Formation et insertion

Skola : l'insertion des 16-30 ans coconstruite avec des entreprises

Dédié aux jeunes de moins de 30 ans en grandes difficultés d’insertion, le programme Skola d'Apprentis d'Auteuil propose une alternance entre cours théoriques et mise en pratique en conditions réelles. Un dispositif coconstruit avec des entreprises, qui fait ses preuves.

En France, la situation des jeunes devant l’emploi, en particulier les plus précaires, est préoccupante. Près de 15 % des 15-29 ans sont sans emploi, formation ou stage. Derrière cette statistique, ce sont des milliers de jeunes qui peinent à trouver leur place dans la société. Chacun avec son parcours singulier, ses failles, ses craintes, mais aussi un potentiel qui ne demande qu’à être révélé.
Devant ce constat, Apprentis d’Auteuil ne pouvait rester inactif. La fondation a fait de la formation et de l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi un objectif prioritaire, et lancé différents programmes dont Skola en 2014, à destination des jeunes de moins de 30 ans en difficulté. Seul critère de recrutement, la motivation.
Où qu’il s’incarne, le programme s’appuie sur les mêmes bases : sa durée, courte, sa coconstruction avec des entreprises, sa mise en œuvre en milieu réel, et son suivi personnalisé, dispensé par des salariés de l’entreprise prestataire. Le but est de renouer avec la confiance et de s’inscrire rapidement dans une bonne dynamique. « La clé du succès ? La rencontre humaine qui permet de lever les idées reçues, aussi bien celles d’un jeune sur l’entreprise que celle de l’entreprise sur des jeunes au profil atypique », explique Marie Meganck, sa coordinatrice.

SKOLA en bref

-    Un programme court, de 3 à 18 mois, coconstruit avec des entreprises
-    Pour 12 à 20 jeunes âgés de 16 à 30 ans
-    20 dispositifs à Saint-Quentin-en-Yvelines (78), Roissy et Gonesse (95), Valenciennes (59), Lyon (69), Grenoble (38), Marseille (13), Cagnes-sur-Mer (06), Toulouse (31), Bordeaux (33), Verberie (60), et dans le Médoc
- 10 secteurs d'activité : vente, hôtellerie-restauration, fibre optique, aéronautique, métiers de la vigne, maintenance et support informatique, logistique, industrie, maintenance, installation événementielle
-    Un temps de préqualification pour acquérir les connaissances techniques liées au métier et les savoir-être adaptés aux attentes des entreprises
-    Une alternance entre mise en situation réelle en entreprise et temps de formation en centre
-    Un accompagnement personnalisé
- Un financement via le Fonds social européen (FSE), le Plan d’investissement dans les compétences (PIC), des entreprises partenaires et des mécènes.  Pour en savoir plus, cliquer ici.

Lever tous les freins à l'emploi

Allier formation pratique et formation théorique, avec remise à niveau, est un vrai défi, comme le souligne Capucine Levrangi, formatrice à Skola Vente, au centre commercial Aéroville de Roissy (95). Là, les jeunes alternent entre la boutique et ses « vrais clients » et une salle mise à disposition par le centre pour les cours. « Ils ont deux mois pour se former et décrocher à la fois un diplôme d’État vendeur conseil en magasin et un emploi. Dès le début, nous ne les lâchons pas. Le but est de lever tous les freins, tels que les problèmes de logement, de santé, de famille… » Car c’est bien là que résident souvent les handicaps majeurs. Souvent décrocheurs scolaires, les jeunes manquent de confiance en eux, voire, de repères, et accumulent les difficultés. Typhaine, 20 ans, reconnaît : « J’ai tout de suite aimé ce concept d’allier formation et pratique. En plus, j’ai pu vaincre ma timidité. C’était compliqué pour moi d’aller vers les clients. Aujourd’hui, ça va mieux ! »
L’accompagnement aide à dépasser tout ce qui entrave la progression et les apprentissages. Charly, 19 ans, en formation à Skola Méca à Toulouse (coconstruite avec la Fédération DLR des matériels de construction et de manutention et six entreprises adhérentes), explique : « Hasnia, la coordinatrice, m’a aidé pour trouver un logement à côté de mon entreprise et pour les transports. J’ai arrêté l’école après la 3e. Je voulais travailler. Aujourd’hui, je fais des maths, mais toujours en rapport avec la mécanique, c’est plus concret et plus intéressant de travailler dans un domaine que l’on aime. »
Jonathan, 26 ans, l’affirme : « Je suis dans un cercle vertueux, maintenant. Cette formation m’aide à remonter la pente, après une longue période de chômage. Nous sommes bien épaulés. » Hasnia Benaïssa-Gajouli, la coordinatrice, enchaîne : « Lorsque Jonathan est arrivé, il était un peu perdu, en manque de repères et de projet. Skola Méca lui a donné ce cadre. Depuis, il se révèle de mois en mois. La formation technique est importante, mais aussi la posture. Les entreprises sont attachées au savoir-être : arriver à l’heure, savoir donner un coup de main aux collègues, être force de proposition… »

