
Rapport d'activité 2023 d'Apprentis d'Auteuil : défis et perspectives
Dans l’édition 2023 de son rapport annuel, Apprentis d’Auteuil met en lumière ses missions, ses orientations stratégiques et ses résultats financiers au regard de l’année écoulée. Les explications de Sophie Landowski, secrétaire générale.
Comment s'est passée l'année 2023 pour Apprentis d'Auteuil ?

L’année 2023 a été marquée par une inflation persistante et par un contexte géopolitique tendu avec le déclenchement du conflit au Moyen Orient. Tout cela a pu accentuer l’inquiétude générale, en particulier sur les prix de l’énergie. Malgré tout, l’année a été positive d’un point de vue financier pour la fondation. Apprentis d’Auteuil termine avec un résultat positif de 22 millions d’euros, ce qui est une bonne nouvelle. Pour pouvoir financer les cinq années du projet stratégique, le conseil d’administration avait autorisé un budget un peu en déséquilibre - 5 millions par an pendant cinq ans - et la possibilité de puiser dans les réserves pour matérialiser l’effort supplémentaire. Nous avons pourtant toujours été positifs et avons mieux fait que le budget.
Comment expliquer ce bon résultat ?
Il provient d’éléments exceptionnels, comme le très bon niveau des legs comme en 2022, la cession de placements financiers qui génèrent des plus-values financières. Mais aussi de la très bonne tenue budgétaire au niveau des établissements. La deuxième bonne nouvelle pour l’année 2023, c’est le retour à la croissance, même si elle est modeste, en termes de nombre de donateurs et de don moyen. En 2022, le nombre de donateurs avait légèrement décroché du fait de l’inflation et des événements internationaux qui avaient rendu la prospection difficile. Nous pouvons compter sur la fidélité de nos donateurs, je tiens à le préciser et à les remercier. Chaque don compte. Nos efforts en publicité, en recrutement de nouveaux donateurs, ont également payé. C’est plutôt encourageant, même si c’est fragile, dans un contexte difficile pour tout le monde.

Quels sont les points forts pour l’année 2023 ?
En 2023 l’activité continue à croître, malgré le contexte, mais à un rythme moins soutenu qu’en 2022, notamment en protection de l’enfance avec 10% de croissance. Cela montre la confiance que nous font les Départements, malgré leurs difficultés financières, le fait qu’ils reconnaissent la qualité de notre travail, celui de nos équipes sur le terrain, de nos prises en charge. Cette croissance s’explique par une augmentation de l’activité de nos établissements, en général à la demande du Département, que ce soit par le nombre de places ou bien le développement de nouvelles modalités de prises en charge comme le placement d’un jeune au domicile familial. Cette modalité de placement se développe : il peut s’agir d’une mesure pour éviter un placement en Maison d’enfants, le prévenir, ou bien d’une transition à la sortie du placement en Maison d’enfants, pour que le retour du jeune en famille s’effectue en douceur. Les domaines du scolaire et de l’apprentissage sont eux aussi en croissance, mais dans une moindre mesure.

Comment s’opère cette croissance ?
Une de nos orientations stratégiques, c’est d’allier développement choisi et exigence de qualité. À chaque nouveau projet, que ce soit une reprise d’établissement, une création de dispositif, la réponse à un appel à projet du Département, nous nous posons la question de la qualité : allons-nous être capables de développer notre projet éducatif d’un point de vue qualitatif dans ce nouvel établissement ? En avons-nous les moyens financiers ? Nous entrons dans cette culture du développement choisi et d’attention à la qualité.
Le rapport d’activité pointe les défis à relever : coup d’arrêt des politiques publiques, crise des métiers du social...
Ce sont en effet de vrais défis. La pérennité des financements publics est pour nous source d’inquiétude. Tout d’abord, concernant le plan d’investissement dans les compétences (PIC) de l’État, qui finançait une grande partie de nos dispositifs d’insertion, et s’arrête en 2024, d’où une grande incertitude pour la suite. Les modalités de financement et d’interlocuteurs vont complètement changer : elles vont passer dorénavant par les services de France Travail et par des appels à manifestation d’intérêt locaux dans les régions. Allons-nous pouvoir continuer à accompagner les quelque 6 000 jeunes qu’on a accompagnés jusqu’à aujourd’hui ? L’inquiétude se double d’une incertitude. Il va falloir soit trouver d’autres financements, soit trouver d’autres façons de travailler pour optimiser l’organisation et les coûts.

