Témoignages

Jean-Jacques Montois : un destin hors du commun

Enfant timide et rétif aux apprentissages lorsqu’il arrive à l’orphelinat Saint-Charles en 1960, Jean-Jacques Montois est devenu, cinquante deux ans plus tard, recteur d’université au terme d’une carrière exceptionnelle. Récit d’un parcours hors norme.

Jean-Jacques Montois à l'âge de 7 ans. Photo : DR

« Je me souviens parfaitement de cette journée. Je devais avoir 7 ans. Avec ma mère, nous sommes arrivés dans cette grande bâtisse du Vésinet (78), où nous avons été reçus par la mère supérieure. J’attendais dans le couloir et j’entendais ma mère essayer de convaincre la religieuse de me prendre, même si je n’étais pas orphelin. Les filles-mères n’étaient pas très bien vues à l’époque... » À 67 ans, Jean-Jacques Montois n’a rien oublié des trois années passées à l’orphelinat Saint-Charles, au Vésinet.
Nous sommes en 1960. Né hors mariage et issu d’une famille modeste, le petit Jean-Jacques a passé ses premières années chez des nourrices. « J’étais dans une sorte d’apathie intellectuelle, se souvient-il. Lorsqu’on est placé chez des nourrices, à droite, à gauche, on ne reçoit pas beaucoup d’affection... » En quête d’une situation stable pour son enfant, sa mère sollicite l’orphelinat du Vésinet qui accepte finalement de le prendre. Il est accueilli à l’internat et intègre le CE2 de Mme Relin, où il se révèle. « C’était une enseignante très maternelle, très empathique avec ses jeunes élèves. Moi qui étais renfermé, le cancre permanent, elle m’a accordé beaucoup d’attention. Elle a découvert que je lisais très bien pour mon âge. Elle me valorisait en me faisant lire devant toute la classe. Cela m’a encouragé à donner le meilleur de moi-même, et de cancre, je suis devenu l’un des meilleurs de la classe. Ma mère n’en revenait pas ! » 

Deux années inoubliables

Le jeune Jean-Jacques collectionne les prix de lecture et passe « deux années inoubliables » auprès de cette enseignante qui comble son manque d’affection et le stimule intellectuellement. « Cette femme a eu un rôle très important dans ma vie, car elle m’a permis de me révéler et de devenir qui je suis aujourd’hui. »  À l’internat, c’est encore l’époque des grands dortoirs et de la douche hebdomadaire. Ces conditions de vie un peu spartiates ne gênent pas le petit Jean-Jacques qui vit dans « un monde imaginaire, un peu à part des autres ». Les soirées diapos et les sorties dans les grands parcs du Vésinet rythment les soirées et les weekends. En CM2, Jean-Jacques change d’enseignante. Ses résultats scolaires dégringolent. « Je devais ensuite aller à Saint-Philippe, à Meudon, pour faire une formation de plombier ou d’horticulteur. Mais vu mes résultats scolaires, je n’ai pas été pris. »  Il intègre alors une classe de transition (l’équivalent des SEGPA d’aujourd’hui) d’un collège de la région parisienne, puis rejoint un lycée d’enseignement général. Il poursuit ensuite tant bien que mal sa scolarité jusqu’au bac en comblant ses lacunes par lui-même. Son bac C en poche, il intègre un BTS en électronique et suit les cours du soir du Conservatoire national des arts et métiers, afin de préparer le concours d’entrée en école d’ingénieur. En 1978, lors d’un stage chez EDF, il découvre les microprocesseurs. Cette technologie, balbutiante à l’époque, le passionne. Il travaille d’arrache-pied pour en devenir expert. Sa connaissance pointue lui ouvre les portes de l’enseignement à l’IUT de Créteil comme enseignant-chercheur. Entretemps, il s’est marié et a eu deux enfants, David et Céline. À force de travail, il obtient sa thèse sur l’intelligence artificielle en 1990 avec les félicitations du jury. Grâce à cela, il décroche en 1992 un poste de maître de conférences à Paris XII. En 1997, il rejoint l’université de Rennes 1 et monte une équipe de recherche sur l’imagerie médicale. 

De Saint-Malo à Erevan

En 2001, nouveau changement, Jean-Jacques Montois crée l’IUT de Saint-Malo et en devient le premier directeur, à la tête de 60 personnes et 700 étudiants. « Pendant dix ans, j’ai travaillé 7 jours/7, 24h/24 », dit-il sobrement. Il candidate au poste de recteur de l’Université française et est nommé en 1992 à Erevan en Arménie, « l’une des plus prestigieuses universités françaises à l’étranger », où il accueille des étudiants d’Arménie, d’Iran et d’Ukraine. En 2020, il prend sa retraite au terme d’une carrière exceptionnelle. « Je suis la preuve vivante qu’il ne faut pas avoir de jugement trop hâtif sur les gens. La vie dépend beaucoup des circonstances et des personnes que l’on rencontre. Tout au long de ma carrière, j’ai toujours veillé à ne pas fermer de portes à mes élèves. En tant qu’éducateurs, nous sommes d’abord là pour les aider. »