Formation et insertion

Le défi de la continuité pédagogique pour les apprentis

Parmi les défis à relever pendant le confinement, la continuité pédagogique n’est pas le moindre. À Schiltigheim (Alsace), formateurs et apprentis du CAP Agent polyvalent de restauration ont redoublé d’efforts pour éviter le décrochage des élèves. Ils témoignent.

La formation APR au carrefour des métiers de cuisinier et de serveur. Photo : Apprentis d'Auteuil/ JP Pouteau

« L’important, c’est qu’on ne les perde pas. » C’est la crainte de Benoît Christophe, formateur au sein de l’Unité de formation pour apprentis (UFA), créée il y a une petite dizaine d’années par Apprentis d’Auteuil à Schiltigheim, en Alsace. Alors que la France sort progressivement du confinement et que le retour des lycéens dans leur établissement n'est pas encore acté, ce formateur en cuisine n’espère qu’une chose : retrouver rapidement en classe la trentaine de jeunes qui suivent en alternance sur deux ans le CAP Agent polyvalent de restauration (APR), au carrefour des métiers de cuisinier et de serveur.

Garder le contact à distance

Lucas en formation APR à distance Photo : Apprentis d'Auteuil

Il faut dire que ces deux mois et plus de scolarité hors les murs ont mis à rude épreuve la capacité de l’équipe à maintenir, d’une part, le lien avec des jeunes particulièrement vulnérables et, d’autre part, le rythme ainsi que le niveau d’apprentissage. « C’est un défi de chaque jour, admet Aurélien Maignant, responsable de la formation. Nous accueillons un public de plus en plus mixte et fragilisé, composé de décrocheurs et de jeunes issus pour la plupart de Maisons d’enfants, dont beaucoup de mineurs non accompagnés (MNA). » Benoît Christophe, le formateur, confirme : « C’est déjà compliqué de mobiliser leur attention et leur compréhension en présentiel ; ça l’est d’autant plus en virtuel. »

Fracture numérique

Surtout quand s’ajoute aux difficultés la fracture numérique, réelle chez ces jeunes pourtant hyper connectés aux réseaux sociaux via leur téléphone mobile, mais paradoxalement sous-équipés en postes informatiques. Et quand ils disposent effectivement d’un PC, peu sont familiers des logiciels de bureautique. Lucas, apprenti en deuxième année, a plus de chance : à 17 ans, ce jeune « geek » possède son propre ordinateur. « C’est évidemment un plus pour produire et rendre ses devoirs, reconnaît-il. » Reste à trouver la motivation suffisante pour se mettre devant l’écran. « Moi, je veux décrocher mon CAP et je fais tout pour rendre mon boulot à l’heure depuis la plateforme où on nous dépose les exercices, assure le jeune apprenti. »

S’adapter et inventer

Pas simple pour tout le monde, note cependant Benoît Christophe, qui ne donnait jusqu’alors pas de devoirs à la maison, privilégiant le travail de proximité en classe auprès de jeunes ayant besoin d’un suivi personnalisé et d’explications en temps réel. « Porter la même attention à chacun et obtenir le même retour sur investissement, c’est beaucoup moins évident à distance, observe le formateur. » Alors on s’adapte et on essaie d’impliquer les jeunes autrement que par des écrits. « En leur lançant des défis culinaires, précise par exemple l’enseignant, ou en leur demandant de profiter d’un repas pour décrire en photos la préparation d’un plat à la maison. »

Mobilisation générale

Pour un suivi renforcé, l’équipe de l’UFA intègre une éducatrice qui, aidée par Aurélien Maignant, a passé, durant le confinement, au minimum un appel téléphonique par semaine et par jeune. « Un énorme boulot ! souligne Aurélien. » Ceci pour continuer d’accompagner chacun dans son parcours d’insertion sociale et professionnelle, mais aussi faire le pont avec la famille et l’entreprise. Des entreprises qui ont été nombreuses à jouer le jeu de l’aide aux devoirs auprès de leurs stagiaires. Lucas, lui, devra attendre que le restaurant collectif dans lequel il travaille en alternance rouvre ses portes. « Avec les nouvelles mesures d’hygiène, le masque sur le nez toute la journée, c’est vrai que j’appréhende un peu… » Autre motif d’inquiétude pour lui et ses camarades : les modalités d’obtention du diplôme. Aurélien Maignant rassure : « Chez nous, pas d’examen de fin d’année, mais une certification sur la base du contrôle continu. Aujourd’hui, le seul jury, c’est l’entreprise. »