Protection de l'enfance

Après un placement, quel avenir pour les jeunes majeurs ?

L'institut national d'études démographiques (INED) et le CNRS (Laboratoire Printemps) ont enquêté sur l'autonomie des jeunes sortants de l'Aide sociale à l'enfance. Isabelle Frechon, chercheuse, explique les enjeux et les conclusions de l'étude.

D’où viennent les contrats jeunes majeurs ?

Il y a 40 ans, la loi a abaissé la majorité de 21 à 18 ans. Pour que les jeunes pris en charge par la Protection de l’enfance puissent continuer à être protégés jusqu’à leurs 21 ans, le gouvernement a mis en place deux décrets, l’un, judiciaire, qui faisait intervenir le juge des enfants ; l’autre, administratif, sous forme d’un contrat entre le jeune et l’Aide sociale à l’enfance. Dès le départ, l’aide a été assujettie à l’accord du jeune.

Comment cette aide a-t-elle évolué ?

À partir des années 1980 et des lois de décentralisation, la mission de protection de l’enfance a été confiée aux départements. L’aide pour les jeunes majeurs a pris la forme d’un contrat social passé entre le jeune et le département, contrat qui a progressivement évolué. D’une demande d’aide assez ouverte dans laquelle le jeune définissait son projet, aidé par ses éducateurs, il est devenu une lettre d’engagement.
Et soudainement, en 2005 le premier volet (judiciaire) a disparu au bénéfice du second (administratif), car les jeunes étant désormais majeurs à 18 ans, la protection ne pouvait plus être contrainte par le juge des enfants.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Face à des contraintes budgétaires fortes, les départements doivent faire des économies. En protection de l’enfance, le contrat jeune majeur fait office de variable d’ajustement. La plupart des contrats sont signés pour une durée de 3 ou de 6 mois, selon les départements. Seulement 1 % d’entre eux sont des contrats d’un an ou plus.

Quelle est la conséquence ?

Cette durée très courte met les jeunes dans une incertitude très anxiogène. Elle ne permet pas de se projeter dans l’avenir ni de développer un réseau, conditions sine qua non pour une insertion réussie. Le contrat jeune majeur est devenu une aide filtrante, qui aide les moins précaires des précaires, ceux qui veulent ou peuvent continuer leur scolarité. Les jeunes sans projet scolaire ou de formation n’entrent pas dans ce dispositif.
Il faut pourtant s’imaginer ces jeunes aux parcours parfois longs et chaotiques en protection de l’enfance, dont le placement, fait de ruptures entre foyers et familles d’accueil, a été subi. Certains vont préférer retourner chez leurs parents, même si ce ne dure que quelques mois. Or, la difficulté, une fois sorti de ces dispositifs, c’est d’y entrer à nouveau, même si ils sont encore dans les âges éligibles. Les parcours des jeunes ne sont pas linéaires. Cette mesure n’en tient pas suffisamment compte. Elle est aussi étriquée en termes de volume et de limitation d’âge.

Quels sont les bénéfices du contrat jeune majeur ?

C’est d’avoir un toit, tout d’abord, puis la possibilité de rattraper leur retard scolaire. 60 % des jeunes sortants de la protection de l’enfance ont redoublé au moins une fois, cela retarde l’obtention d’un diplôme. On réduit donc drastiquement les inégalités scolaires pendant ce temps-là, pour les jeunes s’inscrivant dans un projet. Le CJM permet au mieux la poursuite d’études courtes et professionnalisantes.