Vie de la fondation

Jean-Marc Sauvé, réélu président du conseil d'administration d'Apprentis d'Auteuil : "La fondation m'a appris à être ébloui"

Mardi 24 mai, Jean-Marc Sauvé a été réélu à l’unanimité président du conseil d’administration (CA) d’Apprentis d’Auteuil. L’ancien vice-président du Conseil d’État s’exprime sur ses missions au sein du CA et sur ses découvertes.

Quel regard portez-vous sur ces quatre années ?

La période a été marquée par une croissance importante de l’activité de la fondation, notamment dans le domaine de l'insertion et dans le champ de la protection de l’enfance, croissance qui n’était pas totalement anticipée, car il a fallu répondre à une demande sociale très forte. J’ai aussi été le témoin de la volonté de la fondation de repenser ses fondamentaux, notamment éducatifs et stratégiques, de les mettre noir sur blanc. Il est important que les familles, les salariés et les jeunes, mais aussi, bien sûr, les donateurs, les bienfaiteurs et les mécènes, sachent qui nous sommes, ce que sont nos références, et où nous voulons aller.
Cela montre une forte disponibilité, une très grande capacité d’adaptation et de mobilisation, tout en évitant la fuite en avant dans le purement quantitatif. Avec, toujours, une très grande attention à nos fondamentaux et à nos engagements vis-à-vis de notre mission. Nous n'inventons pas celle-ci. Elle nous a été donnée.

La fondation a-t-elle gagné en image, en reconnaissance de son travail, de son expertise ?

La grande force de la fondation, ce sont ses 155 ans d’existence et l'expérience accumulée. Quand on est adossé à cette histoire et à la figure de nos fondateurs, on suscite de l’intérêt et de la considération. Mais ce qui compte le plus, c’est ce que nous faisons ici et maintenant, en sachant bien que notre action vient de loin. Cette action est reconnue et respectée. La fondation parvient à conjuguer des axes parfois antinomiques. Elle fait à la fois du neuf et beaucoup d’expérimental, tout en menant des actions solides,  cadrées et évaluées. Nous sommes à la fois très classiques, parce qu'inscrits dans le paysage depuis très longtemps, et très créatifs, innovants, voire même disruptifs.
Lors d’une prochaine prise de parole dans une abbaye, je dois m'exprimer sur le thème : « Vous reconnaîtrez votre vocation à la joie qu’elle vous procurera ». C’est cela le charisme d’Apprentis d’Auteuil. La fondation ne fait pas seulement du neuf et du raisonnable, elle ne s'inscrit pas seulement de manière très crédible auprès des jeunes qui sont les plus en difficulté, elle s’inscrit dans une perspective évangélique explicite qui est source de joie.  Nous participons à la révélation ou à l'explicitation du sens de la destinée humaine.

Vous parliez de la joie. Ce que vous faites ici vous procure-t-il de la joie ?

Clairement, il n’y a pas là-dessus le moindre doute. C’est de la joie quand j’évoque l’émerveillement qui est le mien en voyant ce que fait la fondation, tout en étant lucide sur les tensions  et les difficultés quand elles se produisent. Apprentis d’Auteuil m’a appris à être ébloui. Il y a à l’évidence une joie profonde à contempler les résultats du travail de la fondation, à voir dans toutes sortes de circonstances organisées ou fortuites des jeunes et des familles reprendre confiance en eux, se remettre debout, rendre compte du chemin parcouru et de leurs espoirs. Je mesure toute l’implication de nos salariés et de nos bénévoles pour en arriver là. Je veux dire aussi ma gratitude à nos donateurs et bienfaiteurs. Je mesure enfin la chance d’avoir été appelé à prendre part à ce magnifique projet.

Quelles sont vos réussites ?

Mes réussites, ce sont les découvertes et les rencontres que je fais dans la fondation. C’est aussi la participation à des événements d'Apprentis d’Auteuil. Mes deux éditions du pèlerinage de Lourdes ont été lumineuses par la joie partagée, mais aussi par l'approfondissement du chemin spirituel de chacun. Le dernier partage dans notre hall d'hôtel était impressionnant !
La rencontre des parents – qui sont surtout des femmes dans les Maisons des familles - m’a marqué. Au Havre, lors de l'inauguration en 2018, le discours qui a sonné le plus juste et qui a été le plus émouvant, c’était celui d’une mère de famille, magnifique de simplicité, d’authenticité, et d’expression très concrète de ce qu’est le pouvoir d’agir. J’en suis revenu absolument ébloui. Quand je reviens d’une réunion, d’une convention, d’une rencontre dans un établissement d’Apprentis d’Auteuil, je suis toujours impressionné et émerveillé par ce que je vois, car les actions que je découvre sont encore plus exemplaires à mes yeux que ce que j’ai pu en lire dans les rapports du conseil d’administration.
Nos réussites, c'est aussi, bien sûr, le constat des réussites de chacun de nos jeunes. C’est la capacité de la fondation à remettre en route des jeunes, à les aider à reprendre confiance, à maîtriser leur destin, à se construire un avenir. C'est aussi la capacité de la fondation à répondre rapidement et avec résilience aux nouvelles orientations qu'implique sa mission.
Une chose m’est apparue absolument essentielle ces dernières années, c’est la dimension stratégique du sourcing. Il faut savoir aller chercher et remobiliser les jeunes qui passent sous les radars, que personne ne voit et qui sont sans scolarité, sans emploi, sans stage, sans formation. C’est certainement un des grands enjeux pour les années qui viennent, à fois pour notre société et pour notre fondation.

