Plaidoyer
06 avril 2021

Vaccination : les professionnels de la protection de l'enfance doivent être prioritaires !

Alors que de nouvelles mesures de confinement sont mises en place, Apprentis d'Auteuil et d'autres acteurs de la protection de l’enfance appellent à la vaccination immédiate des professionnels de ce secteur. Avec l’objectif de préserver la qualité d’accompagnement de jeunes parmi les plus fragiles et la sécurité de tous.

Ce mardi 6 avril, dix acteurs de la protection de l’enfance ou du secteur habilité de la protection judiciaire de la jeunesse appellent à une vaccination immédiate des professionnels. Apprentis d’Auteuil, Action enfance, Priorité enfance, SOS Villages d’enfants France, l’Uniopss, Cithéa, le Groupe SOS jeunesse, le Cnaemo, l’Anamaaf et la Cnape demandent au gouvernement de pouvoir figurer immédiatement sur la liste de ceux qui ont besoin d’être vaccinés en priorité.
Nicolas Truelle, directeur général d’Apprentis d’Auteuil, a tweeté à l’attention du président de la République Emmanuel Macron : « En 1re ligne auprès des enfants placés, les professionnels de la protection de l'enfance n'ont pas aujourd'hui accès en priorité au vaccin. C'est pourquoi je demande @EmmanuelMacron leur #vaccination en urgence. »

Une incohérence à rectifier d’urgence

« Il est plus que surprenant que les Maisons d’enfants à caractère social, ouvertes toute l’année, ne soient pas priorisées pour la vaccination, comme les Ehpad ou les hôpitaux ! s'indigne Frédéric Marseille, directeur de la MECS Marcel-Callo dans l’Oise. Une incohérence est pointée par les professionnels : une directive gouvernementale demande le maintien de leurs missions en situation de cas contacts non symptomatiques, comme pour les personnels soignants, alors qu’il n’y a pas pour eux de priorité de vaccination.... Nous avons été la première Maison d’enfants de France confinée le 2 mars 2020. Parmi les 187 jeunes accueillis, 50 ont été touchés par le Covid et un tiers de nos salariés. Les enfants en besoin de protection doivent pouvoir compter sur un personnel bienveillant, à longueur de temps, quelles que soient les conditions sanitaires. »

Fatigués et déçus du manque de reconnaissance

Les éducateurs assurent au quotidien le suivi scolaire, comme ici à la Maison d'enfants Mère Teresa de Calcutta, dans l'Oise (c) Geoffroy Lasne / Apprentis d'Auteuil
Les éducateurs assurent au quotidien le suivi scolaire, comme ici à la Maison d'enfants Mère Teresa de Calcutta, dans l'Oise (c) Geoffroy Lasne / Apprentis d'Auteuil

Sur le terrain, les professionnels se disent fatigués et déçus de ce manque de reconnaissance de leur travail, alors qu’ils sont engagés 24 h sur 24 dans les établissements de la protection de l’enfance. Outre le quotidien des jeunes, du lever au coucher, ils veillent à la continuité pédagogique depuis la fermeture des établissements scolaires et de formations. En clair, ils s’assurent que les jeunes suivent les cours à distance et les accompagnent dans leur travail personnel.
Olivier Duplan, directeur de MECS en Anjou, reconnaît : « Après un an de confinement/déconfinement successifs, les équipes sont épuisées. Elles restent mobilisées pour accompagner les jeunes, mais elles se demandent combien de temps cela va durer. Car, par expérience, les confinements sont toujours plus longs qu’annoncé. Cette semaine, les éducateurs vont accompagner les jeunes dans leur travail scolaire, mais ils ne sont pas enseignants. Ils font du soutien scolaire dans la limite de leurs capacités. Après cette année perturbée, il y a un vrai risque de décrochage pour certains jeunes. D’autant que nous évoluons dans un contexte tendu. Dans certaines MECS, la quasi-totalité des éducateurs a été cas contact et mise en arrêt de travail. Nous fonctionnons donc en mode dégradé, en tension permanente. Les équipes sont au contact des jeunes et de leur famille au quotidien, comme le sont les enseignants. La vaccination des éducateurs en MECS permettrait de sécuriser les équipes et de retrouver une qualité de prise en charge des jeunes. »
Un avis partagé par Augustin Zeltz, directeur régional adjoint d’Apprentis d’Auteuil région centre, qui détaille : « Les éducateurs sont très exposés. On a la chance d’avoir des personnels très engagés, sinon, on aurait des défections en rafale. Un exemple : quand on a 12 jeunes positifs au Covid sur un foyer, des éducateurs se portent volontaires pour les encadrer. Voilà le quotidien. Ils méritent des applaudissements. Obtenir la garde d’enfants lors du premier confinement, cela a déjà été une grosse bataille. Il est important que les éducateurs puissent être vaccinés, ils le réclament. »

La vaccination au service de la relation éducative

Malgré les risques encourus, la plupart des professionnels ne veulent pas exercer leur droit de retrait, souhaitant poursuivre leurs missions auprès des publics fragiles. Mais ils soulignent leurs réelles conditions de travail et les besoins particuliers des publics qui leur sont confiés. « Covid ou pas, nous sommes là pour accompagner les jeunes au quotidien, rappelle Sylvie de Checchi, éducatrice à la MECS Notre-Dame des Vaux (28). Nous appliquons les mesures sanitaires, port du masque, gestes barrières, mais comment faire avec des jeunes en Maison d’enfants, leurs affects, leurs difficultés, leurs souffrances ? Quand un jeune est pris d’angoisse, qu’il a besoin d’être rassuré et pris dans les bras ? Sans parler des moments où la violence surgit et où ils ont besoin d’être "contenus". C’est très compliqué. »
La direction régionale Centre a anticipé ce nouveau confinement en mettant en place un protocole sur le site des établissements Notre-Dame. Exemple : pour les déjeuners et les dîners sur les foyers, jeunes et adultes se placent à distance et à des tables séparées. « Cette pandémie et les mesures à appliquer fragilisent la relation que nous avons avec les jeunes et augmente leurs craintes et leurs angoisses, reprend Sylvie de Checchi. Le vaccin est plus que nécessaire. En tant que secrétaire du CSSCT (Commissions santé, sécurité et conditions de travail, un organe du Comité social et économique, ndlr), je peux témoigner que cet avis est largement partagé par mes collègues éducateurs. Il est urgent que les personnels de la protection de l’enfance soient reconnus comme prioritaires. »