Dispositif Boost insertion Vernon - Pascal, formateur, discute avec les jeunes
Formation et insertion
30 septembre 2024

Boost Insertion : un dispositif pour remobiliser les jeunes éloignés de l'emploi

Destiné aux jeunes de 16 à 30 ans peu qualifiés, sans emploi ni projet de formation, le dispositif Boost Insertion est déployé par Apprentis d’Auteuil partout en France. Ce programme sur mesure vise à restaurer une estime de soi souvent fragile et à redonner confiance, conditions essentielles pour s’inscrire avec succès dans un processus d’insertion sociale et professionnelle.

Boost Vernon, en Normandie. Dans la salle de formation, une douzaine de jeunes s’apprête à travailler au journal de bord collectif de leur promotion. Devant chaque participant, un curieux bol aux zébrures dorées. Interrogés, les jeunes expliquent avec fierté la technique japonaise du kintsugi, découverte lors d’un atelier qu’ils ont suivi : l’art de réparer des objets en sublimant les failles et les imperfections. « Ce bol cassé, c’est nous en fait. En le recollant, on apprend l’art de la résilience. Ça prouve qu’on peut réparer nos blessures et qu’il ne faut pas se laisser abattre », souligne Alexis, 25 ans. 

Tout un symbole et encore plus. Chaque activité choisie, chaque atelier, doit contribuer à restaurer ce qui manque le plus chez ces jeunes : la confiance en soi, l’estime de soi. « C’est pour nous un fil conducteur, reconnaît Nathalie Vallon, formatrice. Avec mon collègue Pascal, également formateur, nous saisissons toutes les occasions de valoriser les jeunes. Nous prenons garde à ne jamais rabaisser un candidat, à être toujours très bienveillant. »

Dispositif Boost insertion Vernon - Pascal, formateur, discute avec les jeunes
Au dispositif Boost insertion de Vernon - Pascal Monceaux, formateur, anime l'atelier journal de bord. (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Vernon. Théo en entretien avec Nathalie Vallon, directrice du site. Jeu de cartes sur les "besoins" des jeunes
Un des outils de connaissance de soi : un jeu de cartes sur les émotions. Ici, Théo avec Nathalie Vallon, formatrice à Boost Vernon. (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Vernon - Pascal, formateur avec Koua
Dispositif Boost insertion Vernon - Pascal Monceaux, formateur, accompagne Koua dans l'écriture de son journal de bord. (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Vernon - Clarisse, Arthur et Théo
Boost insertion Vernon - Clarisse, Arthur et Théo, en travail de groupe. (c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

Des publics hétérogènes

Dans plus de quarante lieux en France, les dispositifs Boost Insertion créés par Apprentis d’Auteuil accueillent des jeunes âgés de 16 à 30 ans qui ne sont ni en emploi, ni en formation. « Nous accueillons des jeunes de plus en plus en difficulté, qui se sentent de plus en plus perdus, explique Cédric Ruel, coordinateur de Boost Insertion. Le dispositif est conçu pour les remettre dans une dynamique de parcours, pour leur permettre de se questionner sur ce qu’ils aimeraient faire, sur ce qui les fait vibrer. » Leurs parcours sont marqués par des ruptures qui ont entamé leur confiance en eux. Thibaut Louvet, chargé d’insertion socio-professionnelle et éducateur sportif pour Boost Douai, dans le Nord, détaille : « Ils rencontrent de multiples difficultés : un contexte compliqué, parfois marqué par les violences intrafamiliales, les addictions, la précarité, l’insalubrité des logements... Le harcèlement scolaire que certains ont subi a accru leurs difficultés à envisager la vie en groupe et en société. »

Les profils sont variés : près de la moitié des jeunes vient de quartiers prioritaires de la ville. 10 % sont des parents isolés, 10 % des mineurs non accompagnés, 10 % des personnes en situation de handicap. Une partie est issue de territoires ruraux isolés, les zones de revitalisation rurales qui bénéficient d’aides au développement économique. « Cette disparité fait la richesse du groupe, poursuit Nathalie Vallon. Parmi ce public très hétérogène, nous avons des jeunes qui éprouvent un mal-être en société, qui ont du mal à parler. Nous travaillons sur tous les freins – bien-être, santé, logement, mobilité, sociabilité, etc. - pour les amener à se sentir mieux et à devenir autonomes. »

