Vie de la fondation

Après les attentats, il est urgent d'agir pour l'éducation

Ce lundi, alors que la France est entrée dans son deuxième confinement, tous les établissements scolaires rendent hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie sauvagement assassiné le 16 octobre. En s’y associant, Apprentis d’Auteuil réaffirme l’urgence d’agir tous ensemble pour les jeunes et pour l’éducation. Urgence accrue par les récents événements et l'attentat odieux de Nice. Interview d’André Altmeyer, directeur général adjoint d’Apprentis d’Auteuil.

Qu’ont ressenti les professionnels d’Apprentis d’Auteuil suite à l’attentat qui a coûté la vie à Samuel Paty ?

André Altmeyer, directeur général adjoint d'Apprentis d'Auteuil

Émotion, sidération, tristesse… Toute la communauté éducative d’Apprentis d’Auteuil a été bouleversée par le crime effroyable qui a coûté la vie à ce professeur d’histoire-géographie de Conflans-Sainte-Honorine. Bouleversée et atteinte au plus profond de son cœur, cet attentat touchant aux fondements mêmes des métiers de professeur et d’éducateur : transmettre des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être, des repères éducatifs, à des jeunes issus de toutes cultures, de toutes origines et religions. Bouleversés et horrifiés à nouveau par l'odieux attentat perpétré dans la basilique Notre-Dame de Nice.
Nos pensées vont évidemment à la famille de Samuel Paty, à ses proches, à ses collègues et à ses élèves. Aux familles et proches des victimes de Nice. Nous pensons aussi à tous les professeurs et aux éducateurs, particulièrement à ceux qui accompagnent les jeunes qui nous sont confiés par les services de l’Aide sociale à l’enfance ou par leurs parents. Car la fondation a pour mission de les aider à devenir des hommes et des femmes libres et responsables, insérés dans la société. « Des hommes et des femmes debout. »

C’est-à-dire ?

La formule « Devenir des hommes et des femmes debout », référence aux mots du père Daniel Brottier, ancien directeur général d’Apprentis d’Auteuil de 1923 à 1936, n’est pas choisie au hasard. Elle est profondément ancrée dans le projet éducatif de la fondation. Pour tous les professionnels œuvrant auprès des jeunes dans nos établissements scolaires, de formation, dans nos maisons d’enfants, etc., cela signifie un travail au quotidien pour qu’ils apprennent à vivre en relation avec les autres et le monde, découvrent la valeur de leur vie, de la vie, connaissent leur histoire et leurs racines, leur héritage culturel et religieux.
C’est également, dans les salles de classe, les ateliers et les foyers, apprendre à écouter, à débattre, à se confronter à des opinions différentes. C’est aussi s’ouvrir aux autres, se respecter, apprendre à vivre les conflits ; c’est enfin se construire une pensée personnelle, prendre du recul, savoir l’exprimer, sans violence, et avec raison. Ces objectifs ambitieux sont travaillés tout au long de l’année de façon formelle (en classe ou dans les activités parascolaires) ou informelle, dans tous les échanges entre jeunes et adultes.

Comment accompagnez-vous les jeunes sur les questions culturelles, religieuses et les principes républicains ?

Minute de silence du 2 novembre au collège Saint-Philippe à Meudon. Photo : Besnard/Apprentis d'Auteuil

Qu’il soit croyant - catholique, protestant, orthodoxe, musulman, juif, sikh – pratiquant, non-pratiquant, non-croyant, nous accompagnons chaque jeune avec la volonté de prendre en compte toutes les dimensions qui font la richesse de son humanité et sa dignité même. C’est tout l’enjeu du travail éducatif au quotidien. Chez nous, il prend en compte les questions interculturelles et interreligieuses du fait même de la diversité des jeunes que nous accueillons. Il se concrétise par l’organisation de débats, des rencontres avec de grands témoins, des acteurs associatifs, des représentants de différentes religions, des visites d’édifices religieux et de symboles de nos institutions républicaines, mais aussi des conversations et des échanges au fil de la journée. Cela ne signifie pas que tout est facile, mais c’est bien là que les jeunes attendent les adultes.
Concernant l’éducation des jeunes générations aux valeurs de la République, nous engageons depuis de nombreuses années, en lien avec les programmes scolaires et des initiatives nationales (semaine de la presse à l’école, sensibilisation aux droits de l’enfant) de nombreuses actions autour de l’éducation à la citoyenneté. Profondément fondées sur les principes de liberté (et notamment la liberté de conscience et d’expression), elles passent par un travail qui suppose débat, respect de l’opinion d’autrui, argumentation. Nous éduquons également les jeunes au sens de l’intérêt général et du bien commun, pour qu'ils deviennent des personnes engagées, artisans d'une société plus juste et fraternelle. Nous pensons que la notion de citoyenneté est intimement liée au vivre-ensemble, au lien social, au partage de valeurs et d’un idéal communs.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Passé l’état de sidération et de stupeur, Apprentis d’Auteuil réaffirme qu’une des réponses majeures à une telle situation se résume en un mot : l’éducation. Pour la fondation, elle est l’affaire de tous : professionnels, familles, jeunes, entreprises, partenaires etc. C’est pourquoi nous réaffirmons notre volonté de construire une communauté qui pense et agit ensemble, jeunes, familles, professionnels, selon les termes mêmes de notre projet éducatif. C’est nécessaire, urgent même. Nous voulons promouvoir une ouverture, un dialogue, une vision fraternelle des religions. Cela fait aussi partie de notre mission d’éducation. 
Travail en classe autour de la minute de silence du 2 novembre. Photo : Besnard/Apprentis d'Auteuil