À Nantes, une crèche au cœur de la mixité
À la croisée de quartiers populaires et plus aisés de Nantes, la crèche Des premiers pas, portée par Auteuil petite enfance, accueille 45 enfants de 3 mois à 3 ans et leurs familles. Véritable lieu de vie, elle mise sur la mixité sociale et culturelle, une pédagogie bienveillante et un accompagnement à l’insertion des parents. Plongée dans une matinée ordinaire de la crèche où l’égalité des chances commence dès la petite enfance.
8 h, les premiers parents arrivent, poussant leur enfant dans la poussette. Dans le hall, le bruit des roues se mêle aux premiers échanges avec l’équipe. La crèche Des premiers pas est située dans un grand bâtiment gris à la croisée de quartiers populaires et plus huppés de la ville de Nantes. Après un petit mot d’accueil de la directrice dont le bureau est situé dans le hall, et sans oublier d’enfiler les sur-chaussures en tissu, les parents se dirigent vers les trois lieux d’accueil organisés en fonction de l’âge des enfants : les bébés dans une première pièce, puis les plus grands, âgés de 1 à 3 ans, dans les deux autres grandes pièces situées au bout de ce grand couloir en pente douce.
Mixité de population
La maman de Jules, 2 ans, vient de confier son enfant à Anne-Lyse, la professionnelle qui s’occupe de l’accueil des parents aujourd’hui. « Nous apprécions la mixité sociale et culturelle qui y règne. C’est chouette que les enfants puissent vivre cette diversité dès le plus jeune âge », confie-t-elle. La maman explique qu’elle connait bien la crèche, où leur aîné, aujourd’hui âgé de 8 ans et demi, a déjà été accueilli, et souligne la confiance totale qu’elle accorde aux équipes, qui respectent le rythme de chaque enfant et les préparent bien à l’entrée en petite section.
« Les parents de la crèche sont de tous horizons : certaines familles sont plutôt privilégiées, alors que d'autres sont des familles précaires sans papier, précise Rodina Noël-Sar, la directrice. Si une majorité de familles sont en difficulté, nous veillons à une certaine mixité de population car l’égalité des chances commence dès le plus jeune âge. Plus on accompagne les enfants et leurs familles précocement, plus on prévient les difficultés auxquels ils et elles pourront être confrontés plus tard. »
Lecture et draisienne
Anne-Lyse est assise dans un fauteuil à l’entrée du groupe des grands en position de « phare » : « Je m’occupe de l’accueil des parents qui arrivent et je représente un point de repère fixe pour les enfants par rapport aux autres professionnels qui sont mobiles dans la pièce. Cela me permet aussi d’observer ce qui se passe d’un point de vue un peu extérieur et de prévenir mes collègues si un enfant s’est fait mal ou si deux enfants se disputent par exemple. »
Pendant ce temps, Emmanuel, l’un des rares hommes de l’équipe, lit à voix basse une histoire de souris et de loup à un petit groupe d’enfants serrés autour de lui, qui n’en perdent pas une miette. De leur côté, les autres enfants jouent aux petites voitures, à la dînette ou à des jeux de construction. Anne-Lyse intervient pour éviter que le différend entre Mohamadou et Heaven pour une petite voiture ne tourne au drame.
Après le temps d’accueil, des ateliers (peinture, puzzle, motricité fine) sont proposés aux enfants qui y participent selon leur envie. Ce matin, il fait beau et les enfants ont plutôt envie d’aller dans le jardin au gazon synthétique pour enfourcher une draisienne ou pour monter sur les structures de jeu.
Rituels du matin
10h Dans la salle d’à côté, l’accueil des enfants se termine, les infos transmises par les parents sur la nuit ou le matin sont précieusement notées sur le cahier des transmissions pour avoir une idée de l’humeur de chacun ou ne pas passer à côté d’une information importante concernant chaque enfant. Salomé, l’auxiliaire de puériculture, rassemble les enfants sur le tapis pour le rituel du matin : les enfants chantent une chanson pour se dire bonjour et chacun dit son prénom. Mais ce matin, la sortie dans le jardin fait l’unanimité dans le groupe qui rejoint les plus grands déjà affairés sur les petits vélos ou sur la structure multicolore.
