Education et scolarité

Covid-19 Quel accompagnement pour les enfants placés ?

Alors que le confinement dure depuis maintenant 10 jours, les professionnels des Maisons d’enfants à caractère social d’Apprentis d’Auteuil tâchent de s’adapter au quotidien pour faire face à la situation, en prenant particulièrement soin des jeunes qui leur sont confiés. Explications.

Comment vivre au quotidien en confinement dans des Maisons d’enfants à caractère social (MECS), ces foyers qui accueillent des enfants et des adolescents, au titre de la protection de l’enfance, car ils sont en danger ou en risque de danger ? Comment éduquer aux gestes barrière, maintenir une continuité pédagogique, imaginer des activités récréatives et sûres, faire grandir sereinement ces enfants dans un contexte quelque peu anxiogène ? C’est à cette équation délicate que se confrontent les professionnels des MECS à la fondation.
Baptiste Cohen, responsable de la Protection de l’enfance à Apprentis d’Auteuil, explique : « Les difficultés ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre. On note une très forte mobilisation de tous, même si certaines MECS doivent faire avec l’absence de certains de leurs salariés, sans solution de garde pour leurs propres enfants ou inquiets de la situation. De nombreuses actions de solidarité inter-établissements sont à saluer. Des personnels d’internats éducatifs et scolaires et des éducateurs d’autres établissements viennent en renfort dans les MECS pour épauler leurs collègues. »
 

Vigilance sur tous les plans

Une éducatrice et une jeune de la Maison Saint-Jean à Sannois © Besnard/AA

C’est le cas aux établissements Notre-Dame, en Eure-et-Loir. Sur le vaste site du château des Vaux, où 800 jeunes sont habituellement accompagnés dans différents types d’établissement, trois MECS sont restées ouvertes pour continuer d’accueillir les quelque 150 jeunes qui ne peuvent rentrer en famille. Des éducateurs des établissements voisins sont venus renforcer les équipes.
« Nous avons organisé un roulement : elles se relaient sans se croiser, afin d’éviter la propagation du virus, explique Christian Jacquemin, directeur régional adjoint Centre. Nous limitons à six le nombre de jeunes par groupe pour les activités. C’est un risque mesuré : on ne peut pas imaginer laisser les jeunes dans leur chambre toute la journée. Nous avons également prévu des zones de confinement. Nous essayons de prévoir tous les scénarios possibles, car évidemment, 150 jeunes sur site, c’est un chiffre très important. » L’équipe maintient un lien téléphonique avec les familles dont les enfants ont eu l’autorisation de regagner le domicile, en particulier les plus fragiles, pour qui le confinement représente un risque supplémentaire de tensions intrafamiliales. 

À Sannois, en région parisienne, la Maison d’enfants Saint-Jean a maintenu ouvertes quatre unités sur cinq pour 35 enfants confiés par les services sociaux. Outre l’accueil sur place, les jeunes rentrés dans les familles « en l’absence de danger à court terme sur leur intégrité physique et morale », comme le souligne Pauline Beydon, la directrice, sont suivis par deux éducateurs. Elle explique : « Ils les appellent matin et soir pour s’assurer de leur santé, savoir comment cela se passe pour eux à leur domicile, vérifier aussi qu’ils ont bien accès aux supports pédagogiques. » Deux psychologues sont également à disposition des équipes éducatives, des jeunes et des familles, l'un sur le site, l'autre, joignable par téléphone et mail.
 

Un cadre "normal" dans un quotidien confiné

Des activités sont organisées pour les jeunes restés à la MECS Joseph-Wresinski de Creil (60) (c) Apprentis d'Auteuil

À Creil, la situation est sensiblement différente. Située dans un des premiers clusters de covid-19, la MECS Joseph-Wresinski a dû appliquer les règles de confinement une semaine avant sa généralisation à l’ensemble du territoire français. « Ça se passe plutôt bien, confirme Laure, 14 ans. Mais le sentiment d'enfermement est assez lourd à vivre quand même. Heureusement, les adultes organisent des activités... sinon on aurait déjà pété un câble ! Entre nous, on communique plus que d'habitude, on est plus proches. C'est l'un des points positifs. Ce qui est difficile à vivre également, c'est de ne pas pouvoir rentrer chez nous pour voir nos familles. En attendant, nous restons en contact par téléphone. »
L’équipe éducative organise les journées de façon structurée, avec le matin, le travail scolaire donné par les professeurs via les plateformes numériques de leurs établissements scolaires ; et l'après-midi, des ateliers plus ludiques autour du théâtre, de la cuisine ou du sport. Brahim Lahnine, le directeur, analyse : « Si les trois premiers jours ont été difficiles, car nous avons dû nous adapter à cette nouvelle situation, nous avons pris maintenant un ¨rythme de croisière¨. Nous mettons tout en œuvre pour que cette situation extraordinaire devienne ordinaire. Être dans une forme de routine, ça rassure les jeunes... et les adultes. »
À la MECS Saint-Jean, la vie s’organise aussi. Les équipes éducatives répondent aux questions des enfants, rassurent, dialoguent, réconfortent. Comme à Creil et dans les autres MECS, difficile pour ces enfants vivant en foyer, et qui voient leurs parents épisodiquement, d’accepter un week-end en famille repoussé à la fin du confinement.
Certains éducateurs restent dormir sur le site pour contribuer à maintenir un cadre de vie équilibrant. « Il y a une magnifique mobilisation des professionnels sur le site, salue Pauline Beydon, la directrice. Les éducateurs maintiennent un rythme le plus normal possible : se lever, prendre son petit déjeuner avant 9h-9h30, faire le travail scolaire donné par les professeurs. Pour ceux qui en ont moins, les éducateurs on acheté des cahiers de vacances et des jeux Bescherelle. L’après-midi, ils organisent des activités ludiques : jeux de société, fabrication de bracelets brésiliens, de scoubidous… » Le soir, les éducateurs continuent de ramasser les téléphones portables, proscrits habituellement des chambres, pour garder les règles en application dans la vie normale. « Un des enjeux est de rappeler le cadre, car c’est compliqué pour les jeunes de prendre conscience de la situation, pointe la directrice. Et de maintenir au quotidien, dans une vie collective, les gestes barrière. »