Dispositf d'insertion Boost Douai - Thibaut Louvet, Chargé d'insertion professionnelle et éducateur sportif, avec Rémy et Laura
Boost Insertion Douai - Thibaut Louvet, chargé d'insertion professionnelle et éducateur sportif, anime un jeu connaissance de soi pour Rémy et Laura, deux jeunes bénéficiaires. (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil
Dispositf d'insertion Boost Douai - partie de Baby foot
Dispositf d'insertion Boost Douai - de gauche à droite, partie de Baby foot avec Thibaut Louvet, Chargé d'insertion professionnelle et éducateur sportif; Anaïs Decobecq CIP et sourceur, Rémy et Laura (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil
Dispositf d'insertion Boost Douai - Réunion
Boost Insertion Douai - Des points réguliers sont organisés entre les partenaires. (de g. à dte) Anaïs Decobecq conseillère d'insertion professionnelle, Maxime Kapoun, responsable de la Maison Nord Solidarités de Somain et David Lefebvre, directeur adjoint du pôle formation et insertion d'Apprentis d'Auteuil dans le Nord. (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil

L’importance d’une dynamique de groupe

Orientés par la mission locale, les autres dispositifs d’insertion du secteur, les partenaires du champ social ou par le bouche à oreille, les jeunes sont souvent sans activité, parfois depuis plusieurs années. Comme d’autres responsables des dispositifs Boost, Charlotte Jaudeau, à Perpignan, remarque chez nombre d’entre eux un décrochage intervenu lors de la crise Covid. « Le but est d’abord qu’ils renouent avec le collectif, qu’ils reprennent l’habitude de se lever le matin, explique-t-elle. C’est pour cette raison que nos ateliers sont organisés au départ l’après-midi. Nous les resocialisons progressivement. On les a toujours considérés comme des jeunes à problème. Nous les voyons comme des jeunes qui peuvent aller de l’avant malgré les difficultés qu’ils ont pu rencontrer. »

Dans ce dispositif de trois à six mois, la dynamique de groupe est essentielle. Les équipes s’attachent à créer cette symbiose qui va porter chacun individuellement et au sein d’un collectif. À Vernon, Thomas, 19 ans, en a fait l’expérience. « Ce que j’aime ici, c’est la cohésion. On avance tous ensemble, cela donne de la motivation. »
Le jeune homme, auparavant en formation restauration, est un de ceux qui ont décroché lors de la crise sanitaire : le restaurant où il était en alternance a mis la clé sous la porte. « Je n’ai pas pu finir mon CAP. Je voudrais trouver quelque chose qui me plaît, exploiter ma créativité et me donner à fond. J’ai plusieurs pistes, la chaudronnerie ou la mécanique. Je voudrais surtout trouver un métier qui ne risque pas d’arrêter lors d’une crise ! »

Dispositif Boost insertion Perpignan - Entretien individuel sur les métiers pour Mohammed, accompagné depuis deux semaines, avec Marina Veeran, CEFI
Mohamed, nouvellement entré à Boost insertion Perpignan, en entretien avec Marina Veeran, conseillère emploi, formation insertion, discute des métiers qu'il aimerait explorer. (c) Thomas Baron/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Perpignan - Courses  réalisées ensemble avec des jeunes et  Magali Bonnecarrère, CEFI, en vue du repas en commun
Après avoir établi un menu, les jeunes apprennent à faire les courses correspondant à leur budget avec Magali Bonnecarrère, conseillère emploi formation insertion. (c) Thomas Baron/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Perpignan - Préparation d'un repas pris en commun
Les jeunes apprennent également à cuisiner des aliments frais et sains. (c) Thomas Baron/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Perpignan - Préparation d'un repas pris en commun
En cuisine, deux jeunes en pleine préparation du repas pris en commun. (c) Thomas Baron/Apprentis d'Auteuil
Dispositif Boost insertion Perpignan - Job dating dans un café avec France Travail.
Job dating dans un café avec France Travail. Levi, un jeune accompagné par Boost Insertion Perpignan, en entretien avec un recruteur d'Intermarché (c) Thomas Baron/Apprentis d'Auteuil

