Jeune femme assise au bout qu'un quai en bois regardant un lac
Education et scolarité

La force du silence

PAROLES DE JEUNES. Le silence n’a pas toujours bonne presse. Pourtant, rentrer en soi permet de grandir dans l'écoute intérieure et l'attention à l'autre. Ce dont témoignent Morgan, Ethan, Cloé et Emma, scolarisés au collège Sainte-Claire de Dieupentale. Avec le regard du père Marc Whelan, délégué de la tutelle et à la pastorale d’Apprentis d’Auteuil.

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À quand remonte la dernière fois où vous êtes restés en silence plusieurs minutes d’affilée ? Cultiver notre silence intérieur nous rend plus conscients, plus intuitifs et à l’écoute de nos émotions et sensations. C’est un canal puissant pour reconnecter à notre espace intérieur sacré. Réflexions sur une vertu qui nous permet de mieux prendre soin de nous et du coup des autres.

« Le silence dans la vie, je trouve que c’est drôlement important, même si je suis plutôt d’un naturel bavard. Ça aide à se concentrer pour ses leçons bien sûr, mais aussi à avoir des idées et dans une discussion, à mieux écouter l’autre. J’ai eu la chance de vivre une expérience concrète de silence avec mon collège avant les vacances, en partant en week-end du côté de Rocamadour. Au programme, il y avait la visite du gouffre de Padirac. J’ai vraiment aimé la navigation sur la rivière, avec les barques, le son de l’eau, les gouttes qui tombaient, etc. Une super balade de silence qui m’a beaucoup apporté. »
Morgan, 11 ans, classe de sixième.

« D’un naturel très actif, je suis inscrit à plein d’activités au collège, comme les Cadets de la Défense et les Jeunes Sapeurs-Pompiers et je fais aussi du basket. Donc, faire silence, j’en ai vraiment besoin ! Le silence m’aide à l’école bien sûr, par rapport à mes études, mais aussi pour prendre du recul dans mes relations et mieux réagir. La semaine dernière, par exemple, je me suis embrouillé avec mon beau-père. Je suis monté dans ma chambre, et après une demi-heure de silence, je suis redescendu, calmé, et je me suis excusé. Il a compris. Moi aussi. J’étais apaisé. »  
Ethan, 13 ans, classe de quatrième.

LE SILENCE
Le silence est la plus haute forme de la pensée, et c'est en développant en nous cette attention muette au jour, que nous trouverons notre place dans l'absolu qui nous entoure.
Christian Bobin

« Le silence intérieur, la concentration, ce n’est pas toujours évident à mettre en pratique. Moi, les trucs qui m’aident, c’est la musique et la nature. C’est trop bien d’être avec rien et de regarder le ciel. Au mois de mai, le collège a organisé un forum de bien-être, avec des professionnels de la région, en lien avec ce thème. C’était très intéressant. »
Emma, 13 ans, classe de quatrième.  

« Je suis calme de nature et le silence me ressource. Je crois aussi en Dieu et c’est dans le silence que je Le sens le mieux en moi. Après, je suis davantage ouverte aux autres. »
Cloé, 11 ans, classe de sixième.

Le regard du père Marc Whelan, délégué de la tutelle et à la pastorale d’Apprentis d’Auteuil

« Dans un monde où les adultes et les jeunes sont de plus en plus rivés aux écrans de leur smartphone, il me semble de plus en plus difficile d’entendre le silence dans nos vies. Nous sommes tellement stimulés par toutes sortes de bruits et d’images que la quête des moments de tranquillité et de calme est devenue très compliquée.

Jésus et le silence

Pourtant, comme nous le rappelle Morgan, le silence dans la vie est « drôlement important ».  En racontant son voyage à côté de Rocamadour, il me fait penser au besoin qu’avait Jésus d’aller, lui aussi du temps en temps, vers des lieux déserts pour prier son Père.

Même Jésus, avec sa vie très mouvementée, avait besoin de se retirer dans le silence, loin des agissements du monde, pour méditer et réfléchir. Comme pour Cloé, le silence fut pour lui une ressource très importante.

Avec son franc-parler habituel, le pape François dit de son côté que, sans le silence, notre discours est malade.

Il peut arriver dans la vie que les relations avec nos proches soient tendues. On se parle beaucoup sans s’écouter ! Ethan raconte la même chose. Un temps de silence après une dispute peut apaiser.

Notre relation à Dieu et le silence 

Notre relation avec Dieu ne peut se nourrir sans ces moments de silence. J’ai reçu une fois un conseil précieux d’un accompagnateur spirituel : « Pour prier, il faut simplement s’asseoir et respirer ».

Dans le livre de la Sagesse, on lit : « Quand la nuit était dans le plus profond silence, là, ta parole est descendue sur la terre ».

Comment recevoir la Parole de Dieu si le bruit ambiant ne me permet pas de l’écouter ? Dans notre relation avec Dieu, tout comme dans nos relations avec les autres, nous avons besoin d’un silence actif qui nous permet de savourer l’intimité qui nous unit. »

ET SI LE SILENCE SE FAISAIT EN TOI, un poème de Jean Lavoué

« Et si le silence se faisait en toi
Aussi fin qu’un brin d’herbe,
Aussi léger que le souffle qui le caresse,

Si tu te laissais comme lui abriter par le soleil,
Alors ne naîtrais-tu pas de l’humus,
N’éprouverais-tu la fécondité du sol
Où tes racines puisent leur sève ?

Le monde est trop vaste pour toi
Pour que tu ne communies avec lui
Autrement que par l’infime :
La légèreté d’un pétale de lumière,
L’eau du fleuve dont tu ne saisis que l’instant,
La moindre feuille emportée par le vent
Ou l’aile de l’oiseau lorsqu’elle te frôle.

Tu n’as d’autre onction à recevoir
Que celle accordée par le ciel aux murmures indicibles
Et par ce monde auquel, de toutes tes fibres, tu participes :
La bénédiction éclatante et joyeuse de la vie qui te traverse,
La jubilation de n’être que ce que tu es,
Fragile, mortel,
Porté par cet amour insensé, offert, injustifiable
Dont tu ressors lavé,
Dans la nudité des premiers jours. »

À  LIREPrix littéraire de la liberté intérieure 2023

"Un si grand désir de silence"
par Anne Le Maître, éd. du Cerf