Avons-nous déjà des pistes ?
L’incertitude, dans le domaine de l’insertion, n’est pas un phénomène nouveau. Le PIC a été prolongé plusieurs fois : les équipes ont un peu l’habitude, malheureusement, de s’adapter et de réfléchir au coup d’après. Elles se préparent à plusieurs scénarios. Mais cela génère beaucoup d’inconfort. L’autre pan des financements publics concerne la protection de l’enfance, assurée par les Départements. Or, ils sont de plus en plus contraints financièrement, leurs ressources diminuant. Résultat, dans de plus en plus de départements, nos négociations pour financer les activités liées à la protection de l’enfance pour chaque Maison d’enfant sont de plus en plus tendues. Nous restons sur le qui-vive pour défendre nos budgets. Même les Départements qui finançaient très bien la protection de l’enfance commencent à vouloir réduire les budgets, les coûts, à refuser des charges, à ne pas prendre en compte l’inflation, par exemple. C’est un vrai risque sur lequel nous sommes alertés, nous y travaillons beaucoup.
Que fait-on de l’excédent dégagé ?
Ce bon résultat - 22 millions d’euros d’excédent - nous permet de financer un niveau d’investissement en augmentation, qui approche les 50 millions d’euros en 2023, ce qui est une bonne nouvelle. C’est une impulsion du conseil d’administration de faire un effort d’investissement, avec un plan quinquennal qui liste et séquence tous les projets d’investissements immobiliers. Il s’agit de rénover notre outil de travail pour améliorer la prise en charge des jeunes. Nous avons par exemple un gros projet de rénovation complète du site de Meudon, dans les Hauts-de-Seine, où se situent les établissements Saint-Philippe. Cet été, débuteront des travaux pour rénover l’école Joie de Vivre à Strasbourg. Un autre projet concerne le site des établissements Saint-Antoine à Marcoussis. Dans ce cadre, nous en profitons pour embarquer la transition énergétique, conformément aux obligations du décret tertiaire qui prévoit des économies d’énergie mesurables sur tous nos bâtiments de plus de 1000 m2. Parfois, il faut faire des travaux spécifiques : isolation, changement de fenêtres, de toiture etc. Ces bons résultats nous permettent de continuer à soutenir cet effort.

Apprentis d’Auteuil a dressé son premier bilan carbone. Quelle est la suite ?
Nous attendons avec impatience le bilan 2023, car, ce qui va être intéressant, c’est l’évolution de ce bilan carbone. Nous démarrons à 67 400 tonnes de CO2 (bilan 2022). Une grosse partie de ces émissions provient des bâtiments, du transport. Les travaux engagés vont améliorer mathématiquement le bilan carbone. Il est prévu qu’il soit déclinable établissement par établissement, qu’il constitue un outil de travail pour les équipes afin d’agir, poste par poste, en embarquant les jeunes. C’est un outil au service de la qualité et de cette orientation « écologie intégrale » inscrite dans notre projet stratégique.
Quelle est la répartition des ressources entre financements privés et publics ?
La répartition est globalement stable en 2023, avec une légère augmentation de la part des financements publics, en valeur relative. Le montant des financements publics augmente en valeur absolue avec le PIC, les financements croissants des Départements en protection de l’enfance, le Fonds social européen géré par l’Etat ou les Régions. C’est le signe de la confiance que nous accordent les pouvoirs publics, que ce soit l’État, les Régions, les Départements, l’Europe, qui nous confient ces missions d’utilité publique. Il est aussi très important que nous conservions notre part de financements privés. En valeur absolue, elle ne diminue pas. Les donateurs et les testateurs contribuent à cette solidité en permettant de financer notre projet éducatif, notre pastorale, notre soutien aux familles, nos actions à l’international, des expérimentations, des innovations. Autant de projets, qui, parfois, sont repris par des acteurs publics. C’est une vraie chance, une liberté. Grâce à eux, nous pouvons avoir de l’audace.

Qu’est-il prévu pour l’accompagnement des familles ?
Dans le domaine de la parentalité, qui est un axe de développement, nous réfléchissons à de nouvelles modalités. Pourquoi pas une fédération avec d’autres acteurs pour porter le développement des Maisons des familles ? Les régions s’emparent également de ce sujet parentalité de manière globale, pour pouvoir accompagner les parents dans les dispositifs, quels qu’ils soient, en protection de l’enfance, en scolarité, dans l’insertion, où nous avons parfois de jeunes parents. Nous travaillons aussi avec Auteuil Petite Enfance et les crèches à vocation d’insertion professionnelle.
Comment s’engage l’année 2024 à mi-parcours ?
L’incertitude n’est pas levée, il y a un grand manque de visibilité, en particulier concernant l’insertion. Vu le contexte général, nous sommes attentifs à rester sur cette ligne du développement choisi.
INTERVIEW NICOLAS TRUELLE
Nicolas Truelle, directeur général d'Apprentis d'Auteuil, quitte ses fonctions au 1er juillet. Dans cette vidéo, il dialogue avec Jean-Marc Sauvé, président du conseil d'administration, et revient sur l'année 2023.
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