Jeune enfant dans les bras de son père
Accompagnement des parents
06 octobre 2016

Les Maisons des familles, des lieux d'entraide au service des parents

A l'occasion de Mamans en fête, présentation des Maisons des familles, un programme lancé par la fondation en 2009 à Grenoble et à Marseille, étendu en 2014 à Amiens, puis dans d'autres villes. Des lieux pas comme les autres, où les familles viennent parler, échanger et s’entraider.

Accompagner les parents

À la Maison des familles de Nantes-Saint-Herblain ©JP Pouteau/Apprentis d'Auteuil
À la Maison des familles de Nantes-Saint-Herblain ©JP Pouteau/Apprentis d'Auteuil

"Dès toute petite, j’ai eu du mal à communiquer avec les gens. Ça m’a beaucoup freinée dans mon adolescence, ce qui a entraîné des échecs dans ma vie. Grâce à la Maison des familles, j’ai pu partir avec mes enfants l’été dernier pour la première fois, sans l’appréhension de rencontrer d’autres personnes et d’être en contact avec eux." Ainsi témoigne Juliette (1), jeune maman accueillie par la toute nouvelle Maison des familles de Nantes-Saint-Herblain (44). Les échecs répétés dans les parcours de vie, l’isolement, et parfois la peur du contact, fragilisent la confiance de nombre de familles dans leurs capacités éducatives auprès de leurs enfants et les entravent dans leur développement. Œuvrant auprès des jeunes depuis cent cinquante ans, Apprentis d’Auteuil, comme nombre d’acteurs sociaux, a fait le constat d’un besoin urgent de les accompagner, de les aider à développer leurs talents et leur envie d’agir, sans les juger ni leur imposer des solutions toutes faites.

En chiffres

• 8 Maisons des familles au printemps 2016, à Marseille, Mulhouse, Nantes-Saint-Herblain, Amiens, Grenoble, Bordeaux et Annecy.
• 20 Maisons des familles vont faire partie du programme d’ici 2017
• 5000 familles accompagnées par Apprentis d’Auteuil en France métropolitaine et dans les DROM.

Des lieux où l'on se sent bien

Un atelier cuisine de la Maison des familles de Mulhouse © P Besnard / Apprentis d'Auteuil
Un atelier cuisine de la Maison des familles de Mulhouse © P Besnard / Apprentis d'Auteuil

« Les Maisons des familles ? Ce sont de vraies maisons, des lieux accueillants, chaleureux, avec une cuisine, un salon, un espace de jeux… On s’y sent chez soi », souligne d’emblée Bénédicte Jacquey-Vazquez, directrice du programme. De fait, inspirées par l’expérience québécoise (2), les premières Maisons comme les nouvelles, partagent ces points communs de convivialité et d’ouverture. Anne-Sophie Durand, responsable de la Maison de Mulhouse, explique : « Le bâtiment est à Caritas. Ce sont de beaux locaux avec un espace extérieur. Nous les avons  pensés, embellis, comme une maison. Avec en tête, notre objectif : l’aide à la parentalité. »

Les Maisons des familles s’implantent là où il y a des besoins et des possibilités de partenariat avec les communes et d’autres associations. Elles sont créées en majorité dans les centres urbains bien desservis par les transports en commun, à proximité immédiate des quartiers sensibles, afin d’ouvrir les portes au plus grand nombre de familles et d’éviter un effet de stigmatisation. L’exception ? L’antenne de la Maison des familles d’Amiens à Montdidier, en zone rurale, là où certaines familles connaissent l’isolement et la précarité.

La parole et le partage

Instant de complicité entre deux mamans, Maison des familles de Mulhouse © P Besnard/Apprentis d'Auteuil
Instant de complicité entre deux mamans, Maison des familles de Mulhouse © P Besnard/Apprentis d'Auteuil

« Élever un enfant, c’est passionnant, parfois épuisant. Quand les défis éducatifs interviennent sur fond de précarité économique ou d’isolement social, le quotidien devient vite lourd à porter, particulièrement pour les mamans seules, explique Bénédicte Jacquey-Vazquez. Ces Maisons, où des parents peuvent partager leurs expériences et devenir ressources, agissent comme des intégrateurs sociaux. Nous souhaitons que les parents s’y sentent reconnus et respectés. »

Les Maisons des familles proposent, outre l’accueil informel, différentes activités collectives et des entretiens individuels. Les ateliers sont créés en fonction des désirs des parents. Ainsi, à Nantes, un groupe de parole qui se rencontre régulièrement sur le thème du respect. D’autres parents ont souhaité mettre en place un atelier jardin, où enfants et parents pourraient participer.

