
Meilleurs apprentis de France : la recherche de l'excellence
Décrocher une médaille au concours « Un des Meilleurs Apprentis de France », c’est pour un jeune en formation, le Graal, la récompense qui couronne des années d’effort. Des établissements d’Apprentis d’Auteuil y préparent les jeunes volontaires, reconnaissant dans cette épreuve l’apprentissage de la patience, de la persévérance et la recherche du geste parfait, autant de qualités utiles au jeune professionnel, qui lui permettent de gagner en confiance et en compétences.
Lola a remporté la médaille d’or nationale « Un des Meilleurs Apprentis de France » en marchandisage visuel – l’art de mettre en valeur un produit, par exemple dans une vitrine - en 2024. Ancienne élève du lycée professionnel Saint-Jean à Sannois, en région parisienne, actuellement étudiante aux Gobelins, une école d’art parisienne qu’elle rêvait d’intégrer, elle se souvient du travail acharné qu’elle a dû fournir sur toute une année, les soirs, les week-ends et pendant les vacances, pour préparer son sujet selon un cahier des charges très précis. Elle se rappelle du stress, de ses doutes, mais aussi du plaisir à y travailler. « Une chose est sûre, sans l’accompagnement des profs, en particulier de Mme Coulon, ma prof de marchandisage visuel, je n’aurais pas réussi, s’exclame-t-elle. Ça m’a beaucoup aidée à gagner en confiance en moi. Maintenant je me dis que si je veux le faire, je peux le faire ! Ça m’a libérée de la peur de rater. »

Des atouts pour des jeunes motivés
Comme le lycée Saint-Jean, d’autres établissements à Apprentis d’Auteuil encouragent et épaulent les jeunes dans la préparation de ce concours d’excellence, émanation du très select concours « Meilleurs Ouvriers de France ». Et remportent régulièrement une moisson de médailles... Pour les jeunes qu’y s’y préparent, pour ceux qui remportent une médaille, l’expérience est fondatrice : ils gagnent en savoir-faire, en confiance en eux, ils poussent leurs limites et se découvrent eux-mêmes volontaires et déterminés. Autant d’atouts pour leur avenir et pour renforcer leur employabilité.

« Qu’ils soient médaillés ou non, le concours donne de l’estime de soi aux élèves, explique Ludovic Richard, Meilleur Ouvrier de France et enseignant en boulangerie au lycée Saint-Michel, à Priziac, dans le Morbihan. Il leur permet d’acquérir de nouvelles compétences. Le regard des autres élèves change aussi, car pour participer, il faut sortir de sa zone de confort et beaucoup travailler. Pour les médaillés, en particulier au niveau national, c’est un vrai passeport pour l’emploi. »
L’enseignant aide actuellement la jeune Marie Rozé, 17 ans, élève en terminale bac pro boulangerie-pâtisserie, à passer le concours, à sa demande. Dès qu’elle a un creux dans son emploi du temps, Marie file au laboratoire pour s’entraîner. La jeune femme détaille le contenu du concours : neuf heures d’épreuves sur deux jours pour faire des viennoiseries, des brioches et des pains, avec des pièces imposées et des créations originales. Plus une pièce artistique sur le thème des monuments cette année. « C’est comme une compétition sportive. Si je gagne, je pourrai le mettre sur mon CV et, dans quelques années, dans la vitrine de ma propre boulangerie-pâtisserie ! » rêve-t-elle.