L'implication des entreprises

La dernière promotion de Skola Aéro à Bordeaux autour du formateur (c) Laurence Escorneboueu/Apprentis d'Auteuil
La dernière promotion de Skola Aéro à Bordeaux autour du formateur (c) Laurence Escorneboueu/Apprentis d'Auteuil

Force du dispositif, le partenariat noué avec des entreprises. Ainsi, Skola se déploie dans 10 secteurs d’activité et dans 20 dispositifs. Chacun propose une formation dans un métier en tension ou d’avenir. « Skola a été créé à partir d’un double constat, détaille Marie Meganck : d’un côté, des entreprises qui peinent à recruter et qui ont parfois de fortes problématiques de turn-over ; de l’autre côté, des jeunes qui ont du mal à accéder à l’emploi, car ils n’ont pas le CV parfait malgré leurs compétences. Skola fait le lien entre ces deux mondes qui, parfois, ne dialoguent pas assez. » Florence Dupont, déléguée générale adjointe de la Fondation DLR des matériels de construction et de manutention, qui annonce jusqu’à 3000 postes non pourvus en France, confirme : « Le soutien à Skola Méca représente un véritable engagement pour notre entreprise qui se mobilise autour de jeunes pour qui l’accompagnement est essentiel ».
À Bordeaux, Skola Aéro a été monté avec une dizaine d’entreprises du secteur de l’aéronautique – dont le groupe Dassault, Sabena et Potez - de nombreux partenaires publics et privés, des mécènes. La formation de 15 mois se conclut par un examen, en vue d’obtenir un certificat de qualification professionnelle (niveau CAP), minimum exigé pour travailler dans ce secteur très pointu. Compétences requises : rigueur, souci du détail, patience, respect des procédures… Le suivi renforcé de chaque stagiaire est primordial pour éviter le décrochage. « Je suis en formation chez Potez qui fabrique les portes des avions Falcon et Rafale, explique Adrien, 21 ans. Quand j’étais petit, je voulais être pilote, mais je n’avais jamais pensé devenir technicien. Si je réussis mon examen, je serai embauché en CDI, cela me permettrait de prendre mon autonomie et de commencer une nouvelle vie ! » 80 % des stagiaires ont obtenu leur diplôme lors de la première session. Une réussite prometteuse, dans un secteur qui recrute.

Thierry Berthet, chercheur au CNRS et directeur du Laboratoire d'économie et de sociologie du travail à l’université Aix-Marseille
« Indépendamment de fragilités personnelles, certains facteurs prédisposent à la vulnérabilité : le genre (les garçons décrochent scolairement plus que les filles, notamment dans les filières professionnelles), l’orientation scolaire, qui ne correspond pas aux vœux d’un jeune, son lieu de vie dégradé ou défavorisé, son origine socio-professionnelle... Pour les aider, l’État et les collectivités territoriales doivent revoir leurs priorités dans la politique de l’emploi. En multipliant par exemple, les dispositifs de socialisation ou de remédiation scolaire (écoles de la deuxième chance, micro-lycées) sur un même territoire, en lien avec des acteurs locaux. Autres facteurs déterminants, la bonne orientation à des moments-clés (3e et 2de), l’accès facilité à l’emploi, en s’assurant que les jeunes en sont informés et osent y recourir. C’est ainsi qu’ils révèleront leurs talents, leurs compétences, leur vocation. »