Qu’aimeriez-vous mettre en place dans les quatre ans à venir ?

Jean-Marc Sauvé a participé à l'élaboration des textes fondamentaux d'Apprentis d'Auteuil durant son premier mandat. Ici, le projet éducatif. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil
Jean-Marc Sauvé a participé à l'élaboration des textes fondamentaux d'Apprentis d'Auteuil durant son premier mandat. Ici, le projet éducatif. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

L’objectif est de relever les défis du projet stratégique 2022-2026, "Bâtir ensemble". Tout y est dit sur notre mission, nos priorités, notre engagement... Parmi tous les défis auxquels nous sommes confrontés, j'en retiens deux. Tout d’abord, l’accroissement des besoins éducatifs et sociaux. Notre société est fracturée. Il y a ceux qui vont bien, qui iront de mieux en mieux, et ceux qui décrochent ou sont déjà dans une situation de complète rupture, voire de ségrégation. Il faut que l’on soit en capacité de mieux répondre quantitativement et qualitativement à ces besoins éducatifs et sociaux.
Le deuxième défi, c’est celui de la fraternité, dans le contexte de cette fracturation de la société, qui crée des poches de décrochage et des risques de communautarismes, voire de radicalisation. Et en parlant de fraternité, nous ne mettons pas immédiatement en avant les dimensions confessionnelle et catholique de l’œuvre, mais nous le sous-entendons clairement.

Comment relever ce défi de la fraternité ?

Je pense que la fondation fait déjà beaucoup en ce sens, mais il faut aller plus loin encore et que cela "percole" à l’extérieur, dans la société. Par ce qu'elle fait, la fondation doit être le fer de lance d’une société plus fraternelle. Il nous reste par conséquent des choses à faire sur ce plan.
Il y a aussi une dimension essentielle, le développement du pouvoir d’agir, aussi bien pour les familles que pour les jeunes, y compris dans leur participation aux projets de leur établissement, à leur construction, et plus largement, à la gouvernance de l'institution. Nulle action ne peut réussir sans une implication de tous ceux à qui elle s’adresse. Ce qui représente un défi pour tout le monde, nos structures, mais aussi pour les personnes et l’encadrement, car nous n'avons pas été formés à ce type de démarche.

Quel est votre vœu concernant la place de la fondation dans la société d’ici 2026 ?

L’action de la fondation est de plus en plus reconnue par tous ceux qui en sont les témoins ou les bénéficiaires, et d'abord les jeunes. Il nous faut poursuivre dans cette voie, nous devons être plus encore un acteur reconnu des politiques au service de l’enfance et de la jeunesse, en mettant l'accent sur l'insertion des jeunes les plus en difficulté, sur l'accompagnement à la parentalité et sur la petite enfance. Il nous faut aussi être attentifs vis à vis des jeunes en situation complexe qui cumulent le plus de difficulté et dont la prise en charge doit être renforcée. En même temps, il nous faut bien sûr assumer notre identité et le projet éducatif qui en résulte. C’est vraiment l’essentiel.

LE PARCOURS PROFESSIONNEL DE JEAN-MARC SAUVÉ

1977-1981 : Conseil d’Etat (auditeur, rapporteur, commissaire du gouvernement à la Commission centrale d’aide sociale…)
1981-1988 : ministère de la Justice (conseiller technique au cabinet du Garde des Sceaux Robert Badinter, puis directeur de l’administration générale et de l’équipement)
1988-1994 : ministère de l’Intérieur (directeur des libertés publiques et des affaires juridiques)
1994-1995 : préfet de l’Aisne
1995-2006 : secrétaire général du gouvernement auprès de quatre Premiers Ministres : Alain Juppé, Lionel Jospin, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin
2006-2018 (28 mai) : vice-président du Conseil d’État

Jean-Marc Sauvé a aussi été président du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, président du conseil d’administration de l’École nationale d’administration (ENA) et président de l’Institut français des sciences administratives (IFSA). Il a présidé de 2010 à 2018 le comité chargé de donner un avis sur l’aptitude des candidats aux fonctions de juge et d’avocat général à la Cour de justice et au Tribunal de l’Union européenne.


Il préside la fondation Cité internationale universitaire de Paris ainsi que les comités d’éthique du comité d’organisation et de la Société de livraison des ouvrages olympiques en vue des Jeux Olympiques de Paris en 2024.


Président de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église), il a travaillé pendant trois ans au rapport remis à l’Église catholique en octobre 2021.
Depuis cette date, il préside le comité des états généraux de la justice.