Société

Isabelle Filliozat : "Soyons présents pour nos enfants !"

Psychothérapeute et auteure de nombreux guides sur la parentalité, Isabelle Filliozat met l’attention au cœur de la relation parent-enfant. Avec, comme objectif, leur épanouissement dans la confiance et la joie, malgré les aléas de la vie.

Pourquoi vous consacrez-vous à l’enfance et à l’adolescence ?

Depuis toujours, je veux comprendre et explorer scientifiquement la vie. Élevée de manière non-violente par deux parents qui avaient subi énormément de violences, j’ai très jeune été sensibilisée à la problématique de la violence faite aux enfants. Psychothérapeute, j’ai « réparé » des personnes abîmées par leur histoire personnelle. Et j’ai voulu travailler sur ces questions centrales : comment ne pas blesser les enfants et les élever dans un cadre favorable à leur développement physique, intellectuel et émotionnel ?

Comment abordez-vous la relation parent-enfant ?

Je n’ai pas de recette miracle ! Je constate simplement que lorsque les parents comprennent ce qui se passe dans la tête de leur enfant, grâce notamment aux apports des neurosciences, ils changent de regard et posent des actes plus cohérents, plus éducatifs. À moi de leur fournir le maximum d’informations.

Dans Sexpérience, votre dernier livre, vous faites de la sexualité une question de santé publique. Pourquoi ?

En 2017, en écrivant On ne se comprend plus, je me suis immergée dans le monde de l’adolescence. Via leur smartphone ou leur ordinateur, les garçons et les filles sont très tôt exposés à des images pornographiques d’une violence extrême. 22% des adolescents disent avoir imité une scène vue dans un film pornographique. C’est effroyable ! Ils ignorent que 95% des contenus diffusés sur les sites Internet sont piratés et montés. L’objectif de ces sites étant un nombre maximal de vues, ils n’hésitent pas à choquer.
En 2019, avec Sexperience, je souhaite alerter et informer les adolescents sur ce sujet. Pour ne pas paraître moralisatrice, j’ai demandé à ma fille Margot Fried-Filliozat, coach en vie affective et sexuelle dans les collèges et lycées, de coécrire ce livre. 

Comment les adolescents peuvent-ils développer d’autres émotions, d’autres comportements ?

Les adolescents d’aujourd’hui désirent autant d’amour que ceux d’hier. À nous, adultes, de les encadrer différemment. Citoyens, demandons aux pouvoirs publics de prendre des mesures en taxant, par exemple, les sites pornographiques. Parents ou professionnels de l’adolescence, informons-les sur la réalité de ce secteur et des trucages pornographiques. Renouons avec eux de vraies relations. Cessons d’être rivés à nos smartphones ou ordinateurs ! Soyons disponibles et présents pour nos enfants. Décelons ce qui les anime, ce qui les fascine. Proposons-leur des activités pour les réintégrer dans la nature et dans une relation humaine. Au début, ils râleront mais, au final, ils apprécieront.

Quel est votre secret pour les emmener sur ce chemin ?

Éduquer, c’est fournir à l’enfant le cadre et les moyens de s’épanouir, lui donner la liberté de choisir pour qu’il puisse être à l’écoute de ses émotions et prendre le contrôle de sa vie. Au lieu de lui demander : « Quelle note as-tu eue en mathématiques ? », intéressons-nous à ce qu’il a vécu, réalisé, partagé. Ne nous inquiétons pas : dès l’instant où un enfant, un adolescent est bien dans sa peau et intégré socialement, ses résultats scolaires s’améliorent.

Pour favoriser leur épanouissement, vous invitez les adultes à chasser toute forme de pollution...

Pour la simple et bonne raison qu’aujourd’hui en France, les bébés viennent au monde avec 168 produits chimiques dans le corps ! Le Conseil de l’Europe a voté une loi obligeant les industriels à apposer une mention sur certains produits « susceptibles de déclencher des troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité chez l’enfant ». Il dispose de preuves accablantes sur la toxicité de certains bonbons, plats cuisinés et produits bas de gamme. Parlons aussi de la pollution sonore : le bruit altère les compétences de l’enfant et de l’adolescent, en créant trop de stress. À travers le monde, de plus en plus d’écoles sont construites en extérieur. Les enfants sont beaucoup plus attentifs, se concentrent et s’émerveillent davantage.

Entre les lignes, vous placez la joie au cœur de la relation parents-enfants. Pourquoi ?

Si le parent et l’enfant éprouvent de la joie, leur relation est en bonne santé. Mais il ne s’agit pas de faire semblant ! Juste éprouver de la joie, dans une relation de cœur à cœur. Entre deux êtres imparfaits mais présents.

Vous êtes vice-présidente de la Commission des 1000 premiers jours de l’enfant (1), que souhaitez-vous apporter ?

Aux pouvoirs publics, des recommandations pour que la France devienne un cadre propice au développement optimal de l’enfant. Aux parents et aux professionnels de la petite enfance, les précieux enseignements livrés par la science. Avec 16 autres scientifiques, chercheurs et praticiens de la Commission, je dois rendre la science utile, concrète et pratique au quotidien. Pour tous. (1) Commission lancée en septembre 2019 par Emmanuel Macron, sous la houlette du neuropsychiatre Boris Cyrulnik pour faire des 1000 premiers jours de l’enfant une priorité de l’action publique. 

Bio express

  • 12 décembre 1957 : Jour de ma naissance
  • 1971 : À 14 ans, je pars pour le Sri Lanka et l'Inde. Ce voyage transforme ma vie
  • 1992 : Je publie mon premier livre Trouver son propre chemin (Éd. Pocket)
  • 1999 : Au cœur des émotions de l'enfant (Éd. JC Lattès) est un succès
  • 2019 : Je suis nommée vice-présidente de la Commission d'experts des 1000 premiers jours de l'enfant