Accompagnement des parents

Mieux communiquer en famille, ça s'apprend !

GRAND ANGLE. Communiquer en famille n’est pas inné et peut engendrer des conflits, voire des ruptures. Pourtant, des techniques existent, qui peuvent changer la donne. Repères en ce temps de rentrée. Par Agnès Perrot.

Comme pour toute organisation, la vie d’une famille nécessite de pouvoir dialoguer. S’il n’est pas inné, ce dialogue s’apprend. De plus en plus de parents cherchent à mieux communiquer avec leurs enfants, en particulier à l’adolescence. Avec l’idée souvent sous-jacente de ne pas reproduire avec eux ce qu’ils ont eux-mêmes vécu. Et de former de jeunes adultes plus épanouis et ouverts aux autres.
 

À l'écoute de nos émotions

La première chose à faire quand il y a des tensions est de voir ce qui se passe en nous.

"Un enfant élevé dans un tel climat communiquera d’emblée autrement, souligne Nicole Sarradon, thérapeute à Marseille, formée à la méthode de communication RE® (Relationship Enhancement) qu’elle enseigne, et qui permet de restaurer et de renforcer le lien avec autrui, en prenant en compte les attentes et perceptions de chacun.

"Mettre en place ce cercle vertueux avec ses enfants peut être intéressant quand on est parent. Voire indispensable, quand le quotidien se dégrade. Quand quelqu’un est mal portant, il est utile de regarder sa manière d’être en relation."

La thérapeute, qui a importé en France cette méthode née aux États-Unis, poursuit : "Être en bonne relation est une vraie richesse. Selon moi, le bénéfice premier, c’est d’être en paix avec soi et avec les autres. Cela facilite les choses, permet d'ouvrir les portes. Parfois avec un petit rien, on peut changer tout le paysage…"

Une vraie révolution

Formatrice certifiée en communication non violente (CNV), autre méthode de communication venue des États-Unis, Pascale Molho, médecin hospitalier pendant 15 ans, abonde dans le même sens. "La vie de famille est parfois un champ de mines et tout peut exploser pour une histoire de chambre pas rangée, explique-t-elle. La première chose à faire, quand il y a des tensions, est d’ouvrir les yeux, de ralentir et de voir ce qui se passe en nous, plutôt que de juger l’autre. Une étape bien plus importante qu’il n’y paraît, car elle nous permet de prendre de la distance par rapport à la situation en allant voir ce que cela touche en nous, et de rejoindre nos besoins. Comme celui de se sentir entendu... "

La formatrice précise : "C’est une vraie révolution que de prendre conscience que si je m’occupe de moi, parce que ma vulnérabilité et celle de l’autre sont touchées, il y aura moins de violence." 

Très proche de la méthode RE®, la CNV, mise au point par le psychologue clinicien américain Marshall Rosenberg, collaborateur de Carl Rogers et de son approche centrée sur la personne, cherche à instaurer des relations fondées sur une coopération harmonieuse et sur le respect de soi et des autres.

Respecter les besoins de chacun

Une méthode qui aide à poser le cadre et favorise créativité et capacité d'initiative.

Autre atout de ces manières d’être dans la relation avec les enfants et les adolescents, elles permettent de vivre une autorité fondée, non pas sur des rapports de pouvoir, mais sur le respect des besoins de chacun. Oui, il est possible de se faire obéir en utilisant les bons mots !

Comprendre son enfant, l'aimer, dialoguer avec lui et chercher à le comprendre davantage ne veut pas dire pour autant céder à toutes ses envies et impulsions. Dire non, lui transmettre des valeurs et lui donner des limites passent d’abord par notre attitude.

"Nous sommes un modèle pour notre enfant", précise tout au long de ses conférences la pédiatre Catherine Gueguen, auteur du best-seller Vivre heureux avec son enfant, elle-même formée à ces techniques. "L'enfant nous prend pour modèle et nous imite. Si on crie, il crie. Si on le respecte, il devient respectueux. Les limites doivent être posées avec calme, douceur et patience. En passant du pouvoir sur au pouvoir avec, il devient possible de vivre les conflits avec nos jeunes d’une manière constructive, et ainsi de leur offrir une éducation sans punition ni récompense."

Poser des limites

Des méthodes qui aident à poser le cadre !

La méthode aide aussi à poser le cadre. "Les parents peuvent l’utiliser pour donner les règles indispensables à la vie de leur famille ", souligne encore Nicole Sarradon. 

Le processus transmet également plus naturellement les notions du respect de soi, des autres, de la vie, en favorisant l’autonomie et la responsabilité, mais aussi la créativité et la capacité d’initiative. Bref, ces techniques permettent de vivre concrètement, au quotidien, des intentions éducatives bienveillantes.

Attention toutefois à ne pas se lancer seul et à se faire aider si besoin. "Si elle est mal comprise, la pratique de ces techniques, qui s’intègrent dans la dynamique de la parentalité positive, peut faire beaucoup de dégâts, surtout au sein de couples qui ont des opinions différentes par rapport à l’intérêt de la méthode", alerte Nicole Sarradon. Dans ce cas, mieux vaut que les parents soient accompagnés. Sinon cela peut mener à des ruptures. "Les enfants eux-mêmes, qui se croient tout puissants et en souffrent, risquent alors d’être également mis en danger. Non, les enfants n’ont pas toujours raison !" 

TÉMOIGNAGES 

Christine Clin, jeune grand-mère et coach en développement personnel 

" J’utilise les outils de communication bienveillante avec ma petite-fille de 5 ans que je garde régulièrement. Quand elle pleure ou se met en colère, j’essaye de comprendre ce qu’elle a. Du coup, se sentant écoutée, elle s’exprime et les choses rentrent généralement beaucoup plus vite dans l’ordre, même si le remède n’est pas magique... Cette méthode, qui exige malgré tout beaucoup de volonté et une réelle envie de faire autrement, m’a permis de repérer ce qui suscite la violence en moi. Au fil du temps, j'ai pris - et je continue à prendre -  conscience de ma part de responsabilité dans toutes mes relations. " 

April Baldwin, américaine installée à Paris et mère de deux étudiantes

" J'étais régulièrement submergée par des émotions que je ne savais pas gérer, notamment en famille. Les outils de la CNV m’ont donné des clés étonnantes avec mes filles en l’espace de quelques mois. Aujourd’hui, je suis de moins en moins dans le jugement. Et en cas de conflit, je ne parle que de moi. Du coup, l’autre en face se sent respecté. Je me sens de plus en plus présente à moi-même et authentique. Un vrai bonheur ! "