Formation et insertion

Sophie est mise à la porte le jour de ses 18 ans

Le jour de ses 18 ans, Sophie est chassée de chez elle. Effondrée, la jeune femme est accueillie dans une résidence sociale d'Apprentis d'Auteuil où elle reconstruit sa vie. Récit.

« Sophie (1) est arrivée chez nous le jour de ses 18 ans, en mars 2016. Elle venait d'être mise à la porte de chez elle par son père et sa belle-mère, se souvient le directeur du foyer de jeunes travailleurs (FJT) d'Apprentis d'Auteuil. Elle était effondrée ! » Les raisons de cette séparation brutale ? Une relation conflictuelle née des années auparavant entre la jeune fille et sa famille. La situation de Sophie n'est malheureusement pas exceptionnelle : « Dans notre territoire, nous recevons beaucoup de jeunes mis à la porte de chez eux à leur majorité, explique le directeur. En tant que résidence sociale, nous sommes le premier recours en matière de logement au long cours pour ces jeunes qui ne sont pas pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE). »

Violences verbales et psychologiques

Au cours de l'entretien d'admission, la jeune femme exprime des sentiments mêlés : « Elle était paniquée parce qu'elle ne savait pas où aller et inquiète pour ses études, car on était à trois mois du bac ! D'un autre côté, elle était délivrée de cette situation conflictuelle. » C'est à l'âge de 3 ans que Sophie voit son premier univers familial éclater après le divorce de ses parents. Sa mère ne donne plus signe de vie. Son père refait sa vie avec une autre femme. Au sein de cette nouvelle famille, le climat se dégrade. « Sophie est en conflit constant avec son père et sa belle-mère et est mise à l'écart de la vie familiale quotidienne. Elle doit aussi faire face à des violences verbales et psychologiques récurrentes », constate dans son rapport l'assistante sociale du secteur. La jeune fille fait plusieurs fugues. En 2015, elle se réfugie chez ses grands-parents qui alertent les services de l'ASE du département. Une thérapie familiale est mise en place. Une médiation est engagée avec son père qui exprime des regrets. Il propose à sa fille de revenir au domicile familial... tout en lui ordonnant de partir lors de ses 18 ans. Il passe à l'acte le jour venu, à la grande surprise de Sophie. Paniquée, celle-ci se tourne alors vers les services de l'ASE qui l'orientent vers la résidence sociale d'Apprentis d'Auteuil.
Illustrations Frédérique Bertrand
Illustrations Frédérique Bertrand

Aide d'urgence

Compte tenu de l'urgence, l'établissement propose d'accueillir Sophie sans attendre la commission d'admission mensuelle. La jeune femme s'y installe et bénéficie d'un peu de répit. Mais, la toute jeune majeure n'ayant aucune ressource, reste le problème du paiement du loyer dont tous les résidents doivent s'acquitter. Elle obtient une aide d'urgence du département puis, aidée par la conseillère en insertion professionnelle de la résidence, trouve rapidement un travail dans un magasin de bricolage. L'équipe d'Apprentis d'Auteuil l'accompagne dans la gestion de son budget, la poursuite de ses études et les questions de transport. Malgré ces événements traumatisants, Sophie décroche son bac avec mention. Puis obtient son permis de conduire grâce à l'aide financière d'un mécène de la fondation. Aujourd'hui, elle est en deuxième année de DUT, études qu'elle finance grâce à son travail. « Sophie prépare maintenant son départ de la résidence sociale et devrait emménager bientôt avec son petit copain. L'accompagnement a été possible parce qu'elle était très volontaire. Si le jeune n'est pas moteur, nous ne pouvons rien faire. Nous l'avons accompagnée, mais c'est elle qui a tout fait et qui a pris sa vie en main ! » (1) Le prénom a été changé. Par souci de confidentialité, les lieux et les personnes restent anonymes.