Maternage chez les bébés
Chez les bébés, l’ambiance est plus calme. Youssef, trois mois, est allongé sur le tapis. Charles fait du quatre pattes. Et Fatoumata est tranquillement allongée dans une petite coquille en plastique orange prête à s’endormir. Les autres enfants sont déjà partis à la sieste dans les petits dortoirs attenants. « Avec les tout-petits, notre rôle est de s’adapter à leur rythme et de répondre à leurs besoins, explique Bérangère, éducatrice de jeune enfant. Compte tenu de leur âge, nous faisons beaucoup de maternage. Nous les aidons simplement à grandir à leur rythme. »
Accompagnement des parents
Ici, la mixité concerne aussi les parcours des parents : pendant ce temps, plusieurs mamans ont été réunies par Gladys, chargée d’insertion professionnelle, dans une petite salle située à quelques pas de la crèche. La structure bénéficie du label AVIP (accompagnement à vocation d’insertion professionnelle) décerné par la CAF. Trois jours par semaine, une petite dizaine de parents bénéficient ainsi d’un accompagnement individuel et collectif pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle.
Déjouer les pièges
Aujourd’hui, les mamans présentes font des simulations d’entretien d’embauche en jouant à tour de rôle le recruteur ou le candidat. L’occasion pour la chargée d’insertion de préparer ces mamans en quête d’emploi à cet exercice formel, de déjouer quelques pièges et d’expliquer certains termes un peu abscons (période d’essai, CDI...) pour ces mères de famille d’origines étrangères. « Ce type d’atelier nous aide beaucoup, explique l’une des mamans dont l’enfant est accueilli à la crèche. C’est très important pour que l’on soit plus à l’aise le jour où nous allons nous présenter à un entretien. » L'atelier se termine. Il est déjà temps pour certaines mamans d'aller retrouver leur enfant à la crèche.
La crèche Des premiers pas de Nantes vue par sa directrice
« La crèche Des premiers pas a été ouverte en août 2016, explique Rodina Noël-Sar, la directrice de la crèche. Elle compte 18 professionnels : éducatrice de jeunes enfants, auxiliaire de puériculture, accompagnant éducatif petite enfance et une infirmière. Nous accueillons 45 enfants âgés de 3 mois à 3 ans. C’est une crèche multi-accueil car il y a différents types d’accueil possibles : réguliers, occasionnels ou d’urgence. L’accueil avec un grand A est très important pour nous.
Pédagogie
En termes de pédagogie auprès des enfants, nous veillons à respecter l’intimité, la personnalité et la sensibilité de chaque enfant. Même si ce sont des enfants qui ne parlent pas encore. Nous sommes particulièrement vigilants vis-à-vis des violences éducatives ordinaires comme moucher un enfant sans son accord ou prononcer des paroles stigmatisantes. Nous sommes dans la bienveillance, ce qui n’empêche pas de fixer un cadre.
Précarité
Une majorité de familles de la crèche sont confrontées à de la précarité en matière de ressources ou de logement. Certains vivent dans de tout petits appartements ou à l’hôtel. Ces parents font passer leurs enfants avant eux. D'autres sautent des repas, ne prennent pas soin de leur propre santé, n’ont pas accès à une machine à laver ou à une douche. Malgré ces difficultés, la priorité reste leurs enfants. Nous veillons à prendre les familles dans leur globalité, avec leurs fragilités éventuelles. Certaines familles ont vécu des traumatismes (femmes victimes de violences, parcours de migration, racisme) que nous devons prendre en compte dans l’accueil de leur enfant. Si le parent est bien, l’enfant sera bien. »
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