiser les conflits parents-enfants

Placement familial - Noam
Noam, accompagné dans le cadre du placement avec hébergement à domicile (PAHD). Photo : (c) Yann Castanier/Apprentis d'Auteuil

Fragilisée depuis quelques années par le divorce de ses parents et par le départ de son père du domicile, Rachel a vécu une situation proche de celle de sa sœur. « À la fin de la troisième, ça a été très compliqué pour moi. J’étais perdue. Je faisais beaucoup de bêtises. Je n’allais plus à l’école. Je sortais la nuit. Je buvais, je fumais. Je manquais de respect à ma mère. J’avais conscience que j’étais la seule à pouvoir changer cette situation. Le confinement est arrivé. Ça m’a aidée à comprendre que je ne pouvais pas avancer si je ressassais le passé et si je pensais à mon père. Il fallait que je pense à moi et à mon avenir. Et puis Vincent, mon éducateur, est arrivé et m’a aidée », analyse-t-elle avec maturité.

Aujourd’hui, la jeune femme, qui souhaite aider les jeunes qui, comme elle, ont rencontré des difficultés, s’est inscrite en CAP petite enfance avec l’objectif de devenir monitrice éducatrice. Ses relations avec sa mère, qui exerce son autorité parentale couplée au soutien des éducateurs, se sont apaisées. « Mes enfants sont la prunelle de mes yeux, commente Sabrina, la mère des enfants. Je n’aurais pas supporté qu’ils soient placés en famille d’accueil. Vincent et Karim les ont bien compris. Ils ont su nous aider et répondre à nos attentes. » Vincent Mazel suit également Noam, le petit de la fratrie. L’éducateur l’emmène en sortie ou pour faire du sport et l’incite à s’inscrire dans un club de rugby. « Noam, explique-t-il, est souvent absent de l’école car il panique à l’idée d’y aller. Il stresse et manque de confiance en lui. Pratiquer ce sport pourrait l’aider à en regagner. »

Les progrès de Matéo

Matéo et son éducatrice Shirley
Shirley Tranchet (à gauche), éducatrice spécialisée, accompagne Matéo dans le cadre du placement avec hébergement à domicile (PAHD).
Photo : (c) Yann Castanier/Apprentis d'Auteuil

De son côté, Shirley Tranchet, éducatrice spécialisée, s’occupe de Matéo, 14 ans, en binôme avec Vincent. Après le divorce de ses parents il y a dix ans, le garçon, qui souffre de troubles psychologiques et poursuit sa scolarité au sein d’un Institut médico-éducatif (IME), a été placé en famille d’accueil. Puis, sur décision du tribunal, il est retourné vivre au domicile familial avec Géraldine, sa mère et le compagnon de celle-ci. Shirley Tranchet va souvent chercher Matéo à la sortie des cours, lui rend visite au domicile familial et l’encourage dans sa passion pour la musique en l’invitant à s’investir comme bénévole dans un festival de la région.

Géraldine, sa mère, se souvient de l’enfance difficile de Matéo : « Il faisait des crises. Nous ne comprenions pas d’où venait le problème. » Depuis son retour à la maison Matéo va mieux. « Dès qu’une difficulté se présente, Shirley et Vincent sont là. Ils s’occupent très bien de mon fils. » Les progrès sont visibles : « Au départ, on sentait une réticence et une appréhension de Matéo pour nous rencontrer. Mais, au fur et à mesure de nos visites, il est parvenu à nous parler. Il fait moins de crise et arrive à verbaliser ses émotions », analyse Shirley qui estime que confiance et dialogue sont désormais restaurés au sein de la famille et avec les éducateurs.

Texte : Laure Naimski. Photo : (c) Yann Castanier / Apprentis d'Auteuil