Société
19 avril 2021

Marie Rose Moro : "Abus sexuels ? Entendons les enfants"

Pédopsychiatre et directrice de la Maison de Solenn pour les adolescents, Marie Rose Moro publie Abus sexuels. La parole est aux enfants. Avec la conviction qu’il est temps d’entendre leurs mots – leurs maux – et d’agir, en famille et dans la société, pour traiter ces violences extrêmes. Les prévenir et les condamner aussi.

Que pensez-vous de cette vague de libération de la parole sur les abus sexuels ? 


Ce n’est pas la première, mais celle-ci est médiatisée. Les enfants et les adolescents doivent pouvoir parler. En moyenne, un sur deux le fait. Et les adultes, parents, professeurs, entraîneurs, animateurs socioculturels, etc., doivent les entendre. 

Parfois, lorsqu’un enfant parle, on ne lui fait pas confiance, on lui dit : « Ce n’est pas possible, c’est trop grave, on ne peut rien dire sinon cette affaire va te suivre ta vie entière. » Les adultes doivent reconnaître cette violence extrême, ces délits et crimes punis par la loi. Une mineure sur 5 et un mineur sur 13 subissent des violences sexuelles ! Une agression sexuelle sur 10 seulement est reconnue ! Les enfants et les adolescents sont vulnérables, protégeons-les, respectons-les.

Comment les accompagnez-vous, les soignez-vous ? 


En premier lieu, nous signalons tout abus sexuel à la justice. Puis, nous évaluons la situation, nous consolons les victimes et cicatrisons les plaies, avec des prises en charge personnalisées, complexes, longues et pluridisciplinaires. Pour certains, nous utilisons la parole. Pour d’autres, des thérapies corporelles (relaxation, méditation...). Et nous réunissons la famille : chacun doit reconnaître ce qui est arrivé, sortir de la colère, de la honte, de la culpabilité, retrouver sa place de parent ou d’enfant

Quelles sont les conséquences d’un abus sexuel subi dans l’enfance ? 


Elles sont multiples, car l’abus sexuel touche la personnalité, l’équilibre et le développement d’un enfant. Les tout-petits (les moins de 3 ans) ont peur, ils se développent mal. En grandissant, les enfants souffrent de troubles somatiques (insomnie, anorexie, boulimie...). Avec un sentiment de dégoût, leur estime de soi peut s’effondrer et entraîner des troubles psychologiques anxieux, voire dépressifs. Une fois que les abus cessent, 40 % des victimes les enfouissent au plus profond d’elles-mêmes – on parle d’amnésie traumatique – jusqu’au jour où elles ont une première relation sexuelle consentie, qu’elles deviennent parents, ou que leurs parents décèdent (la famille n’est plus mise en danger). Les faits «gelés» refont surface. Les victimes acceptent, petit à petit, de les reconnaître. Comme une catharsis. 

Abus sexuels, 
La parole est aux enfants

de Marie Rose Moro avec Odile Amblard
Éd. Bayard