
Quel est le secret des ados heureux ?
Que peuvent faire les parents pour bien accompagner leurs ados à l’heure où les questions de santé mentale deviennent préoccupantes chez les plus jeunes ? Pour répondre à cette question, le médecin psychiatre, David Gourion, publie un guide pratique à destination des parents. Interview.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre sur les ados heureux ?
Je rencontre beaucoup d’adolescents dans mon cabinet. J’échange beaucoup avec leurs parents. Je suis aussi moi-même père d’ados. J’ai donc voulu partager avec ce livre quelques conseils très concrets issus de mon expérience professionnelle et personnelle pour faire de la prévention. D’autant que la santé mentale des ados s’est dégradée depuis le Covid. Je voulais aussi rappeler que beaucoup d’ados vont bien et partager leur « secret » pour être heureux.
Quel est le secret le plus important que vous souhaitez partager avec les parents ?
Le plus important pour moi c’est la chaleur affective. Derrière l’attitude un peu renfrognée des ados qui vous considéraient il y a quelques années comme des dieux et maintenant comme des vieux, les ados sont extrêmement sensibles à l’ambiance émotionnelle qui règne à l’intérieur d’un foyer. Comme les « 5 fruits et légumes par jour », ils ont besoin au quotidien de cette chaleur affective même si cela n’empêche pas la fermeté et le cadre.
Les ados traversent une période de leur vie délicate, la société est devenue complexe. Ils doivent avoir le sentiment que leur maison est un refuge et que leurs parents les y accueillent avec beaucoup de chaleur et de bienveillance. C’est un atout fondamental avec lequel ils peuvent construire une bonne estime de soi pour toute leur vie. La chaleur parentale est un super pouvoir qui est un bouclier contre la dépression et le trouble anxieux chez les jeunes.
Vous rappelez qu’avec les ados le renforcement positif est plus efficace que la critique.
Nous vivons dans une société exigeante. Les parents sont eux-mêmes soumis à beaucoup de stress, à des exigences professionnelles. En France, contrairement à d’autres cultures plus positives, nous avons tendance à penser que plus on critique nos ados, plus cela va les aider à se perfectionner. En réalité, les études montrent que c’est plutôt l’inverse ! « Si les enseignants et les parents ne cessent de nous renvoyer une image négative, à quoi bon faire des efforts » pensent les ados.
Il vaut mieux célébrer les petites victoires. Par exemple, ne pas se focaliser sur les notes mais sur l’effort accompli. C’est la même chose pour les parents d’ailleurs. Dans leur environnement professionnel s’ils ne reçoivent que des critiques, ils vont finir par se démotiver. Les ados doivent toujours avoir les sentiment que les parents sont les principaux supporters dans leur existence.
Lors des crises d’ados, vous privilégiez plutôt le « time-in » que le « time-out ».
Le « time-out » qui consiste à mettre l’enfant ou l’ado à l’écart suite à un mauvais comportement peut marcher à court terme. Mais les études montrent qu’à long terme ce type de punition aggrave plutôt la situation. Dans sa chambre, l’ado va ruminer, ressentir de la colère et ne va pas savoir gérer son comportement et ses émotions. À l’adolescence, le cerveau n’est pas encore complètement formé. Les ados sont impulsifs et dans l’hyper réactivité émotionnelle. Ils peuvent passer du rire aux larmes en très peu de temps.
Je propose plutôt une approche scandinave du problème. Plutôt que d’isoler un ado en crise, il faut l’entourer et lui faire ressentir une chaleur affective pour l’aider à traverser cette tempête émotionnelle. Pour avoir tester cette approche avec mes patients ou avec mes ados à la maison, je trouve l’approche du « time-in » beaucoup plus efficace. Nous sommes des êtres de lien. Le plus important, c’est le sentiment de confiance et de dialogue que l’on instaure. C’est tellement plus facile d’envoyer un ado dans sa chambre que de s’en occuper.
Depuis le Covid, toutes les études montrent que la santé mentale des adolescents se détériorent. Que faut-il faire pour les accompagner ?
Je donne dans le livre une grille de repérage très simple pour savoir si les symptômes (crises d’angoisse, attaques de panique, états dépressif, addictions) représentent l’expression d’une souffrance psychique et nécessitent de consulter un professionnel de santé mentale. La pression scolaire est aussi une source de stress et d’anxiété.
Les écrans sont souvent sources de conflits entre parents et ados. Que pouvez-vous conseiller aux parents pour dédramatiser le sujet ?
Tous les ados ne sont pas égaux vis-à-vis des écrans. Certains savent bien s’autoréguler et d’autres sont de vrais addicts. Il suffit de regarder dans l’onglet « temps d’écran » de leur smartphone. Certains peuvent y passer 9 heures par jour ! S’ils n’arrivent pas à se décoller de l’écran, il faut mettre en place des stratégies de régulation, déterminer de règles que l’on discute avec son enfant qui peuvent prendre la forme d’un contrat. Du côté des parents, il faut aussi montrer l’exemple et savoir lâcher son écran. Même pendant mes consultations, certains restent scotchés à leur téléphone ! Idem, il faut bannir les téléphones pendant les repas qui doivent rester des temps d’échange en famille.
Vous écrivez : « Etre parent d’ado, c’est comme être le capitaine d’un navire en plein tempête. Il faut garder le cap, tout en s’adaptant aux aléas de la mer. » Est-ce le message que vous voulez faire passer aux parents d’ados ?
Oui surtout pour ceux pour qui c’est difficile, parce que c’est parfois compliqué de gérer des ados. Je veux leur dire : « Là, vous êtes dans un moment compliqué, mais gardez espoir ! Cela peut vous sembler long mais l’adolescence est une période assez courte de la vie. Soyez patient parce que votre enfant, qui va beaucoup changer dans les années qui viennent, vous le rendra après. Les comportements qu’il ou elle peut avoir ne prédisent en rien l’adulte qu’ils seront demain. Patience, courage et solidarité entre parents d’ados ! »
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