Vie de la fondation

1895 : un successeur pour l'abbé Roussel

Il y a 150 ans, l’abbé Roussel, ému du sort des garçons de plus de 12 ans à la rue, fonde l’œuvre de la Première Communion, prémices d’Apprentis d’Auteuil. Lorsqu'il s'éteint, en 1895, sa succession est difficile... Deuxième volet de l'histoire d'Apprentis d'Auteuil, de 1895 à 1936.

Les ateliers d'imprimerie en 1908 (c) Archives historiques/Apprentis d'Auteuil
Les ateliers d'imprimerie en 1908 (c) Archives historiques/Apprentis d'Auteuil

Le successeur de l'abbé Louis Roussel, l’abbé Daniel Fontaine, s’attache de 1895 à 1901, à faire perdurer les deux dimensions de l’Œuvre : celle de la Première Communion et l’école professionnelle. Celle-ci se targue, en 1896, d’accueillir 200 apprentis et de former à 11 métiers différents.
Il les développe, intensifie ses réseaux de soutiens, fait construire de nouveaux bâtiments pour les ateliers. Il innove : en 1897, il accueille des tout-petits dans une œuvre baptisée « Les Petits Jésus ». Lui aussi farouchement indépendant, il cède sa place en 1901 à l’abbé François-Edouard Blétit qui arrive dans le contexte tendu des lois sur les associations.
L’œuvre d’Auteuil devient œuvre diocésaine, dépendante de l’archevêché de Paris à la dissolution de la congrégation des frères de Saint-Vincent-de Paul. En 1905, elle traverse une période plus houleuse encore, celle des lois de séparation de l’Église et de l’État. Cependant, les œuvres de bienfaisance font l’objet d’une relative tolérance et le directeur peut poursuivre sa mission, moderniser les ateliers…
C’est un ancien correcteur de l’imprimerie, l’abbé René Muffat, qui prend la direction de l’œuvre en 1914. L’abbé Muffat doit affronter les restrictions en tous genres, la mobilisation de son personnel, la chute des ressources financières…

L’arrivée du père Daniel Brottier

Portrait du père Brottier
Portrait du père Brottier

Au sortir de la guerre, l’œuvre, exsangue, a dû refuser des dizaines d’adolescents. Autre conséquence, le nombre d’enfants sans père explose : ils sont près d’un million à l’aube des années 30. Le grand public découvre l’étendue de la misère à la périphérie des grandes villes et le risque des épidémies, parmi elles, la tuberculose. Aux enfants abandonnés ou vagabonds s’ajoutent les orphelins de guerre, qui sont, eux aussi, placés dans des institutions charitables comme l’œuvre d’Auteuil. Le père Daniel Brottier, missionnaire spiritain revenu quelques années plus tôt des tranchées où il était aumônier, est nommé directeur en 1923. Il trouve les caisses vides, un personnel démotivé.
Un de ses premiers gestes, qui laisse son entourage abasourdi, est de faire construire une chapelle à Thérèse de Lisieux à qui - il l’a appris - il a été confié par son évêque durant le conflit. La jeune carmélite, qui vient d’être béatifiée, rayonne de plus en plus auprès du grand public. Homme de foi autant que d’action, il veut la remercier et placer les jeunes sous sa protection.

La fondation se développe

Le foyer à la campagne (c) Archives historiques/Apprentis d'Auteuil
Le foyer à la campagne (c) Archives historiques/Apprentis d'Auteuil

Sous sa direction, la fondation Les Orphelins Apprentis d’Auteuil prend son envol. Les équipes se reconstituent. De nombreux bienfaiteurs et amis rejoignent l’œuvre. Daniel Brottier crée le foyer à la campagne, ouvre de nouveaux établissements, des annexes agricoles. Il la fait connaitre en organisant défilés, ventes de charité, publicités, en lançant une salle de cinéma, des souscriptions…  Il noue des liens constructifs avec l’État, obtient la reconnaissance d’utilité publique en 1929. C’est un tournant important, qui permet à la fondation de renforcer l’apprentissage manuel. 22 métiers sont enseignés, dont la mécanique. Un atelier de TSF ouvre même ses portes en 1931.
Enfin, il développe un réseau de bienfaiteurs, convaincus comme lui de l’utilité et de l’urgence de sa mission auprès des jeunes les plus démunis. « Que les enfants soient traités sans dureté, mais en toute justice, toujours… écrit-il. Préférez les récompenses aux punitions. » Son objectif, faire de ses protégés des hommes. « Un homme, c’est celui qui sait ce qu’il veut et qui, une fois pour toutes, s’est fixé un idéal et pour qui rien n’est trop ardu, pourvu que cela l’en rapproche. »
À sa mort, en 1936, les effectifs sont passés de 170 jeunes à 1400. Et surtout, il a fait rayonner l’œuvre dans la France entière. Il sera béatifié en 1984.