International
29 janvier 2019

Ados et devoir de mémoire, une éducation à la paix

Depuis trois ans, la Maison d’enfants Saint-Benoît de Seynod, en Haute-Savoie, propose aux jeunes visites de musées, rencontres et voyages sur le thème du devoir de mémoire. Une belle occasion de s’ouvrir à la vie !

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Lors de visites de musées, de rencontres et de voyages sur le thème du devoir de mémoire, les enfants de la Maison d’enfants Saint-Benoît de Seynod, en Haute-Savoie, s’ouvrent à la vie.

Ce mercredi après-midi de début janvier, un groupe de jeunes de la Maison d’enfants Saint-Benoît se retrouve autour de Marie Diop, éducatrice spécialisée, pour échanger. Un atelier régulier qui réunit depuis le début de l'année une petite dizaine d'adolescents autour du devoir de mémoire. Thème de la séance du jour ? Un temps de partage sur le choix de la destination du voyage de fin d'année de l'équipe. Parmi les lieux évoqués, la découverte du Mémorial de Caen et des plages du Débarquement semble faire l'unanimité... À l’origine de la démarche lancée trois ans auparavant, Jean-François Dietlin, directeur de l’établissement, explique : "Permettre à nos jeunes de découvrir des évènements historiques tragiques afin qu’ils ne se reproduisent plus est pour moi une excellente manière de participer à l’éducation à la paix. C’est aussi pour nos adolescents la possibilité d’inscrire leur vie dans une histoire plus vaste et ainsi de mieux se situer pour grandir."

De belles rencontres

Quelques jeunes de la Maison d'enfants réunis autour de Marie Diop, éducatrice sur le thème du devoir de mémoire. Photo : Besnard/Apprentis d'Auteuil

"Depuis le début de l'aventure, deux voyages ont été organisés, l'un à Verdun en 2016 autour de la Première guerre mondiale, l'autre à Berlin, épicentre de l’histoire du XXe siècle, l'année suivante", précise Marie Diop, l'éducatrice. Sans compter toute une série de rencontres et de sorties dans les environs d’Annecy. Et un chantier de solidarité au Sénégal en juillet 2018. Des initiatives déployées auprès d’adolescents motivés. Comme Manon, 17 ans, qui représentait la Maison d’enfants à la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, le 11 novembre dernier à Seynod. "J’ai aussi eu la chance de faire partie du voyage organisé à Berlin, souligne l'adolescente. Le fait de se rendre sur place permet de mieux comprendre le nazisme et ses aberrations. Cela fait réfléchir !" Même écho chez Raphaëlle, 17 ans, membre du groupe depuis ses origines. "Les cours d’histoire, ce n’est pas mon truc, explique la jeune fille, mais je reconnais que les moments de rencontres et de voyages que j'ai pu vivre avec l'équipe resteront gravés dans ma mémoire. En particulier, notre voyage au Sénégal autour de l'histoire des tirailleurs l'été dernier. Depuis, je regarde la vie différemment."

Un chantier de solidarité exceptionnel

L'équipe du chantier de solidarité de juillet 2018 au Sénégal pose pour la postérité autour de Sadio Coulibaly, ancien tirailleur-combattant qu'ils viennent de rencontrer.

Exceptionnel par sa philosophie et son intention, le chantier-voyage baptisé "les apprentis reporters" a permis à  huit adolescents de la Maison d’enfants de sortir de leur quotidien et de s'ouvrir aux autres, tout en apprenant à témoigner de leur expérience de voyage à travers l’écriture, le son et l’image, en collaboration avec des jeunes Sénégalais de l’association La Liane à Saint-Louis. Un vrai travail de création sur les traces des tirailleurs sénégalais, ces soldats oubliés de la seconde guerre mondiale. Le groupe était accompagné par Julien Masson, animateur de projets pédagogiques, un photographe documentariste notamment auteur du projet documentaire Mémoire en marche, sur les traces des tirailleurs sénégalais de 1939-1945 (1). De cette expérience est né un film de 52 minutes sur les tirailleurs (voir encadré) rencontrés sur place, ce corps de l'armée coloniale composé de soldats de toute l'Afrique subsaharienne qui ont débarqué en août 1944 sur les plages de Provence pour libérer la France.  'Ce voyage a vraiment été un temps important pour aller à la rencontre de moi-même, précise encore Raphaëlle. J'ai notamment découvert des talents d'écriture cachés au fond de moi." "Dernière aventure de notre équipe, ce chantier a permis aux jeunes de franchir de réelles étapes", conclut Marie Diop. En rendant un nom et un visage à des héros méconnus, les uns et les autres ont également mené une belle réflexion sur l’identité de la France et sa diversité. Et mieux compris que la Seconde Guerre mondiale est une histoire partagée entre plusieurs peuples qui font l'histoire de notre pays. Une sacrée matière à réfléchir pour notre société d'aujourd'hui !" (1) réalisé entre 2012 et 2016

Julien Masson, documentariste : "l'art ouvre des horizons insoupçonnés."

"Avec les ados de la Maison d'enfants Saint-Benoît, l’été dernier, nous avons vécu une aventure formidable. Rien n’était  gagné d’avance, mais au fil du temps, la magie a opéré. Avec mon co-équipier de La Liane, l’association sénégalaise, nous les avons fait travailler par équipe : son, image, interview, etc. Les jeunes se sont tellement pris au jeu que le projet initial d’une série de diaporamas sonores s'est transformé au fil du temps un vrai film de 52 minutes.  J'ai été surpris à la fois par le résultat de la création finale et par la transformation intérieure de beaucoup. On oublie souvent une chose essentielle : l’art et la culture ouvrent des horizons insoupçonnés." Le film a pu voir le jour grâce au financement de la fondation Foujita, des ministères des Armées et des Affaires étrangères, de l'Institut culturel français de Saint-Louis au Sénégal et du Groupe Fruité Teisseire.