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Education et scolarité

Apprentis d’Auteuil passe le décrochage scolaire à la loupe

La fondation publie ce 8 novembre un livre, fruit d’une vaste recherche sur la question du décrochage scolaire menée avec des universitaires. Explications de Cécile Perrot, coordinatrice de l’animation du projet éducatif et qualité à Apprentis d’Auteuil, et coauteure du livre.

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Apprentis d'Auteuil publie un livre sur le décrochage scolaire fruit d'un travail de recherche mené avec des universitaires.

Pourquoi la fondation publie-t-elle un livre sur le décrochage scolaire ?

Portrait de Cécile Perrot
Cécile Perrot, co-auteure du livre.
(c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

À Apprentis d’Auteuil, nous accueillons des jeunes qui ont décroché ou qui sont en voie de déscolarisation. Il y a une douzaine d’années, nous avons souhaité lancer une recherche-action sur cette thématique, en croisant les savoirs des professionnels engagés auprès des jeunes et les savoirs issus de la recherche. Nous sommes un formidable terrain d’expérimentation pour les sciences de l’éducation, car nous accueillons des milliers de garçons et de filles de tous âges, dans un grand nombre de dispositifs implantés dans nos établissements scolaires et dans nos Maisons d’enfants. Depuis 1866, nous avons une longue expérience auprès de ces jeunes. Nous tâtonnons, nous expérimentons des solutions au quotidien. Parfois nous nous trompons, mais nous avançons. C’est un savoir qui intéresse beaucoup la recherche. Ce livre collectif est donc le fruit de cette recherche-action que nous voulions partager.

Quels sont les résultats de ce travail ?

Il a permis, par exemple, de confirmer que le décrochage scolaire n’est pas dû qu’aux difficultés des jeunes eux-mêmes, il est multifactoriels. L’école a une responsabilité importante dans le processus. Le contexte dans lequel les jeunes évoluent joue bien sûr un rôle important mais toutes les études montrent que notre système scolaire offre peu de place aux singularités de chacun. C’est un système très évaluatif et normé qui laisse de nombreux jeunes au bord du chemin. Beaucoup de jeunes disent s’ennuyer à l’école. Enfin l’orientation subie est un facteur  très important. L'école doit donc s’interroger sur son rôle. C’est ce que nous faisons à Apprentis d’Auteuil en questionnant nos pratiques pour mieux prendre en compte les jeunes tels qui sont aujourd’hui. Pour retrouver le goût d’apprendre, les jeunes ont aussi besoin d’avoir autour d’eux des professionnels de différents horizons qui travaillent ensemble. Le projet stratégique 2022-2026 d’Apprentis d’Auteuil fait donc de la formation des professionnels une priorité, notamment en renforçant le couple enseignant-éducateur, qui est l’ADN de la fondation.

Comment cela se traduit-il dans les établissements ?

Nous nous lançons dans une vaste démarche d’expérimentation pédagogique. Nous avons par exemple créé le dispositif 4R au sein du collège Saint-Jacques de Fournes-en-Weppes, près de Lille, où nous accueillons des jeunes déscolarisés dans une dynamique d’inclusion progressive. Nous expérimentons également « la classe sans classe » dans laquelle les élèves travaillent en groupes de besoins pour permettre à chacun d’avancer à son rythme. Avec ces classes flexibles, nous repensons totalement l’organisation pédagogique des apprentissages. Nous créons aussi des dispositifs de remobilisation au sein de nos Maisons d’enfants pour des jeunes qui ont quitté l’école.

Qu’est-ce que la pédagogie institutionnelle prônée par Apprentis d’Auteuil ?

C’est une pédagogie qui travaille la question du collectif. Comment une personne peut-elle vivre, se développer, prendre des responsabilités au sein d’un collectif et « faire institution » en donnant une place à chacun ? La pédagogie institutionnelle est au croisement des pédagogies actives (Montessori, Freinet, Père Faure….) et du « penser et agir ensemble » que nous développons à Apprentis d’Auteuil. Le but étant de donner une place à chacun pour être acteur de l’institution. Dans un monde où l’on parle du « vivre ensemble », cette pédagogie propose un certain nombre de solutions pour y parvenir.

Pourquoi le livre est-il sous-titré « Chronique d’une institution pédagogue » ?

Ce livre raconte comment une institution comme Apprentis d’Auteuil est capable de s’ouvrir, d’apprendre des autres, de ses réussites et de ses erreurs. Nous voulons redonner à la pédagogie ses lettres de noblesse. Apprendre en marchant, c’est l’ADN d’Apprentis d’Auteuil depuis ses origines. C’est aussi ce qu’enseigne l’histoire des sciences de l’éducation. C’est ce qu’ont fait les grands pédagogues qui cherchaient à répondre à la difficulté à laquelle ils étaient confrontés. A l’instar de l’abbé Roussel (le fondateur d’Apprentis d’Auteuil, ndlr) ou de Don Bosco en leur temps. Avec ce livre, nous voulons capitaliser sur ce savoir que l’on expérimente au quotidien auprès des jeunes dans nos établissements. Il dit aussi humblement ce qu’est Apprentis d’Auteuil en ce début de XXIe siècle.

Photo d'ouverture : (c) David Commenchal/Apprentis d'Auteuil

En savoir plus sur le livre

"Apprentis d’Auteuil face au décrochage scolaire. Chronique d’une institution pédagogue". De Cécile Perrot, Sébastien Pesce, Rémi Casanova. Éd. Champ social, novembre 2022.