Accompagnement des parents

Dans les pas des tout-petits

Directrice scientifique de l’Institut petite enfance de Boris Cyrulnik, Anne-Sophie Rochegude s’émerveille chaque jour du potentiel des bébés et des découvertes scientifiques dans ce domaine. Elle tient à les partager.

Pourquoi souhaitez-vous mettre à la disposition du grand public les résultats de recherches sur la petite enfance ?

Quand un bébé vient au monde, il veut le connaître. C’est un aventurier, un explorateur. Via les recherches qui explosent dans tous les domaines de la petite enfance, nous pouvons mieux comprendre son développement, les missions qu’il doit accomplir, les outils (cerveau, corps) et les bagages (langage, motricité) dont il dispose, sa vulnérabilité mais aussi ses exceptionnels potentiels. D’où ma volonté d’en faire profiter tout le monde, afin que chacun puisse se dire : "C’est intéressant, cela me questionne", sans pour autant tout remettre en question, la manière d’être et la façon de faire.
Les recherches permettent de prendre conscience de l’enjeu d’une présence, d’un geste, d’une parole, d’un détail qui dit beaucoup pour un tout-petit et révèle son côté vivant, intrigant, étonnant.
Le psychologue américain Andrew Meltzoff affirme : "Les enfants apprennent plus durant les 2 000 premiers jours de  leur vie qu’ils n’apprendront dans toute autre période de six ans." Autant être à la hauteur ! 

Comment l’adulte, parent ou professionnel de la petite enfance, peut-il aider un bébé à explorer le monde ?

Par une présence de qualité ! Entourer, bichonner un nouveau-né, lui dire des mots d’amour, c’est créer autour de lui une enveloppe sensorielle qui le sécurise et le dynamise. Un bébé n’est pas dupe : il perçoit si un adulte chante pour lui, par rituel, ou avec cœur et attention. Une présence de qualité ne signifie pas une omniprésence. Le bébé doit se sentir libre de suivre son chemin, de tenter sa chance, d’apprendre par lui-même, dans un environnement facilitateur, apaisant et ludique. En voulant le sur-stimuler ou le sur-accompagner, nous lui ôtons sa liberté. En voulant tout aseptiser, nous le rendons plus vulnérable.  "Ne tentez pas de tout apprendre à vos enfants. Laissez-les apprendre par eux-mêmes", suggère Alison Gopnik, professeure de psychologie cognitive. Pour préserver leurs particularités, leur unicité.

Comment faire lorsqu’un parent se sent démuni, estime ne pas savoir, ne pas pouvoir accompagner son bébé ?

En le rassurant, en lui disant qu’une mère, qu’un père, apprend chaque jour à être parent, dès l’instant où il répond "oui" à cette rencontre merveilleuse avec son bébé. Et ce, même si sa propre enfance n’a pas été merveilleuse. Le tout-petit peut être accompagné par une constellation de figures d’attachement (grand-parent, frère, cousin...), le temps pour le parent de (re)prendre confiance en lui, sans culpabiliser, et de développer un attachement de qualité avec son bébé. "Le développement de l’enfant tient plus du biscornu que du linéaire" rassure le psychologue Olivier Houdé

Doit-on faire le deuil d’une vérité universelle ? Lui substituer le bon sens, l’amour, la légèreté ?

Le tout-petit regarde, observe, imite, apprend et retient, autrement dit, il assure ! À nous parents et professionnels de la petite enfance de lui faire confiance, de nous faire confiance... de nous détendre. De nous mettre dans la peau d’un jardinier qui laisse pousser son bébé. Et se laisse surprendre. 
À lire
Pour mieux comprendre bébé, recherches et petite enfance
Anne-Sophie Rochegude
Éd. Philippe Duval