Le groupe de parole mis en place par la Maison des familles Les Buissonnets de Marseille est particulièrement apprécié par Saïda : « Ce que je préfère dans les activités proposées, c’est le groupe de parole « Pause maman » du mardi matin. Il y a un thème différent à chaque fois. Je sais que je suis en confiance et que ce que je dis ne va pas sortir du groupe. C’est vraiment très aidant. Et je me suis fait de nouvelles amies. »

À Mulhouse, un atelier cuisine accueille enfants et parents. L’on s’échange des recettes, des astuces, on partage de bons moments. « Ici, souligne Hilham, maman de Malak et de Yasser, je ne pense pas à mes problèmes, ils restent à la porte. Je trouve la tranquillité et une vraie famille. Je voudrais apporter des choses aux autres, comme des recettes italiennes et marocaines. J’espère que cette maison sera toujours ouverte… »

Le pouvoir d'agir

Des Maisons où l'on peut échanger © P Besnard/Apprentis d'Auteuil
Des Maisons où l'on peut échanger © P Besnard/Apprentis d'Auteuil

Animées par des permanents, des bénévoles et par les parents eux-mêmes, les Maisons des familles misent sur la bienveillance, l’échange entre pairs et sur le développement du pouvoir d’agir des personnes. Chercheur à l’université de Laval au Québec, Yann Le Bossé (2) explique : « Les échecs paralysent les individus, les empêchent de se projeter. Pour pouvoir s’affranchir d’une difficulté, il faut pouvoir agir. L’action est nécessaire, car on ne s’affranchit pas mentalement. »

Salariés, bénévoles et familles participent tous à la bonne marche de la Maison, des tâches matérielles en passant par l’animation des activités et la participation au conseil de Maison. Mahdi, un jeune de 13 ans, s’implique avec enthousiasme dans l’entretien du jardin à Nantes. Michèle, à Mulhouse, a refait les housses de chaises : « C’est une maison où tout le monde participe. On partage sur tout. » Aïcha, assistante maternelle à Montdidier : « J’ai besoin de communiquer avec d’autres personnes sur certaines questions Par exemple : faut-il forcer un enfant à être propre ? Ou bien, comment tenir lorsqu’on lui dit non ? » Apprendre par l’échange, tout en prenant conscience de ses atouts et de la richesse de son expérience : des moyens essentiels pour reprendre confiance.  « Je suis ravie de venir discuter avec d’autres mères sur des sujets qui me tiennent à cœur, comme l’éducation ou le sens à donner à  sa vie, confie Marthe, qui fréquente la Maison des familles de Marseille-Nord.  Même si nous sommes de cultures différentes, nous arrivons à échanger dans le respect. C’est une vraie richesse. » 

(1) Le prénom a été changé

(2) Fédération des organismes communautaires Famille

(3) Voir la vidéo sur You Tube

Le programme Maisons des familles
Pour arriver à vingt Maisons des familles d’ici 2017, 2,5 millions sont nécessaires. Le financement repose sur des fonds publics (CAF, villes, départements, État), associatifs et privés (donateurs et mécènes, contact : 01 44 14 75 20). Dix partenaires participent au programme avec Apprentis d’Auteuil : Secours catholique, Caritas Alsace, ATD Quart-Monde, L’École des parents et des éducateurs, Le Rocher, Le Valdocco, l’Association des cités du Secours catholique, l’Association réunionnaise d’éducation populaire, Rigolo comme la vie, Noemi. Parmi les nouvelles Maisons prévues en 2016 et 2017 : Roubaix (59), Ermont-Eaubonne (95), Le Havre (76), Vaulx-en-Velin (69), La Réunion (974), Vallauris (06), Toulouse (31)…
Les Maisons des familles sont également financées par l'opération Mamans en fête qui se déroule tout au long du mois de mai.

Deux questions à Claude Martin, sociologue et directeur de recherche au CNRS

Claude Martin
Claude Martin

 

Quel regard portez-vous sur la parentalité ? Le mot parentalité cherche à parler des pratiques parentales optimales pour le futur des enfants, et non de ce que sont les parents. Il dénote, d’une part, le fait qu’être un bon parent est compliqué, et d’autre part, manifeste une anxiété collective assez forte sur l’avenir des enfants. Pour moi, ce n’est pas qu’une affaire de parents mais d’adultes.

Il en va des responsabilités générationnelles et collectives : les adultes d’aujourd’hui doivent penser un futur pour l’ensemble des générations à venir et non pas seulement pour leurs propres enfants. Cela éviterait de donner à penser que les échecs de socialisation ne sont que le fait des parents.



Que pensez-vous d’un modèle d’accompagnement à la parentalité où les parents échangent et trouvent par eux-mêmes des solutions ?

Cette possibilité de partage entre parents donne à chacun la capacité de mutualiser des préoccupations et des façons d’agir. Les parents se rendent compte qu’ils ne sont pas les seuls concernés par tel ou tel problème. Avec une limite : seuls les parents qui valorisent leur propres solutions ou font confiance à celles d’autres parents,  adhérent à cette pratique. Un long et délicat travail de mise en confiance doit être fait : personne ne sera ni jugé, ni considéré comme mauvais parent parce qu’il manque de temps, d’argent ou d’assez bonnes conditions de logement… Cette mise en confiance et cette mise en relais entre adultes se tricotent sur le long terme.