Education et scolarité

Amour, amitié, comment discerner ?

Parce qu’aimer n’est pas simple pour les jeunes, Apprentis d’Auteuil a mis en place des temps d’éducation affective, relationnelle et sexuelle. Regards croisés sur cette thématique avec une jeune, une professionnelle et un philosophe de la fondation.

Laura, 20 ans, qui a été accompagnée par Apprentis d'Auteuil en Alsace, témoigne : « L’amour, c’est être à deux, c’est avant tout la confiance envers l’autre. J’espère avoir une belle relation qui dure avec quelqu’un, j’espère fonder une famille avec lui, vivre en paix. La confiance, c’est la sérénité, c’est s’épauler mutuellement, être honnête. Ma crainte est de ne pas trouver, car les gens jugent beaucoup au premier aspect et on craint d’être soi de peur d’être jugé. C’est un grand frein à l’amour. Je ne connais pas de couples au long cours, je vois des gens qui ont divorcé et je n’ai pas envie de vivre cela. Moi, j’y crois. C’est un sentiment universel que tout le monde a au fond de soi, mais pour cela il faut accepter l’autre tel qu’il est. »

Les premières questions des jeunes

Cécile Fournier, maîtresse de maison à la Mecs Rose de Lima
Cécile Fournier, maîtresse de maison à la Mecs Rose de Lima

Cécile Fournier, maîtresse de maison à la Maison d’enfants à caractère social Rose de Lima, (Changé, 53), anime des séances d’éducation affective, relationnelle et sexuelle auprès des jeunes qui le désirent :
“Les premières questions que les jeunes nous posent concernent toujours les relations d’amitié ou d’amour : « Qu’est-ce qu’aimer ? Comment on peut construire une amitié, un amour ? » En les écoutant, je constate combien ils ont envie de s’engager dans une relation durable.
À propos de l’amitié, nous réfléchissons ensemble à partir de leurs mots, ceux qui sont importants pour eux : être sincère, s’écouter, rigoler ensemble, pas de jalousie… nous parlons aussi de la différence entre avoir un camarade, un copain ou un ami. Concernant la relation amoureuse, nous travaillons aussi à partir de mots comme attirance, confiance, désir, construire un projet, mariage, fidélité, pudeur, choix, déception…
Quand ces jeunes partagent ce qu’ils portent au fond d’eux-mêmes et ce à quoi ils aspirent, quand ils entendent les autres, ils prennent conscience que, malgré leurs doutes, ils sont bien au clair avec ce qu’ils veulent construire. De mon côté, en tant que professionnelle, je peux dire qu’ils ont un regard de bienveillance sur l’autre. Ils me le disent en dépit des failles: « Madame, je l’aime tel qu’il est… »
Quand des enfants, mis à mal par leur entourage, gardent en eux de l’amour, c’est pour moi un signe de leur capacité à aimer. Mon travail c’est de les aider sur ce chemin, de leur montrer que toute personne est un être de relation qui cherche le bonheur, et le bonheur de l’autre. Pour moi, l’amour, c’est d’abord une question humaine. »

Retrouver l'espérance en l'amour

Fabrice Sabolo, auteur de Itinéraire pour un coeur amoureux (Ed. du Cerf)
Fabrice Sabolo, auteur de Itinéraire pour un coeur amoureux (Ed. du Cerf)

Fabrice Sabolo est philosophe. Il enseigne en milieu universitaire et travaille à Apprentis d’Auteuil. Son livre Itinéraire pour un cœur amoureux est paru au Cerf en avril 2017.
Quels peuvent être les obstacles à l’amour, pour les jeunes ?
Si l’aspiration à aimer est encore vive aujourd’hui chez les jeunes, elle est parfois empêchée par le sens qu’ils ont de leur fragilité, qui se traduit par une incapacité à choisir ; ou encore par la peur de perdre leur liberté, de s’enfermer, sans retour possible. Mais également par un discours ambiant, non dénué de cynisme, qui tend à réduire l’amour à une belle illusion ou à un phénomène biologique dont on ne saurait attendre quelque bonheur. Il y a encore bien sûr l’exemple de l’échec amoureux, dont tant de personnes sont, hélas, des témoins à leurs dépens. Il y a aussi, peut-être, une certaine méconnaissance du rythme propre à l’amour, qui demande du temps pour grandir, et non de foncer tête baissée…
Mais est-ce possible d’aimer ?
Oui, bien sûr. C’est même fortement conseillé ! Mais cela demande une intelligence de l’amour qui comprenne que la sincérité n’est pas suffisante, que l’intensité du sentiment naissant ne garantit pas la réussite du couple. Le principal enjeu est de découvrir un amour personnel, réciproque, qui, au-delà des qualités de l’autre, de sa beauté, de tout ce qui a pu nous émouvoir, porte sur sa personne. Seul un amour qui cherche à aimer l’autre tel qu’il est, au-delà de nos idéaux, de nos nostalgies ou de nos attentes légitimes, a une chance de perdurer. Retrouver l’espérance en l’amour, qui passe par ce chemin d’un lien personnel, où chacun est aimé pour ce qu’il est, est une nécessité éducative pour notre temps !