L’importance de l’attachement de l’enfance à l’âge adulte
Comment se construisent les liens d’attachement au cours de notre vie ? Quelles sont leurs répercussions sur la confiance en soi, la santé, le couple ou la parentalité ? Yoanna Micoud, psychologue, publie avec sa consœur Gwénaëlle Persiaux un livre illustré pour répondre à toutes ces questions. Propos recueillis par Félix Lavaux.
Comment est né la théorie de l’attachement ?
John Bowlby, le père de ce concept, s’est rendu compte en étudiant le monde animal, puis ensuite les bébés, que face à un inconfort ou à une détresse, les mammifères avaient prioritairement besoin de réconfort et de contacts corporels. C’est ainsi qu’est née la théorie de l’attachement. D’autres auteurs ont travaillé sur ce sujet dont Boris Cyrulnik qui a popularisé ce concept auprès du grand public avec ses travaux sur la résilience.
Comment la définir ?
Le besoin d’attachement est un besoin inné, biologique et universel qui touche tout être humain quelle que soit sa culture. Celui-ci nous pousse à rechercher ce que l’on appelle une « figure d’attachement », une personne susceptible de nous apporter du réconfort lorsqu’on en a besoin. Ce besoin est vital pour tous les mammifères. On sait, grâce aux travaux de René Spitz sur les orphelinats en Roumanie, que lorsqu’un enfant n’a pas quelqu’un pour répondre à son besoin d’attachement, il peut se laisser mourir.
Comment se développent les liens d’attachement dans l’enfance ?
Quand un bébé arrive au monde, il naît immature. Il est alors totalement dépendant de son environnement pour s’alimenter, veiller sur lui. Un bébé ne peut pas survivre seul. Cette maturation du cerveau chez l’être humain ne se termine qu’entre 23 et 25 ans ! Ce qui se construit en premier dans le cerveau d’ un bébé, se sont les parties consacrées à l’émotion et aux fonctions vitales. Un bébé confronté à un inconfort ou à un stress, qui a faim ou qui a peur, va être informé par son cerveau archaïque que quelque chose ne va pas. Il va alors manifester sa détresse par un cri, un geste. La capacité de son entourage à répondre à cet appel va alors être extrêmement déterminant pour la construction de son système d’attachement. Si le parent répond avec douceur et bienveillance, le bébé va s’apaiser et construire une expérience sécurisante. La répétition de ses moments "d’accordage" entre parent et enfant va ensuite favoriser un style d’attachement (sécure, anxieux, désorganisé…) et une manière d’être au monde à l’âge adulte. Les liens d’attachement représentent ainsi une base solide pour développer la confiance en soi.
Quels sont les impacts des violences éducatives sur les liens d’attachement ?
Les violences éducatives ordinaires (fessées, gifles, paroles dévalorisantes) sont parfois utilisées, à tort, pour éduquer un enfant. Or, plus un enfant a vécu de violences éducatives au cours son enfance, plus elles façonnent sa personnalité. Car le parent qui a généré cette insécurité avec ces violences ordinaires n’est pas en capacité d’apaiser son enfant par les liens d’attachement. Ces adolescents vont ensuite grandir avec cet attachement insécure qui peut engendrer des problèmes de comportement ou de la violence à l’occasion d’un stress.
Comment les liens d’attachement influent-ils sur la parentalité ?
Quand un adulte devient parent, l’enfant qui arrive va réveiller les blessures d’attachement que celui-ci a vécu au cours de son enfance. D’une manière inconsciente, ces jeunes parents peuvent reproduire les comportements de leurs propres parents. J’ai travaillé douze ans en protection de l’enfance. La plupart des parents "inadaptés" ou qui avaient un comportement violent avaient des difficultés à construire des liens sécures avec leur enfant. Même si ces parents aimaient profondément leur enfant, ils avaient tendance à reproduire ce qu’ils avaient eux-mêmes vécus.
Rien n’est écrit pour autant pour toute la vie ?
Effectivement, les difficultés que l’on peut rencontrer en matière d’attachement ne sont pas des pathologies. Si l’on n’a pas eu la chance d’avoir un attachement sécure au début de sa vie, il n’est jamais trop tard pour apprendre à notre système nerveux à s’apaiser, à acquérir des techniques de gestion du stress ou de ses émotions. Cela peut aussi passer par des rencontres fraternelles avec des amis, par la vie de couple ou par la consultation d’un thérapeute. Il existe de nombreuses voies pour travailler sur soi-même et pour réparer ses blessures d’attachement.
Pour en savoir plus
Les liens d’attachement de Gwénaëlle Persiaux, Yoanna Micoud et Johanna Crainmark
Éd. Eyrolles
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