Des élèves du Lycée professionnel agricole Val de Drôme posent dans un champ devant un tracteur
Société

Jeunes ruraux et fiers de l’être

GRAND ANGLE. Malgré la crise, les jeunes ruraux en formation dans les établissements agricoles d'Apprentis d'Auteuil croient en leurs rêves. Questions à Arnaud Vauclin, directeur du lycée Val-de-Drôme et témoignages de jeunes, alors que le Salon de l'agriculture vient de fermer ses portes.

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Les jeunes ruraux en formation dans les établissements agricoles d'Apprentis d'Auteuil croient en un avenir possible dans un secteur depuis longtemps en crise.

Quelles sont les motivations des jeunes ruraux qui s'inscrivent dans votre lycée ?

Arnaud Vauclin, directeur du Lycée professionnel agricole Val de Drôme
Arnaud Vauclin, directeur du lycée professionnel agricole Val-de-Drôme (c) Apprentis d'Auteuil

Très attachés à leurs terres natales, les jeunes ruraux constituent la moitié de nos inscrits (l'autre venant de la ville).

Ils aiment la sensation de liberté qu'ils ressentent dans l'exercice de leur métier, le lien qu'ils ont avec la nature, le travail de la terre, la conduite des machines agricoles, etc.

Ils sont aussi fiers d’être enfants d’agriculteurs, ont ancré en eux l’amour de la vie au plein air, au milieu des vaches et des champs, veulent faire comme leurs parents sans y être forcés.

Et ce, malgré les difficultés du secteur - variables selon les métiers - qui ne leur font pas peur. Ils sont conscients des obstacles qui les attendent, mais pour un grand nombre d'entre eux, c'est une histoire de passion avant tout.

Habités par la question du sens, comme beaucoup de jeunes de leur génération, ils sont également désireux de s'engager pour la transition écologique. L'effectif de nos promotions est en augmentation depuis 2-3 ans.

Que pensent-ils de la crise du monde agricole ?

Nos jeunes connaissent de l'intérieur la dure réalité du métier. Ce qui ressort des échanges entre eux et nous, équipe d'enseignants, ce sont avant tout les grosses incertitudes financières qui les attendent et la pression qui pèse sur les futurs exploitants qu'ils aspirent à être un jour. Avec la nécessité des grosses dépenses à prévoir s'ils veulent agrandir leurs exploitations...

Sans oublier la paperasserie administrative, la multiplication des normes et des réglementations à respecter, les injonctions contradictoires, la difficulté à prendre des congés, etc.

Ils comprennent tout-à-fait le mouvement de colère agricole actuel et en parlent entre eux, leurs parents étant tous concernés de près par ces questions et cette course en avant vers une agriculture exportratrice et industrielle. 

 Lycée professionnel agricole Val de Drôme - Un jeune en Bac Pro Conduite et entretien des machines agricoles
Un élève du lycée en plein exercice. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

Quels sont les atouts de l’enseignement proposé au lycée Val-de-Drôme ?

Lycée professionnel agricole - un jeune en maraîchage
Un jeune en maraîchage en lycée professionnel agricole. (c) Laëtitia Notarianni/Apprentis d'Auteuil

Nos élèves, notamment s'ils sont fâchés avec les études plus "classiques", sont motivés par la formation concrète et pratique proposée et l'expérimentation sur le terrain.

Issus du monde rural ou non, ils y cultivent les parcelles, s'occupent des animaux et y réalisent leurs travaux pratiques. Leurs différents stages leur permettent de confirmer leurs intuitions.

Autre atout non négligeable en termes de pédagogie et de "vivre ensemble", la vie en internat, très appréciée !

TÉMOIGNAGES  DE  JEUNES

Clément Rasclard, 17 ans, en terminale bac pro agroéquipement au lycée agricole Val-de-Drôme, à Montéléger (26)

« Le bac pro que je passe en juin, c’est du concret et du vivant. Il prépare à la conduite et à l’entretien des engins utilisés dans les exploitations agricoles. On s'initie aussi au cycle de développement et de production des céréales, sans oublier des chantiers agricoles en conditions réelles. Mon père est ouvrier agricole. Je ne me vois pas faire un autre métier. Plus jeune, j’ai beaucoup travaillé avec lui. Je n’ai pas été poussé dans mon choix, il vient vraiment de moi, même si je ne vais pas nier les aspects plus difficiles du travail en milieu rural. Les journées peuvent être parfois bien longues...

Ce qui m’intéresse, c’est être dehors et au contact de la nature, des animaux, voir les cultures pousser, avoir la sensation d’être libre et de contribuer à nourrir la population. Dans une ferme, on ne s’ennuie jamais. Je vois l’exemple de mon père, si heureux de ce qu’il fait. Il m’a vraiment donné le goût du métier. L’essentiel, c’est d’être motivé. Après mon bac, je voudrais poursuivre avec le BTS proposé par le lycée, puis travailler un temps comme ouvrier agricole, pour avoir l’expérience suffisante pour lancer mon exploitation. »

Clément Simon, 24 ans, en 2e année de BTS au lycée agricole Saint-François La Cadène, à Labège (31)

« Je termine cette année un BTS métiers du végétal au lycée Saint-François et poursuivrai mes études jusqu’au master en agronomie. Issu du milieu rural et titulaire d’un BTS aquaculture, je suis en reconversion après quelques années d'expériences professionnelles variées. Mon père, actuellement en fin de carrière, est exploitant de vaches laitières en Bretagne. À ses côtés, j’ai touché à tout et j'ai gardé de mon éducation les valeurs du monde agricole : l’amour du travail bien fait, le sens de la convivialité, etc. Je ne pense pas reprendre son exploitation comme telle, mais garder des parts de la ferme familiale et peut-être en racheter des parcelles pour les louer comme terres arboricoles, avant d’accéder à des postes à responsabilité dans le milieu.

Ma génération voit la vie professionnelle différemment des anciens : on ne veut pas travailler H24 comme eux à coup de subventions et produire toujours plus avec moins de bras et des endettements chroniques. En même temps, je reste foncièrement attaché à ce que j’ai vécu plus jeune. Quoi de mieux, selon moi, que de se lancer dans le secteur de l’agriculture si on veut exercer une profession qui a du sens, même si elle est exigeante !

Concernant la politique agricole, cela me rend fou de voir toute la corruption qui règne dans le milieu. J’oscille, comme beaucoup de jeunes de mon âge, entre espoir et colère. Cela va être difficile de changer la donne dans notre secteur, à moins d’une une crise mondiale. Je n’attends plus rien des politiques, par contre j’ai beaucoup d’empathie pour ce qui se vit du côté des associations du monde paysan.

Même si elle risque d’être parfois un peu compliquée, je crois en la vie professionnelle qui m’attend dans un secteur que j’ai toujours aimé et que j’ai décidé de choisir à nouveau ! »

Le lycée agricole Val-de-Drôme

  • 150 élèves
  • Enseignement : de la 4e et à la 3e découverte et orientation professionnelle de l'enseignement agricole jusqu'au bac pro agroéquipement (diplôme exigé pour bénéficier des aides à l'installation).
  • CAP agricole service au personnes et vente en espace rural (SAPVER)
  • BTS génie des équipements agricoles en apprentissage

    Les membres de l'équipe enseignante ont tous un lien avec le monde agricole, la plupart d'entre eux ayant travaillé dans l'agronomie, la maintenance du matériel ou la comptabilité-gestion, avant de se reconvertir dans l’enseignement.