Education et scolarité

Après les attentats, l'éducation au cœur des débats

Les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 ont profondément bouleversé la société française, la question de l’éducation des jeunes aux valeurs de la République et au vivre ensemble se plaçant au cœur des débats. A suivre, l’initiative des établissements Saint-Gabriel d’Apprentis d’Auteuil, situés en banlieue parisienne.

Comment avez-vous vécu cette matinée du 8 janvier, au lendemain de l’attentat à la rédaction de Charlie Hebdo ? 

Michel Lovera, directeur à Saint-Gabriel (Bagneux, 92) : "Ça a été une matinée difficile à vivre. J’avais préparé le matin même un texte : il me semblait important d’intervenir auprès des jeunes, qu’ils puissent avoir une parole d’adulte. En parallèle, avec l’équipe de direction, nous avons décidé d’aller dans chacune des 26 classes au collège, au lycée et dans l’enseignement supérieur.
Après un rappel des événements, mon adjoint et moi avons dit aux jeunes que nous travaillons en équipe, avec toutes nos différences, que l’objectif est notre mission auprès d’eux. Et que le fait d’être différents ne nous empêche pas de travailler, de réfléchir et d’avancer ensemble au service de la communauté. Nous n’avons eu aucune réaction négative.

Quelles ont été les réactions des jeunes ?

Ils ont été très attentifs. Les plus jeunes au collège ont eu tendance à applaudir.  Nous avons parlé de la complémentarité des personnes - je suis catholique, mon adjoint, musulman - et aussi de l’importance du respect des uns envers les autres. Tous les jeunes ont adhéré au discours, certains nous ont dit : « Bravo, merci d’être venus, de vous être exprimés sur les religions, de façon simple et non simpliste. ». L’idée n’était pas de faire un grand discours mais de s’exprimer simplement, de dire où on en était, où on voulait aller, quel est notre projet de formation humaine à Apprentis d’Auteuil et à St Gabriel.

Et ensuite ?

Vers 11h50, dans chacune des classes, nous nous sommes recueillis. J’avais conçu un texte auquel j’avais ajouté, avec l’aide de l’équipe pastorale, deux paragraphes du décalogue d’Assisse, ceux  où l’on s’engage contre la violence, contre le terrorisme.
Nous avons également parlé de l’importance d’éduquer les personnes à  l’estime et au respect des autres. Nous avons terminé dans chaque lieu, par une prière de saint François d’Assise. L’ensemble de l’équipe était impliquée, en classe, par service…. Nous n’avons eu aucune perturbation de la minute de silence.

Quel est le profil des élèves ?

Ils sont de toutes origines. Certains suivent la catéchèse. Beaucoup sont de confession musulmane. L’établissement s’est engagé depuis plusieurs années dans la réflexion autour du dialogue interreligieux, en lien avec l’équipe pastorale. Les jeunes ont l’habitude de se rencontrer. En ce début d’année 2015, nous nous sommes retrouvés autour d’un dessert partagé provenant des différentes communautés religieuses. Il s’agissait de partager une expérience de vie dans un temps de convivialité.

Avez-vous déjà réfléchi à la suite ?

Nous avons ici une équipe qui a déjà travaillé ces questions. Nouveau directeur ici, je suis moi aussi habitué à cette démarche, c’est ce que je faisais dans mon ancien établissement. À terme, c’est apaisant pour l’ensemble de la communauté éducative. Cela autorise un climat serein pour chacun. On va avancer sur ces lignes-là. Nous reparlerons des événements, c’est une nécessité, mais nous réfléchirons aussi sur les préoccupations des ados. Nous allons ouvrir avec eux le débat, et prendre le temps nécessaire pour évoquer les thèmes qui leur semblent importants.