Apprendre à se connaître

Pour aider les jeunes à trouver un projet, tout en reprenant confiance, la première partie du dispositif est consacrée à la connaissance de soi et à la prise de confiance. Un accompagnement à 360e, fait d’ateliers variés, de tests, de sorties culturelles ou nature, de sport, d’entretiens individuels et collectifs où chacun peut se découvrir sous le regard bienveillant des formateurs et du groupe, trouver ses talents, ses appétences. 
La gestion des émotions fait partie des explorations, grâce à des outils ludiques qui permettent d’identifier les failles, les peurs, les colères. Cette première phase aborde aussi les valeurs, les talents, les passions d’enfant, les intelligences multiples pour mettre en avant les singularités et les atouts. Les formateurs posent les questions du sens : pourquoi on travaille ? Qu’est-ce qui est intéressant dans la vie ? Et apprennent aux jeunes à ne pas considérer une réorientation comme un échec mais à tirer parti de ses différentes expériences. Théo, 18 ans, l’a compris : « J’étais en maçonnerie chez les compagnons, mais en fait, je ne me voyais pas en faire ma carrière. J’ai arrêté ma formation et je l’ai vu comme un échec. Les formateurs m’ont montré que ça pouvait être une force, que je me servirai de ces connaissances dans ma vie personnelle. Ici, j’ai acquis de la confiance en moi, j’ai appris à connaître ce que j’aime faire et à oser le dire. Je voudrais être agriculteur. »

Autonome et mobile

Pour les jeunes en début de parcours, de nombreuses questions et pas encore de réponse. Mohamed, 18 ans, de Boost Perpignan, le reconnaît : « Je ne sais pas ce que je veux faire de ma vie, c’est pour cela que je suis venu. Cela fait un an que j’ai décroché au cours de mon bac pro logistique. Je suis l’aîné d’une famille de sept enfants. Ma mère nous élève seule. Je viens ici découvrir des pistes. Pourquoi pas la vente, la petite enfance ou la sécurité ? »

La deuxième phase est donc consacrée à l’identification des projets qui plaisent au jeune, grâce à des tests d’orientation, des rencontres avec des professionnels, des visites d’entreprise, des jobs dating... Également au programme, une remise à niveau scolaire en maths et en français en fonction des besoins, pour certains le code, le permis. Puis, dans un troisième temps, les jeunes apprennent à travailler les techniques de recherche d’emploi, le CV, l’entretien.

Le travail sur l’autonomie, en lien avec la mobilité, est une des clés du dispositif. L’équipe de Perpignan organise des sorties à la plage ou dans la ville pour que les jeunes découvrent leur environnement. Certains ne sont jamais allés à la mer, pourtant à 20 minutes de chez eux. Celle de Vernon propose un escape game dans la ville, pour que les jeunes se repèrent et sachent aussi se servir d’un GPS. 

L’équipe de Boost Douai demande aux jeunes de gérer des projets de A à Z : la visite du centre historique minier de Lewarde, une journée à Paris... Au début réticents, ils doivent organiser la sortie dans les moindres détails. À la fin, ils sont passionnés, constatent les formateurs. Ils ont eu le courage de se lancer, ont découvert beaucoup de choses et ont repris confiance en eux. 

Deux stages professionnels de quinze jours ponctuent le parcours. Tout un travail pour dépasser ses appréhensions et nouer les contacts. La question de l’attitude et d’un ajustement des postures est un des points sur lesquels l’équipe travaille avec chacun. Kevin, 20 ans, a été orienté vers Boost Douai par un ami : « J’étais seul et en galère financière. Aujourd’hui, je suis en formation vente en alternance avec à la clé un diplôme, un emploi. L’équipe m’a aidé à avoir un bon comportement chez moi et au travail. À faire attention à la façon dont je m’habille. Plus tard, j’aimerais ouvrir un petit magasin de pêche, c’est ma passion, et mon rêve ! » 
Avec plus de 50 % de sorties positives, le dispositif montre sa capacité à remobiliser des jeunes très éloignés de l’emploi. Pour les autres jeunes qui en sortent sans solution immédiate, des raisons diverses : ils trouvent un logement, déménagent, ne donnent plus de nouvelles. Ceux qui souffrent de troubles psychiques ou mentaux ont besoin d’un accompagnement plus long. D’autres partenaires prennent le relais. « Pour tous les jeunes, le passage dans le dispositif a le mérite de semer quelque chose, qui peut-être, germera plus tardespère Cédric Ruel. Il va leur permettre une introspection, une relecture de leur parcours. Ils peuvent prendre conscience d’un autre chemin à emprunter. C’est positif. »