Société

Charles Pépin, philosophe : "Vivons l’échec comme un apprentissage !"

Pour le philosophe Charles Pépin, nous pouvons nous permettre d’échouer parce que nous ne sommes ni des animaux dominés par leur instinct, ni des machines programmées, mais des êtres humains libres. À découvrir dans Les Vertus de l’échec, son dernier ouvrage.

Quelle est votre définition de l’échec ?

Je définis l’échec par deux caractéristiques : le fait qu’une rencontre entre un projet et le réel échoue et le fait que nous le prenions mal.

Pourquoi confondons-nous échec d’un projet et échec de la personne ?

En France, deux tendances s’affrontent. La première, essentialiste, conduit à confondre l’échec d’un projet et l’échec d’une personne. À confondre "avoir raté" et "être raté". La seconde, existentialiste, conduit à concevoir l’échec comme l’occasion d’un rebond, d’un gain en compétences et en empathie. À redevenir le petit enfant qui tombe et se relève pour avancer. Dans les échecs comme dans les crises, il y a toujours une porte qui se ferme et une fenêtre qui s’ouvre, une sorte de vulnérabilité ou de disponibilité nouvelle qui permet de voir ce qui, peut-être, sauvera demain. Encore faut-il avoir le désir de chercher cette promesse, même lorsqu’elle n’est pas flagrante. 
 

Quelles sont les vertus de l’échec pour soi, par rapport aux autres et dans la société ?

La seule manière de savoir qui nous sommes est de prendre le risque de vivre, autrement dit, d’être capables d’audace et de connaître des échecs.   Par rapport aux autres, l’échec facilite l’empathie. Les personnes capables d’être à l’écoute des autres sont, de fait, celles qui ont enduré des échecs. Elles peuvent également vivre le succès sans manquer d’empathie, à condition de ne pas s’enfermer dans une forme d’absence de questionnements et d’autosuffisance, au risque d’être coupées des autres. L’échec peut devenir insupportable dans la société, en France notamment, quand le regard des autres enferme dans une "essence de raté". Quand il ajoute à la douleur humaine une stigmatisation humiliante et culpabilisante.

L’échec permet-il de mieux se connaître ?

Évidemment ! Bien souvent, le succès nous fait plaisir sans nous apprendre grand-chose sur nous-mêmes. Il ne nous invite pas vraiment à nous arrêter. Alors que l’échec nous donne une occasion privilégiée de nous interroger sur ce à quoi nous aspirons vraiment. L’échec est la manière humaine d’apprendre sur soi, sur le monde et sur le réel.

Les vertus de l’échec, Charles Pépin Éd. Allary, 224 p., 18,90 €