Education et scolarité

Covid-19 : quel accompagnement sanitaire et psychologique des jeunes ?

En cette période de confinement généralisé, comment les professionnels d'Apprentis d'Auteuil en charge de l'accompagnement sanitaire et psychologique des jeunes en Maison d'enfants se sont-ils adaptés à cette situation inédite ? Réponses avec une infirmière et une psychologue qui oeuvrent dans deux établissements dans les Hauts-de-France et en Ile-de-France.

Isabelle Dacquin intervient en tant qu'infirmière auprès d'une cinquantaine d'enfants et d'adolescents de la Maison d'enfants Saint-Jacques de Loos (Nord) qui, depuis le 16 mars, sont confinés sept jours sur sept au sein de l'établissement : «  Depuis le début du confinement, je suis intervenue auprès des adultes et des jeunes pour leur rappeler l'importance des gestes barrières (lavage des mains, repas espacé les uns des autres, tousser dans son coude, etc.). J'ai même fait un exercice pratique pour leur montrer, un par un, comment il fallait faire pour bien se laver les mains. Les éducateurs ont également eu l'idée de mettre une musique qui rappelle, toutes les heures, qu'il faut aller se laver les mains ! En revanche, nous n'utilisons pas de masques que nous réservons aux éventuels malades.

Nettoyage renforcé des locaux

D'autre part, nous avons renforcé le nettoyage des locaux, poursuit la professionnelle. Nous insistons notamment sur la désinfection des surfaces les plus en contact au sein de la Maison d'enfants que sont les poignées de portes, les rampes, les interrupteurs, etc. qui sont lavés désormais trois fois par jour. Enfin, dans ce plan de confinement, nous avons libéré une chambre qui pourra être utilisée pour isoler un enfant du reste du groupe si l'un d'eux tombe malade. Mais pour l'instant tout le monde se porte bien !
Ici, tous les adultes sont sur le pont pour rendre cette période difficile la plus facile possible pour les jeunes qui sont confinés 24h/24 au sein de la MECS. Notre crainte, c'est de ne pas pouvoir assurer la continuité de la prise en charge des jeunes si plusieurs adultes de l'équipe tombent malades en même temps. Pour cela, nous avons réorganisé les plannings pour assurer un roulement afin d'être moins nombreux au sein de l'établissement au même moment. Des précautions essentielles, surtout si la situation de confinement est amenée à durer plus longtemps.»
 

"Le confinement a sidéré nombre d'adolescents"

 

Une éducatrice et une jeune de la Maison Saint-Jean à Sannois © Besnard/AA

Psychologue à la Maison d’enfants Saint-Jean à Sannois (95), Clémence Montfajon maintient avec les jeunes, les familles et les équipes éducatives, un lien à distance. Pour accompagner chacun au mieux. «Depuis l’entrée en vigueur du confinement, nous avons mis en place un maillage entre la direction, les chefs de service, les éducateurs et les psychologues de la Maison Saint-Jean, explique Clémence Montfajon. Nous restons en contacts réguliers les uns avec les autres, par mail et téléphone, pour accompagner au mieux les 13-21 ans qui vivent sur place, dans les pavillons, et les garçons et les filles qui ont eu l’autorisation de rentrer chez eux. » Les éducateurs et éducatrices rédigent ainsi, soir et matin, un flash-infos pour rendre compte de l’ambiance générale, des événements particuliers de la journée ou de la nuit, des problèmes rencontrés (tentative de fugue, violence physique ou verbale…). Ils partagent également, tout comme les psychologues, les nouvelles qu’ils prennent des familles. « En fonction de ces informations, je peux appeler un éducateur et lui demander si tel ou tel jeune a besoin de parler et lui proposer un rendez-vous téléphonique, précise Clémence Montfajon. Je travaille avec le jeune seul ou avec sa famille selon leurs besoins. Car le confinement a sidéré nombre d’adolescents. Tous n’avaient pas compris ou accepté d’être placés par le juge en Maison d'enfants et, brusquement avec le confinement, on leur a demandé de rentrer chez eux pour ne pas maintenir trop de jeunes sur le site. À cet âge où ils se sentent tout puissants et ne veulent pas de limites, c’est très violent ! »

Instaurer de nouveaux repères

Clémence Montfajon poursuit l'accompagnement des jeunes et des familles, à distance, au téléphone © Apprentis d'Auteuil

L’essentiel pour la psychologue ? Que les relations ne soient pas trop tendues et n’explosent pas à la Maison d’enfants ou dans les familles. « Je sens, comme partout, une certaine angoisse, confie Clémence Montfajon. Lorsqu’un jeune ou un adulte me dit : « C’est compliqué, c’est difficile », je dois le réconforter pour qu’il se sente, au moins, entendu. Je l’incite à maintenir les rituels de la journée : le lever, les devoirs, les repas, les loisirs, le coucher, etc. Sans mettre aucune pression car certains jeunes sont seuls à la maison à faire des devoirs, via Internet, et à les rendre en temps et en heure. D’autres connaissent des situations familiales compliquées. »
Aux éducateurs et aux parents, la psychologue rappelle que, dans ce chamboulement, un cadre doit être posé, quitte à l’assouplir un peu. « Même si une maman est rassurée de voir sa fille à la maison, elle ne peut lui permettre de passer ses journées, au lit, pendue au téléphone. En conséquence, je lui propose de m’entretenir directement avec elle et/ou sa fille. À la maman qui laisse son garçon regarder la télévision le soir et dormir le matin, pour ne pas entrer en conflit avec lui, je fais remarquer que cet adolescent qui fait la loi à la maison, prend au moins conscience de la gravité de la situation : il ne sort pas. »
Au fil des jours de confinement, Clémence Montfajon tire de précieux enseignements. « Dans l’ensemble, les jeunes sont assez adaptables. Ils acceptent les choses pas forcément sans rien dire mais ils les acceptent. Travailler avec eux non plus en face-à-face mais par téléphone oblige à tout percevoir par la voix, à utiliser plus que jamais les bons mots. Même à distance les repères, les rituels peuvent fonctionner. L’accompagnement se poursuit dans une espèce d’expérimentation quotidienne. »