Dans ce même lycée, les enseignants de la section productions graphiques peuvent s’enorgueillir des résultats de leurs élèves : « Nous sommes le premier établissement de France à avoir autant de médaillés d’or national dans cette catégorie, souligne Sébastien Legay, un des professeurs. Sur les sept élèves à avoir gagné entre 2016 et 2024, quatre venaient du lycée. Tenter le concours est un défi pour les jeunes. Cela leur permet de se surpasser. C’est aussi une reconnaissance de la qualité d’enseignement de notre établissement. »
Une aide à l'employabilité

Ce ne sont pas Dorine et Élisa qui le contrediront. Les deux jeunes femmes, médaillées d’or national en 2024, se souviennent de leur épreuve : en six heures, elles ont dû réaliser un dépliant en trois volets sur le festival du film de surf d’Anglet en intégrant de nombreux contenus, textes et images. L’apprentissage d’une bonne gestion de leur temps, grâce à leurs professeurs, a été un des points déterminants. « Nous sommes préparés tout au long des deux années de bac pro par nos enseignants, précise Élisa. Le jour où j’ai eu la médaille d’or, j’ai été très surprise et contente. Mes parents aussi, car je ne leur avais rien dit ! Je poursuis en ce moment mes études en BTS à Brest et en alternance dans une imprimerie de Quimper. Après mon diplôme, je devrais y rester parce que mon patron m’a proposé de m’embaucher. Peut-être que ma médaille a joué dans sa décision... »
« Lorsque j’ai su que j’avais gagné, ça a été une grande satisfaction de voir que tous mes efforts avaient payé, enchaîne Dorine. Le fait d’avoir cette médaille devrait vraiment m’aider dans ma recherche d’emploi. »
L'engagement des enseignants
Si la préparation implique beaucoup de motivation et de travail pour les jeunes, elle demande aussi un grand investissement des enseignants et des formateurs en termes de temps et d’engagement. Le jour du concours génère beaucoup de stress chez les adultes également, comme s’ils passaient eux aussi l’épreuve.
Au lycée Notre-Dame, situé au château des Vaux, près de Chartres, les médailles obtenues au concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » en service, cuisine, ou dans les métiers de l’horticulture ou de la fleuristerie ne se comptent plus. « Il y a beaucoup de choses à mettre en place, confirme Thierry Le Calvez, directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques des métiers de bouche. Apprendre aux jeunes à réviser, à savoir travailler seul, à répéter encore et encore pour avoir le bon geste et le bon temps d’exécution, encourager, donner confiance... Il faut des jeunes très motivés. » Les jeunes en alternance doivent en effet mener de front leur scolarité et leurs examens habituels, leur temps en entreprise, et la préparation du concours.

Un tournant pour les jeunes
Médaille décrochée ou pas, le concours et sa préparation marquent un tournant pour les jeunes. Car ils ont prouvé – ils se sont prouvés - qu’ils pouvaient s’investir, relever un défi. Beaucoup ont développé le goût du travail bien fait et ont acquis les gestes sûrs et la rapidité d’exécution. Au centre de formation Le Mas du Calme, à Grasse, le formateur encourage les jeunes et prépare chaque année trois ou quatre candidats. « C'est vraiment un plus sur leur CV, souligne Sabine Fialon, la directrice adjointe. C'est très valorisant pour le candidat, cela montre qu'il a des ressources. Le jour des épreuves, les employeurs sont là, ils repèrent les jeunes et peuvent leur proposer des contrats. »
Le lycée Nature et Service de Sannois (95) est lui aussi très investi dans le concours MAF, et ce, depuis plus de dix ans. En 2012, le premier concours y est organisé sur place pour les fleuristes. L’année suivante, c’est au tour des élèves en travaux et aménagements paysagers et en productions horticoles d’entrer dans la danse. « En tant que directeur, mon devoir est de faire en sorte que les jeunes retrouvent confiance et estime de soi, et la préparation au concours y contribue fortement, note Grégoire Albert, le directeur. Il est aussi de réussir leur insertion professionnelle. Quoi de mieux que de pouvoir indiquer sur son CV qu’on s’est préparé aux MAF et, éventuellement, qu’on a gagné une médaille ? »

En 2020, constatant le manque dans la catégorie « Accompagnement soins et service à la personne » correspondant au bac pro Services aux personnes et animation dans les territoires (SAPAT), le lycée propose au comité des MAF de le créer. Il imagine alors les quatre épreuves en production culinaire, confort auprès des personnes âgées, entretien du linge et petite enfance qui constituent le cœur de la formation. « Pour les sociétés qui gèrent des établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ce MAF est un atout qui renforce l’employabilité du jeune, souligne le directeur. Des collaborateurs de ces sociétés font partie du jury d’évaluation du concours MAF. Ils proposent des lettres de recommandation aux candidats médaillés d’or qui le demandent et les recrutent immédiatement. »
Ce que confirme Marie-Claude Lescaudron, responsable alternance chez Clariane (ex Korian), qui gère des EHPAD : « Le métier de soins à la personne est exigeant au niveau du savoir-être et du savoir-faire pour prendre soin de nos aînés. Un jeune qui a été Meilleur Apprenti de France, c’est pour nous un gage de qualité, de sérieux et d’engagement. C’est ce que nous recherchons dans nos recrutements actuellement. »

Vers la médaille et l’emploi
Ce vendredi après-midi, Romane et Lolane, deux élèves en classe de 1re bac pro SAPAT, retrouvent leur enseignante en économie sociale et familiale, Stéphanie Colombo, pour se préparer aux épreuves. Leur tenue réglementaire enfilée (charlotte, blouse et pantalon blancs, sabots imperméables), elles commencent à préparer un potage fermier en se servant des légumes à leur disposition et de la recette sur leur tablette numérique. La recette bien exécutée, avec les encouragements de Stéphanie Colombo, les deux jeunes filles révisent la préparation d’un biberon et le lever d’une personne âgée. L’enseignante se prête au jeu. Perruque sur la tête, elle joue les dames acariâtres pour corser l’exercice et mettre la candidate dans une configuration qu’elle pourrait retrouver en milieu professionnel.
Un rite de passage
Les deux jeunes se préparent assidûment, sachant qu’elles devront enchaîner les quatre épreuves en une journée lors du concours, et ce, devant un jury composé de professionnels travaillant souvent en EHPAD et connaissant très bien le métier. Romane, 16 ans, explique : « J’aimerais vraiment travailler auprès des personnes âgées plus tard. En 3e, j’avais fait un stage en EHPAD. J’ai tout de suite aimé aider les résidents. Je me suis sentie utile pour eux, ce que j’ai pu confirmer en 2nde avec un autre stage. J’ai senti que j’étais faite pour ce métier. Je me rends compte que je suis importante dans le quotidien des personnes âgées, que je représente plus qu’une présence. Par mon attention, mon écoute, ils comprennent vite qu’ils comptent aussi pour moi. J’ai le sentiment de ne pas travailler pour rien. »
Pour l’heure, Romane, déjà médaillée d’or régional, s’entraîne tous les vendredis après-midi dans l’espoir de décrocher l’or national et de mettre tous les atouts de côté pour son avenir professionnel. « Pour un élève, il y a un avant et un après, c’est incroyable, conclut Grégoire Albert. C’est comme un rite d’initiation, une espèce de passage à l’âge adulte. Le jeune qui a passé le concours, qui s’est donné à fond, qui n’a pas lâché, quel que soit le résultat obtenu, a prouvé quelque chose. »
ZOOM
Création du concours « Un des Meilleurs Apprentis de France » en 1985, organisé par la Société nationale des Meilleurs Ouvriers de France
Cible : jeunes de moins de 21 ans sous statut scolaire ou en contrat d’apprentissage en CAP, BEP, bac professionnel ou certificat de spécialisation, entre autres.
Trois niveaux de concours : départemental, régional et national
Les médailles
Les jeunes peuvent obtenir :
-au niveau départemental : une médaille de bronze, d’argent ou d’or. Les médaillés d’or départemental (note au-dessus de 16/20) peuvent concourir au niveau départemental).
-au niveau régional, une médaille d’argent ou d’or. Les médaillés d’or régional (note au-dessus de 17/20) peuvent concourir pour le niveau national.
-au niveau national, une médaille d’or (note au-dessus de 18/20) ainsi que le titre « Un des Meilleurs Apprentis de France ».
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